Allemagne: le syndicat trahit la grève et accepte des baisses
de salaire et une augmentation des heures de travail
Votez « non » à l’accord !
Déclaration du comité de rédaction
Après la grève de près de six semaines des travailleurs de
Deutsche Telekom, le syndicat des services Verdi s’est conformé la
semaine dernière à presque toutes les exigences du trust.
Deutsche Telekom est la plus importante entreprise allemande
de télécommunication ; le gouvernement détient 15 pour cent de ses
actions. Sous les marques T-Com, T-Mobile et T-Systems elle opère dans plus de
50 pays et a tiré plus de 45 pour cent de ses recettes de ses activités sur le
plan mondial en 2006.
Au 1er juillet, dans à peine quelques jours,
quelque 50 000 salariés seront externalisés dans trois nouvelles filiales de
Telekom. Verdi a accepté des réductions drastiques de salaire, une augmentation
du nombre des heures de travail et une dégradation des conditions de travail.
L’entreprise a donc atteint son but d’économiser entre 500 et 900
millions (entre 627 millions et 1,2 million de dollars US) par an d’ici
2010. « Nous nous positionnons bien dans les limites que nous nous sommes
fixées » commenta le directeur du personnel de Telekom, Thomas
Sattelberger.
Rarement auparavant un syndicat allemand avait poignardé dans
le dos aussi ouvertement et de façon aussi éhontée des travailleurs en grève.
Nous lançons un appel à tous les travailleurs de Deutsche Telekom de rejeter le
résultat des négociations et de voter « non » à l’accord lors
du vote devant avoir lieu jeudi et vendredi prochains.
Dans le même temps, il est nécessaire de constituer un
comité de grève qui soit indépendant de Verdi afin de poursuivre la grève. Au
cours de ces dernières semaines, les fonctionnaires de Verdi ont
systématiquement fait régresser le mouvement de grève pour isoler les
grévistes. A aucun moment ils n’étaient disposés à étendre le mouvement
de grève et à mener une grève totale.
A présent, ils veulent imposer un accord qui est clairement
dirigé contre les grévistes. Ils se cachent derrière le statut de Verdi qui
stipule que seuls 25 pour cent de voix sont requis pour accepter le résultat
des négociations et pour terminer la grève. Ou encore, en d’autres
termes : même si 74 pour cent votent contre, le résultat des négociations
sera accepté par les syndicats et la grève sera étouffée.
Mais le droit de grève n’est pas tributaire du statut
anti-démocratique du règlement syndical. C’est un droit fondamental qui ne
peut pas être subordonné aux décisions arbitraires de fonctionnaires syndicaux
siégeant au conseil de surveillance avec la direction de Telekom et qui sont
membres du SPD (Parti social-démocrate allemand), parti gouvernemental
représentant les intérêts des gros actionnaires.
Le jour même de la conclusion de l’accord avec
Deutsche Telekom, les fonctionnaires de Verdi envahissaient les assemblées
générales du personnel de l’entreprise et les réunions syndicales pour
vanter le résultat des négociations et pour museler tous ceux qui essayaient de
s’y opposer. Afin de rassembler une majorité contre la trahison de la
grève il est indispensable d’en présenter clairement les faits.
Les détails contenus dans l’accord conclu par Verdi
sont les suivants : dès le mois de juillet, les 50 000 salariés
délocalisés vers les nouvelles filiales devront travailler quatre heures de
plus par semaine. Leur semaine de travail passera à 38 heures sans compensation
de salaire. Ces heures supplémentaires non rémunérées correspondent à elles
seules à une baisse de salaire de 10 pour cent. Verdi a également accepté de
classer les samedis comme « journées nouveaux clients » ; à
l’avenir, cette journée viendra s’ajouter comme sixième journée à
la semaine régulière de travail, en d’autres termes, toutes les
compensations monétaires et primes pour le travail le samedi sont annulées.
Ceci n’étant pas encore assez, les salaires seront
réduits de 6,5 pour cent. Et, afin de faciliter l’imposition de cette
réduction supplémentaire de salaire, Verdi accepta son application par
étapes : Deutsche Telekom accompagnera les salaires pour les maintenir à
leur présent niveau au cours des premiers dix-huit mois. Les douze mois
suivants, seuls deux tiers de la différence de salaire seront compensés et un
tiers au cours des douze mois suivants. Ces paiements s’arrêteront le 31
décembre 2010 quand la réduction de salaire de 6,5 pour cent entrera intégralement
en vigueur en s’ajoutant aux heures supplémentaires non payées.
Les apprentis et les travailleurs nouvellement embauchés seront
le plus durement touchés. De nouvelles grilles de salaire entreront en
application prévoyant des baisses de l’ordre de 30 pour cent. De ce fait,
deux catégories d’employés sont créées dans le but de diviser
l’effectif. Selon Deutsche Telekom, ces nouvelles grilles de salaires
varient entre 1 750 et 1 900 euros par mois (2 350 et 2 550 dollars US).
