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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Six mois après l’adhésion à l’Union européenne

La crise politique s’intensifie en Roumanie et en Bulgarie

Par Marcus Salzmann
2 juin 2007

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Six mois à peine après l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union européenne (UE), il est évident que la situation politique des deux pays est loin de se stabiliser et contredit les prédictions faites à la fois par les politiciens et par les médias. En effet, l’entrée de ces pays dans l’UE, soutenue par un consensus général au sein de l’élite politique, a intensifié la crise politique dans les deux pays.

En Roumanie, un référendum a eu lieu le 23 mai pour décider du sort du président Traian Basescu après qu’il ait été destitué par le parlement. L’action parlementaire a été le point culminant d’un conflit sordide entre les principaux partis politiques du pays. Le lavage de linge sale en public, des mois durant, à Bucarest des délégués parlementaires du pays, a abouti à une crise politique montrant que le terme « démocratie » est un mot étranger dans la capitale.

Le fait que le premier ministre sortant Basescu ait remporté le référendum et ait été reconduit dans ses fonctions est dû moins à sa popularité et encore moins au soutien populaire à son programme politique qu’au fait que ses adversaires politiques sont encore plus détestés que lui. Avec une participation de 44 pour cent des électeurs inscrits, environ trois quarts des électeurs ont voté pour le remettre au pouvoir contre le vœu du parlement roumain.

Un conflit de longue date entre Basescu et le premier ministre Calin Popescu-Tariceanu était à l’origine du référendum. Le Parti national libéral (PNL) de Popescu-Tariceanu avait soutenu une motion de censure initiée par le Parti social-démocrate pour mener à la chute du président.

Le dépôt de la motion de censure s’était fait à l’initiative du président du PSD, Mircea Geoana et, semble-t-il, par l’ex-président Ion Iliescu. La motion avait été soutenue par une écrasante majorité de 322 voix au parlement.

Aux côtés du PNL et du PSD, les ultranationalistes du Parti de la Grande Roumanie et de l’Union démocrate magyare de Roumanie (UDMR) ont tous voté en faveur de la motion. Tous ces partis parlementaires ont investi ensemble quelque 20 millions d’euros au total dans le référendum.

Le contexte de ce conflit est une lutte de pouvoir farouche au sein de l’élite dirigeante pour l’argent, le pouvoir et l’influence. Basescu s’était présenté comme quelqu’un qui combattrait la corruption. Il s’était conformé aux exigences de l’UE d’engager une réforme du système économique, politique et judiciaire où sévissent corruption et copinage. Pour l'heure, des enquêtes judiciaires sont en cours contre de nombreux politiciens issus de pratiquement tous les partis.

Pour se faire une idée de la croisade anti-corruption et de la démocratie de Basescu, il suffit de jeter un coup d’oeil sur sa propre carrière politique. En 1992, il démissionnait de son poste ministériel suite à des allégations de corruption. Il est également suspecté d’avoir coopéré des années durant avec l’ancienne police secrète stalinienne, Securitate.

Sa vraie nature a été mise en évidence le jour du référendum quand une journaliste lui a posé une question sur les résultats du référendum et que Basescu l’a insultée devant les caméras de télévision et traitée de « Tzigane puante ».

Derrière la « réforme des classes politiques » de Basescu, se cache plutôt une tentative de priver de pouvoir les forces politiques rivales. Le conflit entre Basescu et le premier ministre fait rage depuis plus de deux ans et est symptomatique des conflits qui sévissent au sein des cliques dirigeantes dans de nombreux Etats d’Europe de l’Est.

Le conflit croissant entre le PNL de Tariceanu et le Parti démocrate (PD) de Basescu a été précédé par l’éclatement de la coalition de droite, en soi déjà fragile, et qui avait été formée après les dernières élections présidentielles en 2004. A la fin de l’année dernière, le gouvernement de coalition perdait sa majorité gouvernementale après le départ du Parti conservateur (PC) du magnat des médias, Dan Voiculescu. Sans le PD, la coalition formée par le PNL et l’UDMR ne disposait plus que de 20 pour cent des voix au parlement, invalidant de ce fait toute prétention du gouvernement de disposer d’un mandat démocratique.

