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WSWS : Nouvelles et analyses : Australie

Attaques contre des organisateurs de concerts rock au nom des « valeurs australiennes »

Par Richard Phillips
2 mars 2007

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Chaque année pendant la dernière semaine de janvier, à l’approche de la fin des vacances d’été australiennes, des dizaines de milliers de jeunes assistent aux festivals du Big Day Out (BDO) dans les capitales du pays. Cet événement en plein air très couru et l’un des évènements « rock » les plus anciens, présentant des groupes locaux et internationaux, est largement ignoré par la classe politique. 

Cependant, cette année, les organisateurs du BDO ont été étaient attaqués parce qu’ils étaient « antipatriotiques » et qu’ils ne respectaient pas les valeurs de l’Australie, et ont été la cible des grands médias australiens, du premier ministre John Howard et d’une coalition de parlementaires fédéraux et des différents Etats (tant libéraux, nationalistes que travaillistes).

Qu’ont bien pu faire les organisateurs du BDO pour mériter un tel traitement ? Ils avaient tout simplement signalé que l’année dernière, des bandes de jeunes en état d’ébriété et qui s’étaient drapés dans des drapeaux australiens avaient menacé des spectateurs du BDO exigeant d’eux qu’ils prêtent serment d’allégeance au drapeau australien. Certains spectateurs qui avaient refusé de s’exécuter avaient été attaqués. Les organisateurs du BDO ont déclaré qu’ils feraient tout leur possible pour empêcher qu’un tel comportement ne se reproduise. 

Le BDO de 2006 s’est déroulé six semaines après les émeutes de la course de Cronulla Beach au cours de laquelle une foule de 5000 jeunes avinés, excités par les speakers des radios conservatrices, par les commentateurs des médias et par les politiciens gouvernementaux s’en sont pris sans distinction à toute personne qui semblait être originaire du Moyen-Orient. Nombre de ces émeutiers brandissaient ou s’étaient drapés de drapeaux australiens. (voir l’article Government and media provocations spark racist violence on Sydney Beaches).(en anglais) 

Cette année, les organisateurs du BDO ont exhorté les spectateurs à ne pas apporter de grands drapeaux australiens. Leur déclaration exprimait aussi leur crainte de la montée de bagarres comme celles qui s’étaient produites lors de l’Open d’Australie entre supporters Croates et Serbes qui exhibaient chacun leurs couleurs nationales. 

L’organisateur du BDO, Ken West a déclaré aux médias « Le drapeau australien était utilisé comme symbole de ralliement des gangs. C’était du racisme sous couvert de patriotisme et il est hors de question que je tolère cela…Ils peuvent parfaitement  sortir ces drapeaux pour la fête nationale (Australia Day) à minuit, quand ils rentrent chez eux 

L’intervention de West a déclenché une tempête dans les médias et chez les politiciens fédéraux et de l’Etat de Nouvelle Galles du sud, tous confrontés cette année à des élections, et qui ont aussitôt déclaré que West « interdisait » le drapeau australien et qu’il fallait l’en empêcher. 

Ce n’était bien sûr pas ce faisaient les organisateurs du BDO. Ils exprimaient de façon tout à fait légitime leur souci pour la sécurité des festivaliers. Mais les autorités en place n’avaient que faire de la vérité. Ils ont saisi cette opportunité pour pouvoir intensifier le débat sur les prétendues « valeurs australiennes » — la campagne droitière initiée l’année dernière par le gouvernement Howard. 

Cette campagne était menée par le Daily Telegraph de Sydney, un tabloïde du groupe Murdoch bien connu pour ses idées racistes et socialement arriérées. Dans un éditorial du 23 janvier, le Daily Telegraph avait attaqué la direction du festival en écrivant : « Si les organisateurs du concert veulent se soucier de la sécurité des spectateurs, ils devraient prendre eur responsabilité en encourageant l’harmonie entre les races — et non pas en entretenant la division par l’interdiction du symbole national. » 

Le Daily Telegraph a déclaré que « Les organisateurs du BDO étaient en train de légitimer la haine qui motivait une petite poignée de personnes.». Autrement dit, le problème venait de la direction du BDO qui devrait être condamnée pour essayer de protéger son public des voyous de droite et plus sérieusement encore, pour oser insinuer que des éléments racistes avaient pris pour symbole le drapeau australien. 

Le premier ministre australien, John Howard, de retour au travail après des vacances de Noël prolongées, a déclaré à la radio : « Toute idée avançant que les drapeaux australiens devraient  être interdits où que ce soit en Australie est une insulte et ceci à l’égard des millions d’australiens ». 

Selon Howard, les organisateurs du BDO essayaient de « faire passer un message politique contre le drapeau » et « poursuivaient leur propre programme politique » et il a demandé aux autorités de Nouvelle Galles du Sud d’interdire le festival rock si cette interdiction, pour ainsi dire, n’était pas levée. 

Personne dans les médias n’a remis en question le fait que Howard se contredise de façon flagrante en défendant « le droit de brandir le drapeau » tout en menaçant, de façon peu démocratique d’interdire le festival. 

La réaction de Howard s’alignait sur tout le modus operandi de son gouvernement. Il a, en tandem avec les médias, joué un rôle essentiel dans l’agitation des sentiments anti-arabes qui ont provoqué les émeutes racistes de Cronulla. A la suite de ces évènements, il a catégoriquement refusé de condamner les émeutiers ou les personnalités tel le présentateur de radio Alan Jones qui avait ouvertement encouragé ces attaques. 

