wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Allemagne : Le syndicat Verdi se prépare à brader les emplois chez Telekom

Par Ulrich Rippert
31 mai 2007

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Depuis deux semaines, le Syndicat unifié des services, Verdi, s’efforce de garder le contrôle sur la grève des salariés de Telekom en la mettant en veilleuse. Bien que la direction du groupe veuille externaliser 50.000 salariés vers des filiales à bas salaire et internes à l’entreprise même et mises en place dans le but avéré d’imposer une réduction sans précédent des salaires de l’ordre de 40 pour cent et un allongement du temps de travail, le syndicat Verdi se refuse à étendre la grève et à mener une lutte sérieuse.

Au lieu de cela, le plus grand syndicat des services, qui compte près de 2,5 millions d’adhérents, appelle les quelques milliers d’employés de Telekom à débrayer ici et là, dans des sites éparpillés. La tactique du saucissonnage sert plus à miner la détermination des salariés qu’à contrer les attaques de la direction. Toujours est-il que la combativité initiale des salariés s’était traduite par un vote à 96,5 pour cent en faveur de la grève.

Trois jours après le début de la grève, plus de 20.000 employés de la poste, tous syndiqués chez Verdi et venus des quatre coins d’Allemagne, ont manifesté à Berlin contre une nouvelle privatisation de la poste et la libéralisation du marché postal. Mais au lieu de mener une lutte commune avec les postiers et les salariés de Telekom, qui d’ailleurs jusqu’il y a peu de temps faisaient partie du même groupe, Verdi a cherché à les maintenir à l’écart l’un de l’autre.

La raison en est simple. Verdi n’est pas opposé à la libéralisation du marché postal bien que cela se solde par la perte de jusque 32.000 emplois. Le syndicat exige seulement une libéralisation basée sur « le savoir-faire ». Le slogan illustrant la manifestation de Verdi dans le centre-ville de Berlin était « Contre une libéralisation exempte de savoir-faire ». C’est ainsi que les bureaucrates syndicaux avaient accepté il y a douze ans la privatisation de Telekom pour ensuite élaborer une restructuration « socialement acceptable ».

A la fin de la deuxième semaine de grève, une grève surprise avait débuté à Berlin chez les travailleurs en produits pharmaceutiques. Au terme d’une assemblée générale, l’ensemble de l’équipe du matin avait entamé une grève de protestation limitée dans le temps. A l’origine de ce débrayage, il y avait les négociations tarifaires en cours dans le commerce de gros à Berlin. Une fois de plus, les grévistes étaient des membres du syndicat Verdi et une fois de plus Verdi s'applique à faire tout son possible pour séparer les différentes luttes les unes des autres et isoler ainsi les grévistes.

Verdi cherche avant tout à empêcher que la grève de Telekom ne s’amplifie pour devenir une vaste mobilisation politique contre la grande coalition (Parti social-démocrate, SPD, Union chrétienne-démocrate, CDU et Union chrétienne-sociale, CSU), et ce en dépit du fait que tout le monde sait que toutes les décisions importantes relatives à Telekom sont prises par le gouvernement et notamment après des consultations en tête à tête entre des représentants du ministère des Finances de Peer Steinbrück (SPD) et du ministère du Travail de Franz Müntefering (SPD).

Un double jeu cynique

Au moment même où les bureaucrates de Verdi fulminaient, dans les assemblées générales de grévistes, contre l’attitude « antisociale et absolument inacceptable » affichée par la direction de Telekom, le secrétaire général de Verdi, Frank Bsirske, rencontrait secrètement à Berlin, au siège du ministère des Finances le patron de Telekom, René Obermann, le ministre des Finances Steinbrück et le premier secrétaire du groupe parlementaire du SPD, Peter Struck, pour une « réunion de crise » dans le but de négocier un accord pour la fin de la grève. Une première réunion de ce genre avait déjà eu lieu une semaine auparavant, mais le silence le plus absolu entourait les arrangements trouvés et les projets de réunions à venir.

Ce double jeu joué par Verdi a également dominé une assemblée générale de Telekom qui s’est tenue mercredi dernier devant le « Rote Rathaus » (l’Hôtel de ville de Berlin). Il avait été sciemment décidé de limiter le nombre de participants afin d’éviter que des salariés d’autres domaines d’activité de la fonction publique, dont beaucoup sont membres de Verdi, ne viennent participer à la réunion de protestation contre la politique antisociale pratiquée par le Sénat de Berlin qui, depuis six ans, est constitué par une coalition du SPD et du Linkspartei.PDS (Parti de la Gauche.PDS, Parti du socialisme démocratique).

Le premier orateur à prendre la parole lors de ce rassemblement pour apporter « sa solidarité et son soutien » aux grévistes n’était autre que le sénateur de Berlin chargé des questions économiques, Harald Wolf (Linkspartei.PDS). Wolf avait joué un rôle clé lors de la suppression de 15.000 emplois de la fonction publique dans la capitale fédérale ces dernières années.

C’est sous sous son mandat que 3.000 postes furent supprimés dans les transports publics berlinois en même temps qu’une baisse de salaire de 10 pour cent imposée aux salariés. La liste des attaques contre les acquis sociaux perpétrées par le « Sénat rouge-rouge » de Berlin (SPD-Linkspartei.PDS) est longue : réductions massives de salaire et suppression d’emplois dans les hôpitaux ; embauche de 34.000 salariés payés un euro de l’heure « Ein-Euro-Jobbern » et remplaçant en partie des emplois réguliers ; une augmentation draconienne des frais et une réduction du personel dans les crèches et les jardins d’enfants ; suppression de la gratuité du matériel scolaire et réduction du personnel enseignant dans les écoles ; coupes de l’ordre de 75 millions d’euros des subventions accordées par les Länder aux trois universités berlinoises, ce qui correspond à la suppression de 10.000 places d’étudiants et de plus de 200 postes de professeur, etc.