Basescu représente les partisans de « l’économie libérale » en Roumanie qui aspirent à détruire à tout prix les anciennes cordées existant toujours et dont les origines remontent à l’époque du régime stalinien de l’ancien Parti communiste roumain. Des intérêts économiques prépondérants sont en jeu. Une partie non négligeable des subventions communautaires disparaît sans la moindre explication. Les conséquences économiques d’une telle corruption sont difficiles à chiffrer.

De plus, la Roumanie de par son accès à la Mer Noire a une importance stratégique et économique énorme. C’est ainsi, par exemple, que des représentants de la Roumanie, de la Serbie, de la Croatie, de la Slovénie et de l’Italie ont dernièrement signé un accord pour un oléoduc paneuropéen (en anglais, « Pan-European pipeline ») qui acheminera du pétrole de la Mer Caspienne en passant par le port roumain de la Mer Noire, Constanta, vers l’Europe méridionale.

L’importance de la Roumanie fait que les compagnies énergétiques européennes lui accordent un grand intérêt. Le groupe allemand EON contrôle entre-temps plus de la moitié du marché gazier roumain. Pour les cliques dirigeantes du pays, le pouvoir politique est synonyme de contrôle de ses ressources.

La politique étrangère est aussi devenue une pomme de discorde. L’occupation de l’Irak à laquelle participent les troupes roumaines dans le cadre de la « coalition des volontaires » est fortement controversée.

Il y a deux mois, le gouvernement Tariceanu avait autorisé le stationnement de 3000 soldats américains supplémentaires en Roumanie. Il est prévu que durant ces dix prochaines années, des troupes américaines seront déployées à Babadag sur la Mer Noire, à Smîrdan située au bord du Danube et à Cincu dans le bassin des Carpates. La base aérienne de Babadag a déjà été utilisée ces dernières années pour le lancement d’opérations militaires en Irak.

Plus la guerre en Irak tourne au désastre, plus les attentes de l’élite roumaine de récolter les avantages du pillage du pays restent insatisfaites, et plus cette stratégie est mise en question. Basescu a proposé de réduire le nombre de troupes en Irak ce qui serait interprété de toutes parts comme un pas vers un retrait total des troupes roumaines, ce à quoi Tariceanu s’oppose.

La victoire de Basescu au référendum pourrait signifier le renversement imminent de Tariceanu. Pour le moment, le fragile gouvernement ne survit que par crainte d’une nouvelle élection et qui serait surtout au détriment du PNL.

Le fait que plus de la moitié de l’électorat n’a même pas voté au référendum met en lumière le degré de méfiance et l’opposition qu’éprouve la population à l’égard de la clique politique roumaine.

Bulgarie : un fossé grandissant sépare la population des partis officiels

Un fossé énorme sépare également l’élite politique officielle des masses populaires dans la Bulgarie voisine. Là aussi, les premières élections le 20 mai des députés européens se sont apparentées à un vote de protestation contre les partis traditionnels et leurs programmes politiques. Seuls 28 pour cent des électeurs se sont présentés aux urnes.

Le parti Citoyens pour un développement européen de la Bulgarie (Gerb) est sorti vainqueur des élections en récoltant 21,7 pour cent des votes et en dépit du fait qu’il a seulement été créé six mois auparavant. Le Parti socialiste bulgare (BSP) dirigé par le premier ministre Sergueï Stanichev, l’a talonné de près en arrivant en seconde position avec 21,41 pour cent. Le partenaire du BSP au sein de la coalition gouvernementale est arrivé en troisième position. Le Mouvement des droits et des libertés (DPS) qui représente la minorité turque a obtenu 20,26 pour cent et le parti de l’ancien premier ministre, Siméon Sakskobourggotski, le Mouvement national Siméon II (NDSW) put recueillir à grand-peine 6 pour cent, juste assez de voix pour bénéficier d’une représentation.