Bien que Verdi ait capitulé face à toutes les exigences clés
de l’entreprise, le syndicat a eu le toupet de présenter le résultat des
négociations comme étant un succès. Dans son premier communiqué de presse
portant l’entête « Le portefeuille des travailleurs a été
défendu », ce syndicat écrit qu’il a « conclu un
compromis » avec Deutsche Telekom « qui garantit que les salaires des
50 000 salariés concernés par le transfert vers les nouvelles filiales seront
entièrement assurés à l’avenir et pour une période déterminée. »
C’est tout simplement un mensonge ! Les quatre
heures de travail supplémentaires non payées par semaine s’appliquent
immédiatement à tous les salariés externalisés et signifient une baisse de
salaire. Le fait que Verdi ne considère pas que l’allongement de la
semaine de travail sans augmentation correspondante du salaire comme une perte
montre clairement à quel point le syndicat a repris à son compte les arguments
de l’entreprise.
Verdi affirme ensuite que la baisse de salaire à partir de
2009 sera équilibrée du fait « des négociations salariales qui auront
alors lieu. » Ceci est également de la poudre aux yeux. Le fait est que
Verdi a accepté qu’il n’y ait aucune augmentation de salaire
l’année prochaine, non seulement pour ceux qui rejoindront les nouvelles filiales,
mais aussi pour tous les employés travaillant chez T-Com et au siège de
l’entreprise. Autrement dit, les paiements compensatoires loués par le
syndicat comme étant un succès seront financés par les réductions de salaires imposées
à tous les employés.
Ainsi, l’extension au 31 décembre 2012 de la
protection contre le licenciement que le syndicat a loué comme un succès n’est
absolument pas obligatoire. Son rôle est avant tout d’aider Verdi à
vendre l’accord à ses adhérents. En réponse à une question posée par le WSWS,
un porte-parole de Telekom répondit que la suppression des 32 000 emplois
annoncée en 2005 « serait poursuivie sans restriction. »
De plus, une revente des filiales nouvellement créées n’est
écartée que jusqu’à fin 2010. Après cette date tout sera possible. Et
finalement, il est du plus grand intérêt pour la direction de garder des
travailleurs qualifiés et expérimentés sur la base de bas salaires négociés par
Verdi.
Il existe encore une autre raison pour laquelle
l’accord devrait être rejeté. Si Verdi est en mesure de l’imposer
en s’opposant à la résistance des salariés, la diminution des salaires
renfermée dans cet accord servira de précédent. De nombreuses entreprises industrielles
et de services ont déjà élaboré des projets pour des mesures identiques afin de
réduire les salaires et allonger le temps de travail. L’accord de
Deutsche Telekom ouvrira les vannes pour des réductions de salaires et de
conditions de travail comme on ne l’a jamais vu en Allemagne auparavant.
Leçons politiques
Ce n’est pas par hasard si, immédiatement après la
conférence de presse commune lors de laquelle la direction de Deutsche Telekom
et Verdi ont annoncé qu’ils avaient trouvé un « compromis », le
porte-parole du gouvernement, Thomas Steg, a dit que le gouvernement fédéral
« reconnaît et salue expressément » l’accord. Le gouvernement
allemand est le principal actionnaire de Deutsche Telekom et toutes les grandes
décisions stratégiques de l’entreprise sont prises en étroite
concertation avec le ministère des Finances dirigés par Peer Steinbrück (SPD)
et le ministère du Travail et des Affaires sociales de Franz Müntefering (SPD).
En conséquence, la grève n’était pas seulement dirigée
contre la direction de Deutsche Telekom mais également contre le gouvernement
fédéral. Et c’est précisément la raison pour laquelle Verdi n’était
pas disposé à mener la grève de façon conséquente et a trahi ses adhérents.
Verdi est étroitement lié au SPD et soutient la politique du gouvernement de
grande coalition de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et du SPD de
multiples manières.
« Quelques jours seulement après le début de la grève,
on peut déjà dire clairement : si cette grève reste sous le contrôle des
fonctionnaires de Verdi, elle est vouée à l’échec.
Soutenir cette grève devra donc aller de pair avec une lutte
contre la politique opportuniste du syndicat. L’offensive menée par la
direction de l’entreprise et soutenue par le gouvernement, requiert une
stratégie politique tout à fait nouvelle. La production doit être retirée des
mains de l’élite financière et placée au service de la société en
général.
La grève doit devenir le point de départ d’une lutte
visant à rompre avec les anciennes organisations à orientation nationaliste,
les syndicats et le SPD, et pour unir les travailleurs de tous les secteurs
industriels de par l’Europe et le monde entier dans une lutte pour la
réorganisation socialiste de la société. »
Cette évaluation a été pleinement confirmée. La lutte contre
les bas salaires, l’allongement du temps de travail et les coupes dans
les acquis sociaux est rendue impossible par la lâche capitulation de Verdi et
montre que les travailleurs doivent se préparer à une lutte politique
prolongée. Nous nous adressons à tous les travailleurs de Deutsche Telekom qui
rejettent la trahison de Verdi ainsi qu’à tous ceux qui ont soutenu la
grève jusque-là : nous sommes prêts à soutenir de façon énergique la
poursuite de la grève et la lutte contre Verdi. Contactez le World Socialist
Web Site (WSWS) et discutez de ces questions avec vos collègues.