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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Jack Lang et la désagrégation continue du Parti socialiste

Par Pierre Mabut et Stefan Steinberg
26 juillet 2007

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Jack Lang, l’un des derniers « éléphants » (vieille garde) restants de la direction du Parti socialiste, vient de quitter le parti pour accepter la mission du président nouvellement élu, Nicolas Sarkozy. Ce dernier a offert à Lang de siéger dans la commission sur une réforme des institutions.

Le Parti socialiste (PS) est en train de se dévider suite à des défections en série pour monter dans le train en marche de Sarkozy. La défaite électorale du parti, lors des dernières élections présidentielles et législatives, a provoqué une crise de confiance entre ses dirigeants tout en assénant des coups à leurs espoirs d’occuper des postes ministériels ou gouvernementaux.

Le 10 juillet, la direction du PS, dirigée par son secrétaire général, François Hollande, a menacé d’expulsion Lang s’il acceptait l’offre de Sarkozy de participer aux travaux de la commission sur les institutions. Deux jours plus tard, Lang démissionnait de toutes les instances dirigeantes du parti en dénonçant la « déloyauté » de Hollande et de la direction. Il poursuivit en proposant une démission collective de la direction afin de revenir devant les militants. Lang a déclaré à Libération, « Ils [les dirigeants du PS] m’ont rendu service en me permettant de prendre une décision que j’aurais dû prendre depuis longtemps. Vive la liberté! Vive la vie! » Il serait bon de noter que « liberté » et « vie » signifient ici rejoindre le gouvernement le plus droitier de l’histoire contemporaine française.

Au moment même où Lang faisait sa déclaration, la direction du PS sous Hollande ne s’était pas encore remise de la perte de ses autres personnalités. L’ancien chantre PS des droits humains, Bernard Kouchner, est à présent le ministre des Affaires étrangères de Sarkozy ; l’éminent ancien ministre de Lionel Jospin, Dominique Strauss-Kahn, a accepté sa nomination par Sarkozy à la direction du FMI (Fonds monétaire international) ; et Jean-Pierre Jouyet a été nommé secrétaire d’Etat aux Affaires européennes.

Un autre ténor de « gauche » à avoir accepté un poste de Sarkozy est Hubert Védrine qui avait été le conseiller diplomatique pour les affaires stratégiques et le porte-parole de l’Elysée du président François Mitterrand ainsi que ministre des Affaires étrangères sous le gouvernement de Lionel Jospin. Védrine a accepté, aux côtés de l’économiste et écrivain, Jacques Attali, également ancien conseiller de Mitterrand, le poste dans un groupe de réflexion sur les effets du réchauffement climatique lié à la mondialisation. Une autre désertion marquante du PS est celle de l’ancienne féministe Fadela Amara qui est à présent secrétaire d’Etat auprès de la ministre du Logement et de la Ville, chargée de la Politique de la Veille dans le gouvernement Sarkozy-Fillon.

Lors de la dernière réunion du bureau national du parti, il fut décidé de remettre à mars prochain l’analyse de ses défaites électorales de 2007. Il n’existe aucun élément au sein de la direction pour soulever la question à la fois du caractère droitier de la campagne électorale menée par la candidate présidentielle, Ségolène Royal, et de l’incapacité du PS à défier la politique réactionnaire du gouvernement sortant de l’UMP ou le pouvoir électoral de Sarkozy.

Au contraire, une discussion sur la récente défaite électorale aurait très bien pu révéler jusqu’à quel point une part importante de la direction du PS partage la perspective de Sarkozy. L’effondrement de « l’alternance gauche-droite » et la révélation du PS comme défenseur déclaré du capitalisme français ont des implications importantes et dangereuses pour la vie politique en France. En décidant d’ajourner une discussion interne, Hollande et les ténors du PS ont cherché à sauvegarder l’illusion que leur parti représentait une « différence ». De par leurs actions, Strauss-Kahn, Védrine, Lang et compagnie ont fait éclater la résolution adoptée à l’unanimité par le bureau national du parti.

En réalité, le programme et la politique du PS a beaucoup de choses en commun avec ceux de l’UMP de Sarkozy. Un grand nombre de personnalités influentes du PS se sont rendues compte que la sauvegarde de leur carrière politique et le maintien de leurs privilèges n’étaient possibles qu’en faisant partie du gouvernement Sarkozy.

En passant dans l’autre camp, Lang a passé sous silence le rôle qu’il a lui-même joué dans la débâcle du parti. Après la défaite électorale du PS, Lang a dit que le PS traversait « une crise grave » et qu’ « on aurait attendu de la part des dirigeants une autocritique, une analyse ». Une fois de plus, dans ce contexte, « analyse » et « autocritique » signifient fournir des arguments à une accentuation du virage à droite du PS.

Dans une interview accordée à Libération (12 juillet), Lang s’est plaint de ce que le parti s’autodétruisait et avait « lancé indirectement une fatwa [décret religieux] » contre lui. Il a accusé Hollande d’avoir « coupé les ailes » de personnalités telles Strauss-Kahn, Kouchner et autres, qui ont tous soit démissionné de la direction soit déserté pour rejoindre le gouvernement Sarkozy.

Lang est loin d’être novice en politique et sa démission n’a rien à voir avec des divergences avec le programme du PS. En fait, c’était Lang aux côtés de Strauss-Kahn et de Martine Aubry (ministre de l’Emploi et de la Solidarité et numéro deux du gouvernement Jospin) qui furent les architectes du programme électoral de 2007du PS. Lang fut également conseiller spécial de Royal.