Bien que les infamies commises par le Sénat SPD-Linkspartei.PDS soient bien connues, le comité de grève a néanmoins invité les salariés de Telekom présents à applaudir le discours de Wolf.

A la tribune de Verdi, les représentants du Parti de la Gauche.PDS se sont relayés au micro. Juste après Wolf ce fut au tour du vice-président du groupe parlementaire du Parti de la Gauche.PDS au Bundestag, Bodo Ramelow, de prendre la parole. Une fois de plus l’on a pu entendre les phrases-clichés sur la solidarité et des flatteries à l’adresse des grévistes : « Vous avez montré que vous n’êtes pas disposés à accepter les attaques d’Obermann... »

Puis, Ramelow a annoncé que le Parti de la Gauche.PDS allait proposer au Bundestag de retenir pour le débat d’actualité au parlement le sujet de Telekom afin de rappeler au gouvernement sa responsabilité d’actionnaire majoritaire. Il essaya de donner l’impression que la grande coalition allait user de son influence pour appeler la direction de Telekom à la modération alors qu’en réalité c’est le gouvernement en tant qu’actionnaire majoritaire qui est l’instigateur du conflit et que les projets d’Obermann sont discutés en amont avec le ministère des Finances.

On ne souffla mot du fait qu’en plus des six syndicalistes et des représentants du conseil d’entreprise, deux ténors du SPD (Ingrid Matthäus Maier qui est l’ancienne vice-présidente du groupe parlementaire du SPD au Bundestag et Thomas Mirow, sous-secrétaire d’Etat au ministère des Finances) siègent également au conseil de surveillance de Telekom et disposent d’une majorité décisionnaire.

Au lieu de cela, Ramelow pesta contre le « capitalisme déchaîné » en général et demanda à ce qu’on mette la bride au cou aux « sauterelles à la Blackstone ». « Lorsque la concurrence échappe à tout contrôle, la concurrence doit alors être réglementée », s’exclama-t-il. Il ne souffla mot du fait que dans des domaines où le Parti de la Gauche.PDS exerce son influence politique, il traite lui aussi avec des fonds spéculatifs comme à Berlin par exemple lors de la vente d’immeubles d’habitation à loyer modéré et de la privatisation partielle de la compagnie des eaux.

Juste avant, Susanne Stumpenhusen, présidente du syndicat Verdi à Berlin-Brandenburg, s’était plainte de ce que des politiciens de droite avaient mené une campagne odieuse contre la grève des salariés de Telekom ainsi que contre les revendications syndicales pour un salaire minimum. En cela elle dénonça le gouvernement du Land de Hesse dirigé par le ministre-président Roland Koch, Union chrétienne-démocrate (CDU). Koch s’était prononcé contre un salaire minimum et son gouvernement avait quitté le système tarifaire afin de mieux négocier les baisses de salaire. Stumpenhusen s’exclama que c’était malhonnête et inacceptable, omettant de mentionner que le Sénat rouge-rouge de Berlin qui occupait d’ailleurs une place d’honneur à la tribune de Verdi avait justement fait la même chose. En fait, il avait été le premier Land à quitter la communauté de négociation des Länder pour pouvoir imposer des réductions de salaire draconiennes.

L’une des dernières à prendre la parole fut Lucy Redler de la direction nationale de l’Alternative électorale pour l’Emploi et la Justice sociale (WASG). Elle aussi esquiva les questions cruciales en essayant de présenter Verdi sous son meilleur jour. Elle déclara que la grève « avait exercé une pression considérable » sur Obermann et sur la direction de Telekom. Elle ajouta, de manière démagogique, que Merkel, Bush et Sarkozy craignaient que des grévistes ne viennent perturber l’activité des dirigeants au prochain sommet du G8.

Certes, elle réclama que la pression exercée sur le gouvernement augmente en disant : « Je me demande pourquoi le DBG [Confédération allemande des syndicats] n’organise pas une manifestation de solidarité nationale pour les grévistes de Telekom. »

Redler laissa toutefois sa propre question sans réponse alors que les raisons en sont évidentes. Le DGB et ses syndicats affiliés soutiennent la grande coalition. De par le passé déjà, ils ont soutenu toutes les attaques perpétrées contre les acquis sociaux des travailleurs tant par la coalition actuelle que par ses prédécesseurs, en considérant que leur tâche principale consiste à maintenir sous contrôle leurs adhérents dont la colère ne cesse de croître et à empêcher que ne s’organise une lutte unifiée contre le gouvernement.

Il est impossible de mener une lutte sérieuse pour la défense des droits sociaux et politiques sans s’opposer à la politique réactionnaire des syndicats.

Des sympathisants du World Socialist Web Site ont distribué une déclaration du comité de rédaction qui traite précisément de cette question. On peut y lire :

« Quelques jours seulement après le début de la grève, on peut déjà dire clairement : si cette grève reste sous le contrôle des fonctionnaires de Verdi, elle est vouée à l’échec.

« Soutenir cette grève devra donc aller de pair avec une lutte contre la politique opportuniste du syndicat. L’offensive menée par la direction de l’entreprise et soutenue par le gouvernement, requiert une stratégie politique tout à fait nouvelle. La production doit être retirée des mains de l’élite financière et placée au service de la société en général.

« La grève doit devenir le point de départ d’une lutte visant à rompre avec les anciennes organisations à orientation nationaliste, les syndicats et le SPD, et pour unir les travailleurs de tous les secteurs industriels de par l’Europe et le monde entier dans une lutte pour la réorganisation socialiste de la société. »

(Article original paru le 25 mai 2007)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés