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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Sarkozy projette d’étendre la loi anti-grève à l’ensemble du secteur public

Par Alex Lantier
24 juillet 2007

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Les dirigeants au plus haut niveau du gouvernement du président nouvellement élu, Nicolas Sarkozy, projettent d’étendre une loi prescrivant un niveau de « service minimum » garanti dans les transports publics à l’ensemble du secteur public, à commencer par les écoles.

La loi anti-grève proposée oblige les autorités organisatrices de transports à décider d’un niveau de service qu’elles devront maintenir par la suite. Elle force les syndicats et les travailleurs qui veulent faire grève à répondre à des exigences onéreuses en termes de conditions à remplir, comme par exemple, le fait que chaque travailleur déclare individuellement son intention de faire grève deux jours avant qu’elle ne débute ; et que les employeurs peuvent organiser, dans les huit jours qui suivent tout déclenchement d’une grève, un scrutin à bulletin secret pour déterminer si une majorité des salariés est encore en sa faveur ou non.

Le premier ministre, François Fillon, a fait état le 17 juillet dans une interview télévisée sur France-3 de sa volonté d’étendre la loi sur le « service minimum » alors que le Sénat en commençait l’examen. Il a déclaré, « La démonstration qui sera faite de l’efficacité du dialogue social dans les transports peut ensuite servir de modèle pour être étendu dans d’autres secteurs, dont l’Education nationale. Si ça marche, je ne vois pas pourquoi on ne l’étendrait pas à d’autres domaines, parce que l’objectif c’est quand même bien de fournir en permanence le meilleur service public à tous les Français. »

Le ministre des Affaires sociales, du Travail et des Solidarités, Xavier Bertrand, a alors fait savoir qu’un service minimum était « indispensable ». Il a dit, « Plaçons-nous d’un point de vue pratique : s’il y a une grève il faut quand même s’organiser pour savoir ce qu’on va faire avec les enfants. » Il a souligné le fait que les collectivités locales chargées d’assurer la surveillance des élèves en cas de grève de leurs enseignants ne disposent souvent pas des moyens de le faire.

Selon le journal Le Monde, un amendement serait déjà examiné par le Sénat et qui prévoirait l’application de la loi sur le service minimum au service public d’enseignement les jours d’examen du brevet ou du baccalauréat.

Le gouvernement a légèrement reculé en raison d’une réaction hostile et de critiques des syndicats enseignants. Le 18 juillet, le ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos, a dit, « Il n’y a qu’un seul service minimum qui est envisagé, c’est celui des transports. » Toutefois, il a fait comprendre qu’il n’attendait qu’un moment politiquement plus propice pour instaurer la mesure dans les écoles, en ajoutant avoir « toujours dit aux syndicats que toutes les questions évoquées dans la campagne présidentielle, y compris le service minimum, faisaient partie du débat que nous aurions le moment venu. »

Le Parti socialiste (PS) et le syndicat des enseignants SNUIPP-FSU ont tous deux cherché à donner l’impression qu’il existe des dissonances au sein du gouvernement, en dénonçant une « cacophonie » au gouvernement. Le porte-parole du SNUIPP-FSU (Syndicat national unitaire des Instituteurs Professeurs des Ecoles et Professeurs d’enseignement général de collège, Pegc) a simplement dit qu’il espérait « que cesse la cacophonie entre le premier ministre et ses ministres. » Il est évident par contre qu’il y a une unanimité totale au gouvernement pour étendre le principe de « service minimum » à l’ensemble du secteur public : les désaccords existants ne concernent que la méthode et le moment opportun.

L’avantage politique majeur du gouvernement dans son projet de loi briseur de grève réside dans l’inefficacité de la direction syndicale pour les travailleurs et la complicité du Parti socialiste. Les syndicats et le PS, bien qu’étant tous deux en désaccord avec le gouvernement quant à la méthode et au moment propice pour l’instauration de la loi et malgré la posture qu’ils prennent à l’encontre de Sarkozy pour sauvegarder leur crédibilité dans leurs propres rangs, se retrouvent sur l’objectif final du gouvernement : la « réforme » du contrat de travail et du système de relations sociales afin de rendre la France concurrentielle face à ses rivales économiques, un processus qui ne pourra avoir lieu qu’aux dépens de la classe ouvrière.

Suite aux élections présidentielles et législatives, durant lesquelles le Parti socialiste a mené une campagne électorale droitière fade et ennuyeuse, tout comme le reste de la « gauche », il règne inévitablement une énorme confusion populaire et même des illusions. Certains espèrent même que Sarkozy fera « redémarrer » l’économie. Dans le même temps il existe une vaste opposition contre le genre de coupes sociales qu’il a promis d’effectuer aux partisans de son régime, une « rupture » avec les institutions sociales actuelles de la France.

Les dirigeants gouvernementaux cherchent évidemment à profiter au maximum de cette confusion. Ils ont cité à maintes reprises des sondages d’opinion montrant qu’entre 70 et 80 pour cent de personnes étaient en faveur du projet de « service minimum ». S’ils sont corrects, ces sondages reflètent, plus qu’autre chose, la frustration croissante face à la situation précaire du service public, lourdement affecté par les restrictions imposées dans son financement et son personnel. Néanmoins, Sarkozy dont l’une des premières mesures en tant que président avait été d’annoncer la suppression de 10.000 postes dans l’Education nationale et qui avait occupé des positions au plus haut niveau dans les gouvernements de droite précédents, est tout aussi responsable de la situation que le sont ses prédécesseurs.

Dans la presse de droite, l’on assiste à un débat ouvert sur la question à savoir comment semer au mieux la confusion et évincer les instincts démocratiques des masses. Le journal des milieux d’affaires Les Echos a remarqué, « Pour éviter d’attaquer de front le droit de grève, il [le gouvernement] a mis davantage l’accent sur la prévisibilité du trafic – le postulat est que c’est l’absence d’information qui exaspère le plus les Français [que les grèves en général] – que sur le service garanti. »

Comme le signalait le professeur de droit, Frédéric Rouvillois, dans une interview accordée au Nouvel Observateur, un service minimum garanti garantissant qu’un minimum de travailleurs ne fassent pas grève viole les dispositions de la constitution française d’après-guerre qui reconnaît expressément le droit de grève à tous les travailleurs. En 2004, le Conseil constitutionnel avait précisé que le projet de « service minimum » envisagé par le gouvernement du président Jacques Chirac de l’époque était inconstitutionnel.

La réaction des dirigeants syndicaux avait été en grande partie faible et exempte de principes. Ils s’étaient surtout plaints de ne pas avoir été consultés ou de ce que certains détails avancés par les porte-parole gouvernementaux étaient incorrects. C’est ainsi que Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU (syndicat de l’Education nationale) a dit qu’il est « très en colère » et que le gouvernement « accumule les sujets de conflits ». Malgré le caractère clairement droitier du gouvernement de Sarkozy-Fillon, Aschieri a laissé entendre qu’il avait été surpris par les annonces qui avaient été faites dernièrement : « Il n’y avait eu jusque-là aucune déclaration officielle sur un service minimum dans l’éducation… Ce sujet n’a donné lieu à aucune concertation. Le risque de conflit (social) est de plus en plus fort »

A une question posée de but en blanc par le quotidien Le Monde, s’il déclencherait une grève contre la loi sur le service minimum, Didier Le Reste, le secrétaire de la fédération CGT des cheminots (Confédération générale du Travail) dominée par les staliniens, a refusé de répondre. Il a dit que son syndicat rejoindrait le 31 juillet, les autres syndicats pour des manifestations locales. Là encore, la CGT se prépare à recourir à la même stratégie que celle employée par les syndicats pour désamorcer les manifestations auxquelles avaient participé des millions de personnes en 2003 contre la réduction des retraites et en 2005 contre le CPE (Contrat Première Embauche) : à savoir organiser quelques protestations et défilés éparpillés un peu partout et évitant soigneusement toute lutte politique contre le gouvernement.

Les mesures pour un « service minimum » visent à attaquer les droits de la classe ouvrière tout entière et sa capacité à se mobiliser contre le gouvernement. Au cours de ces dernières années, un grand nombre des principaux mouvements de la classe ouvrière française, les grèves de 1995 contre la réforme de la sécurité sociale et les grèves de 2003 et de 2005, furent déclenchés par les travailleurs du secteur public, qui craignent moins la menace du licenciement pour cause de grève que leurs collègues du secteur privé et qui jouissent d’un large soutien de la population. Sarkozy cherche un moyen de réprimer les travailleurs du secteur public dans l’espoir d’avoir les mains libres pour lancer sa politique sociale réactionnaire.

Il ne faudrait pas non plus sous-estimer le danger que représentent les démarches du gouvernement Sarkozy qui font partie en fait d’un projet pour provoquer, isoler et briser les protestations organisées par les travailleurs à l’encontre de la loi, et qui est calqué sur le modèle de confrontation employé par le président américain, Ronald Reagan, pour détruire le syndicat des aiguilleurs du ciel PATCO en 1981. Face à une telle stratégie, la politique du morcellement des manifestations et des négociations prônée par la bureaucratie syndicale est en fait des plus dangereuses.

(Article original anglais paru le 20 juillet 2007)


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