A bien des égards, Lang est à ce jour le plus gros poisson que le gouvernement Sarkozy ait attrapé. Durant sa longue carrière politique, Lang a occupé plus de postes ministériels que n’importe quel autre dirigeant du Parti socialiste. Après des études de sciences politiques et de droit, il devient avocat et professeur de droit international à l’université de Nancy. En 1977, il est élu à son premier poste de conseiller de Paris.

Lang ne joua aucun rôle dans le mouvement de masse des étudiants et des travailleurs de 1968. Il a toujours été considéré comme un homme qui ne s’embarrasse pas de « lest idéologique » superflu. Il aime à se qualifier de « réaliste révolutionnaire » mais un examen sérieux de son évolution politique montre clairement qu’un tel « réalisme » n’est rien d’autre qu’un synonyme pour de l’opportunisme absolu. Lorsque Lang évoque les années 1960, c’est pour faire l’éloge de la « culture anti-establishment » et le « style de vie alternatif » plutôt que de la signification politique du soulèvement révolutionnaire des travailleurs et des étudiants qui a ébranlé l’establishment français.

L’apparition de Lang sur la scène politique s’est faite grâce à l’intervention de son mentor, Mitterrand, un politicien de carrière au passé de droite et qui, en 1971, prit la direction de la social-démocratie française presque moribonde pour fournir à la bourgeoisie française une alternative électorale au gaullisme. Durant les nombreuses années passées à la tête du Parti socialiste, Mitterrand s’est révélé être un expert en la matière pour attirer les organisations rivales sur son terrain et collaborer avec elles, notamment le Parti communiste, fournissant ainsi une couverture politique de gauche à sa politique essentiellement droitière et bénéfique au patronat. En tant que poids léger intellectuel, Lang fut pour Mitterrand un choix idéal dont il fera en 1981 son ministre de la Culture.

Durant les douze années de mandat de Mitterrand et ensuite de son successeur, Lionel Jospin, Lang occupa non moins de six postes ministériels, y compris celui de ministre de l’Education nationale. Le plus grand « succès » de Lang en tant que ministre de la Culture fut la création de la Fête de la Musique, une démarche qui n’aura rien coûté au gouvernement. En tant que ministre de la Culture, il a également remis la plus haute distinction de son ministère à Sylvester Stallone, un acteur américain épouvantable et insignifiant.

Obligé de siéger dans les rangs de l’opposition parlementaire à la suite de la défaite du gouvernement Jospin en 2002, Lang continua à soutenir la ligne de plus en plus droitière du Parti socialiste. En 2005, il avait été le porte-parole de la campagne du PS pour le « oui » au référendum sur la constitution européenne néolibérale, il a dernièrement clairement fait comprendre qu’il n’a pas vraiment de divergences politiques avec Sarkozy.

Dans l’une de ses dernières interviews accordées avant sa démission du Parti socialiste à Charlie Rose sur la chaîne américaine PBS dans le Charlie Rose Show, Lang s’est exalté sur la campagne électorale menée par Sarkozy. A propos de la politique de Sarkozy, Lang a déclaré, qu’« il est un conservateur. Il a une vision économique pas très différente de celle de Bush et de Reagan. »

A la question de savoir ce qu’il pensait de la politique de Sarkozy qui s’adapte à celle du Front national néofasciste, Lang a répondu positivement : « Ce n’est pas tout à fait faux. Mitterrand a réussi à intégrer dans le passé les gens qui votaient communistes. Et c’est la même chose à présent avec Sarkozy avec les gens qui ont voté Front National dans le passé. »

Les médias ont souvent fait passer les défections de Lang et d’un nombre d’ « éléphants » influents du PS comme une concession de Sarkozy à l’adresse de la politique du PS et visant à élargir sa base tout en portant atteinte au Parti socialiste. Il n’y a pas de doute que Sarkozy est tout à fait conscient du préjudice que cause sa politique de recrutement au PS mais le tournant brutal à droite de ce dernier ne devrait pas être sous-estimé.

Les couches sociales bien payées, que représentent Lang et ses pairs, les « bobo » (bourgeois-bohême) qui ont fait fortune durant ces deux dernières décennies partagent les mêmes objectifs fondamentaux de base que le gouvernement Sarkozy. Ils se bousculent pour collaborer avec ses projets de « réforme » de la France, à savoir de mener des attaques brutales contre les conditions sociales et les droits démocratiques de la classe ouvrière au moyen de mesures de plus en plus autoritaires.

L’une des clés de voûte de la campagne électorale de Sarkozy fut sa campagne contre les valeurs incarnées par les « héritiers de mai 68 ». « Dans cette élection, » a proclamé Sarkozy, « il s’agit de savoir si l’héritage de mai 68 doit être perpétué ou s’il doit être liquidé une fois pour toutes. »

Lorsque Sarkozy parle de « l’héritage de ‘68’ », il se réfère au soulèvement des travailleurs et des jeunes qui, bien que trahi par le Parti communiste, arracha au cours des décennies suivantes une série de réformes du système de prestations sociales au gouvernement. Alors que Sarkozy engage sa « rupture » contre ce qui reste de ces réformes et qu’il cherche à « liquider l’héritage de mai 68 », il est à présent en mesure de se mettre à profit les services de membres influents du Parti socialiste, y compris ceux d’un certain nombre ayant des liens étroits avec « l’héritage de mai 68 ».

(Article original anglais paru le 23 juillet 2007)


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