wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Le placement en détention de trois personnes de gauche par le gouvernement sri lankais marque le début d’une nouvelle vague de répression d’Etat

Déclaration du Parti de l’égalité socialiste (Sri Lanka)
16 mars 2007

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Le Parti de l’égalité socialiste (SEP) met en garde contre le fait que le placement en détention le mois dernier de trois personnes de gauche par le gouvernement du Sri Lanka et les arrestations ultérieures de plus d’une centaine de travailleurs et de jeunes constituent les préparatifs d’une répression d’Etat déclarée à l’encontre de la classe ouvrière. Tout en intensifiant sa guerre profondément impopulaire contre les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), le gouvernement du président Mahinda Rajapakse cherche à intimider et à réprimer toute opposition au sein de la population qui est obligée de porter le fardeau économique du conflit.

L’armée a saisi les trois hommes le 5 février. Nihal Serasinghe, un compositeur d’imprimerie, fut enlevé dans le centre de Colombo ; Lalith Seneviratne fut emmené de force de chez lui par des hommes armés cette même nuit alors que Sisra Priyankara, un cheminot, fut arrêté plus tard dans la nuit à l’entrée du complexe ferroviaire de Dematagoda à Colombo. Les trois hommes avaient participé à la fabrication du bimensuel Akuna, le journal du syndicat des cheminots Railway Workers Combine (RWC), un syndicat créé il y a dix ans.

Des centaines de cheminots et de journalistes ont manifesté le 6 février à Colombo pour protester contre les enlèvements et plusieurs syndicats ont menacé de se mettre en grève. Les autorités militaires ont commencé par nier connaitre l’existence des trois hommes. Le soir du 6 février, toutefois, le ministre de la Défense a publié un communiqué sur son site web reconnaissant que les trois personnes « soupçonnées d’être des membres du LTTE » se trouvaient sous garde militaire.

Le communiqué a précisé que les suspects avaient avoué avoir reçu une formation militaire au quartier général du LTTE à Kilinochchi. L’armée a également affirmé avoir « découvert des caches d’armes à plusieurs endroits à Colombo », y compris des armes hautement explosives, des fusils automatiques, des mines Claymore et des détonateurs électroniques.

Lors de la conférence de presse qui eut lieu le lendemain, les porte-parole du gouvernement et de l’armée présentèrent des « témoignages » vidéo dans lesquels les trois hommes reconnaissaient s’être rendus, fin 2004 et début 2005, par deux fois dans la région contrôlée par le LTTE. Ils donnèrent les noms d’autres personnes impliquées et avouèrent avoir organisé des attentats à la bombe à Colombo et ailleurs ainsi que de projeter d’autres attentats à l’avenir. Les trois hommes déclarèrent participer à l’organisation de la « Revolutionary Liberation Organisation (RLO) » dans le but de faire, avec l’aide du LTTE, une révolution dans le sud du Sri Lanka.

De nombreuses questions restent sans réponse quant à ces « témoignages ». Serasinghem, Seneviratne et Priyankara sont détenus, au titre de la loi draconienne relative à la prévention du terrorisme, Prevention of Terrorism Act (PTA), sans inculpation et sans être autorisés à recevoir ni la visite d’un avocat, ni celle de leur famille ou de la presse. Les trois hommes comparurent finalement le 7 mars devant un tribunal mais il leur fut interdit de parler à quiconque. La famille est autorisée à rendre visite aux détenus une fois par semaine et ce, seulement en présence de la police.

L’aspect le plus frappant des confessions est qu’elles furent extraites en moins de 48 heures pour fournir au gouvernement et à l’armée un matériel sensationnel qui fut utilisé lors de la conférence de presse — la première à jamais avoir été tenue en dépit du grand nombre de détentions. Il n’y a que trois explications possibles à ceci : soit les aveux furent obtenus sous la torture soit il s’agit de confessions faites par des agents provocateurs ou d’une combinaison des deux. Toutes ces techniques ont pu être perfectionnées au cours de la guerre civile prolongée par les services de renseignement de l’armée et les différents services policiers du Sri Lanka

Le gouvernement insiste non seulement pour dire que tous les prisonniers sont des « Tigres terroristes », mais aussi que ceux qui le critiquent « aident l’ennemi ». Le caractère communaliste de sa position fut révélé dans un communiqué du ministère de la Défense qui attaquait tous ceux qui avaient participé à la manifestation du 6 février pour être « en faveur des casseurs terroristes de la presse et d’autres mouvements anti-sri lankais qui dépendent de l’argent sanglant du LTTE ».