Le Premier Ministre de Nouvelle Galles du Sud, Morris Iemma, qui se présente aux élections en mars, s’est aussitôt  fait l’écho des propos d’Howard. Il a déclaré sur un ton pompeux que les valeurs australiennes étaient attaquées et il a menacé d’interdire le BDO. Le dirigeant travailliste fédéral Kevin Rudd s’y est mis aussi en insistant sur le fait que ce que les organisateurs du BDO avait dit était « absolument inacceptable » et que « le politiquement correct avait viré à la folie ». 

Afin de ne pas rester sur la touche, le dirigeant libéral de l’opposition, Peter Debnam a annoncé qu’en cas de victoire électorale de son parti, il proposerait de voter une loi sur les symboles nationaux qui imposerait que le drapeau australien flotte sur tous les bâtiments publics de Nouvelle Galles du Sud. Debnam s’est engagé à augmenter les amendes et les peines d’emprisonnement en cas de profanation du drapeau ou de bâtiments publics. 

Abasourdis par cette hystérie gouvernementale et médiatique, les organisateurs du BDO ont fait une autre déclaration pour insister sur le fait qu’ils « n’interdisaient » pas le drapeau australien mais qu’ils « ne faisaient que décourager l’usage de ce drapeau à des fins anti-sociales lors du Big Day Out ». 

Leurs déclarations expliquaient « Ces derniers temps, de plus en plus de drapeaux ont été brandis de façon inconsidérée et ceci a provoqué une tension accrue. Nous souhaitons uniquement, en décourageant cette activité au Big Day Out, que notre public ne soit pas perturbé par ce comportement. » 

Plus tard, Ken West a déclaré à la radio Triple J : « J’essaie de me battre pour empêcher les hooligans d’investir le BDO et je pense qu’il est grand temps que les gens commencent à réfléchir à ce que l’on peut considérer être une utilisation correcte ou non du drapeau australien…Un drapeau ne confère en aucun cas l’immunité en cas de mauvais comportement de qui que ce soit. » 

Alors que le concert du Big Day Out de Sydney s’est déroulé sans heurt le 25 janvier, la classe politique australienne n’a pas cessé ses divagations patriotiques. En dépit des discours violents, le courrier envoyé aux journaux (aussi bien aux journaux « papier » qu’aux journaux « en ligne ») était en grande majorité un courrier de soutien aux organisateurs du BDO. 

De nombreux emails envoyés à un blog Internet publié par le journal de Melbourne Age critiquaient violemment Howard, Iemma et toute la presse, disant que la réaction de ces derniers ne ferait qu’augmenter la probabilité de confrontations violentes lors de futurs concerts. 

Un internaute a écrit : « Avant de verser dans un accès enragé de patriotisme et de condamner cette décision, les gens devraient regarder la façon agressive avec laquelle notre drapeau a été utilisé l’année dernière. Des hommes et des femmes ivres portant le drapeau australien comme une cape insultaient, malmenaient et crachaient sur quiconque ne faisait pas comme eux. Dans un cas au moins, un homme a été battu par un groupe de hooligans parce qu’il avait refusé d’embrasser le drapeau. Ce drapeau, quand il est utilisé de cette manière, ne ressemble pas à un symbole d’unité. Le BDO relève de la musique, et non du patriotisme. » 

Un autre internaute a écrit : « Je pense que, dans cette affaire, l’agitation de la presse va donner à tous les « patriotes » agitateurs de drapeau l’impression qu’ils ont le droit d’être indignés. Pour cette raison, ils vont vouloir provoquer encore plus d’incidents, en considérant ceux qui veulent séparer les concerts et le nationalisme comme des « anti-Australie ». 

« Pour ma part, je pense qu’au cours de ces dernières années, nos oreilles ont été rabattues de patriotisme. Je ne veux pas que l’Australie devienne un deuxième Etats-Unis, pays où on vous regarde étrangement si vous ne vénérez pas votre pays. Un pays c’est un endroit où vivre au milieu d’autres gens. A tout prendre, je préférerais être un fier citoyen du monde que d’une petite partie de ce monde. » 

Ces opinions sont le reflet d’une saine résistance au sein d’une couche importante de la population par rapport à un discours nationaliste utilisé dans le but d’empoisonner l’atmosphère et de répandre des mensonges sur les immigrés et autres « non australiens ». Néanmoins, cette rhétorique est montée d’un cran. Par exemple, à la fin de l’année dernière, le gouvernement Howard a mis en place des tests de citoyenneté discriminatoires sur le plan racial, exigeant que les immigrés aient une « connaissance correcte » de l’anglais, qu’ils puissent répondre à différentes questions sur la société et sur l’histoire australienne et qu’ils signent une déclaration d’allégeance au « mode de vie australien ». 

La diabolisation rapide des organisateurs du BDO par les politiciens de tous bords éclaire la nature de leurs campagnes pour les élections nationales et locales à venir.  

Dans l’incapacité de proposer une quelconque solution progressiste aux multiples difficultés économiques et sociales auxquelles sont confrontés des millions de simples travailleurs, les grands partis politiques australiens vont s’engager dans une guerre de surenchère nationaliste.Et à l’instar des organisateurs du BDO, toute personne exprimant le moindre désaccord sera dénoncée comme « personne antipatriotique » et « anti-Australie ». 

(Article original paru le 2 février 2007) 


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