Le camp de droite fut entièrement décimé. Les Démocrates pour une Bulgarie forte (DSB) de l’ancien premier ministre Ivan Kostov, l’Union populaire bulgare (BNS) et les Forces démocratiques unies (ODS) n’ont pas dépassé la barre des 6 pour cent et frôlent l’extinction politique.

La question au cœur de l’élection était une fois de plus en une série de scandales dans lesquels plusieurs membres du gouvernement sont impliqués. Une instruction judiciaire est en cours contre Rumen Ovcharov, ministre BSP de l’Energie et de l’Economie ainsi que contre deux secrétaires d’Etat pour corruption et intimidation.

L’amertume profonde ressentie contre le BSP, l’ancien roi Siméon II et les divers autres « démocrates » conservateurs qui ont tous, au cours de ces dernières 17 années, jeté le pays dans une crise de plus en plus grave, a été mise à profit par le Gerb, parti fondé par Bojko Borisov, l’ancien maire de la capitale Sofia.

En 2005, Borisov, un ancien policier, était élu maire de Sofia en réaction à une opposition croissante à l’encontre des autres partis de droite et du BSP. Il avait été en mesure de récupérer la majorité de ses voix du camp Sakskobourggotski.

Borisov s’est présenté comme un politicien honnête, ayant les pieds sur terre et qui, dans une certaine mesure aux yeux des électeurs, était capable de se distancer du marais politique bulgare.

Gerb a mené une campagne populiste contre la corruption et l’inégalité sociale criarde qui existe. Bien que Borisov n’ait pas ouvertement affirmé son opposition à l’entrée dans l’UE, il a exigé que plus d’attention soit accordée aux intérêts nationaux de la Bulgarie.

Néanmoins, le parti de l’ancien policier est tout sauf une alternative aux autres organisations politiques existantes. Au moment de l’effondrement du régime stalinien en 1989, Borisov était général au ministère de l’Intérieur et était considéré comme un partisan loyal et engagé du régime. Par la suite il avait fait jouer ses relations personnelles pour créer sa propre entreprise de sécurité en engageant, entre autres, l’ancien chef du Parti communiste, Todor Schivkov.

Après que Siméon II soit devenu premier ministre en 2001, il avait nommé Borisov au poste de chef de la police au ministère de l’Intérieur. Les deux hommes avaient maintenu un contact étroit pendant des années. Borisov se qualifiait de « centriste de droite » et avait entre-temps recruté dans son parti de nombreuses personnalités issues de la police, de l’ancienne police secrète stalinienne et de divers partis de droite éclatés.

Tout en continuant à exercer son influence à Sofia, Borisov avait été en mesure, grâce à son programme ultra-conservateur, d’avoir du succès dans le monde rural. Ses promesses d’appliquer un programme du tout sécuritaire et d’améliorer les conditions cadres pour l’économie bulgare firent de son parti un partenaire recherché pour former une coalition, indépendamment de toutes les réserves émises à l’égard de Gerb.

Le parti ultranationaliste Attaka a obtenu suffisamment de voix et aura également à l’avenir trois sièges au Parlement européen. Après que le dirigeant du parti, Volen Siderov, ait recueilli suffisamment de voix pour accéder au second tour des élections présidentielles de l’année dernière où il avait été battu par le président sortant Georgi Parvanov (BSP), les néofascistes avaient remporté 14 pour cent des suffrages aux élections européennes.

Après que les « socialistes » et les conservateurs aient présenté l’entrée dans l’UE sous son meilleur jour, un désenchantement se fait d’ores et déjà sentir parmi de larges couches de la population. La grande majorité des gens ne voient aucune amélioration de leurs conditions de vie et considèrent comme une menace les avertissements et les appels de Bruxelles à plus de discipline budgétaire et à l’application des « réformes ».

Attaka a été le seul parti à adopter une position critique sur l’Union européenne et a de ce fait été en mesure de canaliser l’antipathie largement répandue à l’encontre de l’UE dans une voie nationaliste réactionnaire et néofasciste.

(Article original paru le 30 mai 2007)


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