Partageant un point de vue identique, les extrémistes cingalais du Janatha Vimukthi Peramuna (Front populaire de libération nationaliste cingalais, JVP) et le Jathika Hela Urumya (le parti des moines bouddhistes, JHU) ont accusé les trois détenus d’être des « Sinhala Koti » ou « Tigres cingalais » - c’est-à-dire l’ethnie cingalaise liée au LTTE — un terme insultant souvent hurlé à l’encontre de tout opposant à la guerre du gouvernement. Le JVP a publié des extraits des « confessions » dans son journal Lanka. Un article sur le même thème réclamait des arrestations supplémentaires en déclarant : « Les sources sécuritaires ont dit que plus de personnes devaient être arrêtées. Parmi eux figurent des dirigeants de NGO (Organisations non gouvernementales), de soi-disant journalistes disant qu’il faut libérer les gens de la presse et des gens de gauche dans les NGO. »

Le dirigeant du JHU, Champika Ranawaka, qui est à présent un membre du gouvernement Rajapakse, a publié un communiqué brutal réclamant des mesures anti-démocratiques supplémentaires et l’élimination de toute personne qui s’oppose à la guerre. « Nous demandez-vous de laisser en vie ces gens (qui sont opposés à la guerre) ? Ces salauds sont des traîtres. On ne peut rien faire dans ce pays où chacun fait ce qu’il veut… Si l’on ne peut se débarrasser de ces salauds par la loi, il nous faudra le faire par n’importe quel autre moyen », a-t-il déclaré au journal Ravaya.

L’intensification de la répression

Les forces de sécurité ont déjà recouru aux confessions de Serasinghe, de Seneviratne et de Priyankara pour prendre pour cible les travailleurs des plantations et les jeunes en particulier. Serasinghe a été emmené au district de Nuwara Eliya en plein milieu de la région des plantations de thé de l’île dans le but de nommer ses « contacts ». Trois enseignants et deux étudiants – tous des Tamouls — ont été arrêtés. Ils furent inculpés d’être des membres du NDF maoïste (Nouveau Front démocratique) et de bénéficier d’un entraînement militaire du LTTE.

Sarath Kumyara Fernando, le président du syndicat des cheminots Railway Workers Combine et Railway Trade Union Federation (RTUF) s’est livré à la police et est actuellement incarcéré au centre de détention à Boossa. Priyantha Nihal Gunaratne qui est également inculpé de conspiration fut arrêté le 13 février par la police de Ratnapura. Il fut torturé en étant suspendu par les bras, et souffre depuis d’une blessure au poignet.

Depuis le 17 février, la police a arrêté et interrogé quelque 400 travailleurs et jeunes tamouls en organisant des rafles dans plusieurs cités. Cent neuf d’entre eux furent envoyés dans des camps de détention à Boossa dans le district sud de Galle et 30 jeunes gens sont incarcérés dans divers postes de police. Des policiers et des soldats supplémentaires furent appelés en renfort pour mener à bien ces opérations. Un certain nombre des personnes arrêtées avaient participé à des manifestations contre le projet du barrage hydroélectrique du haut Kotmale et la police se concentre à présent sur cette campagne de protestation.

Le fait de cibler les travailleurs des plantations parlant tamoul n’est pas un hasard. Un demi-million de travailleurs des plantations de thé et de caoutchouc ont débrayé durant deux semaines en décembre pour revendiquer une augmentation de salaire, et ce, en défiant leur syndicat. La grève a provoqué une crise de gouvernement qui fut prêt à tout pour empêcher que d’autres catégories de travailleurs n’expriment les mêmes revendications. Rajapakse déclara d’une manière provocatrice que la grève constituait la menace d’une « infiltration de terroristes LTTE dans les plantations. »

Dans une évolution sinistre, le 1er mars, le ministre de la Défense a publié un communiqué où il déclarait que les « autorités compétentes en matière de sécurité » avaient le droit d’arrêter et d’interroger tout individu « directement ou indirectement impliqué dans des activités portant atteinte à la sécurité nationale ». Le communiqué visait tout particulièrement ceux protestant contre les arrestations arbitraires, les disparitions et les violations des droits démocratiques. Le communiqué mettait l’accent sur le fait que « Les protestations et les intimidations qui sont organisées à la suite de l’arrestation d’individus entravent non seulement le déroulement des enquêtes, mais sont aussi une menace pour la stabilité du gouvernement. »

En déclarant illégitimes les manifestations qui « menacent la stabilité du gouvernement », le communiqué ouvre la voie à des attaques en masse à l’encontre de toute opposition. Le gouvernement Rajapakse se trouve d’ores et déjà dans une grave crise politique. Il repose sur une coalition très instable constituée de divers partis parlementaires et il est confronté à une vaste opposition de la part de la population laborieuse à la détérioration du niveau de vie. Incapable de résoudre la crise sociale, Rajapakse attise délibérément le chauvinisme cingalais et intensifie la guerre contre le LTTE dans le but de diviser la population travailleuse selon des clivages communalistes. De plus en plus isolé et fractionné, le gouvernement s’apprête à présent à recourir à « la sécurité nationale » s’en servant comme prétexte pour imposer ce qui n’est rien moins qu’un Etat policier.

Une longue histoire de terreur d’Etat

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement du Sri Lanka a recours à de telles méthodes. Dans les années 1989-1990, le gouvernement UNP (Parti uni national), au nom de la suppression du JVP, déclencha une vague de répression contre la jeunesse rurale cingalaise dans le sud de l’île. L’on évalue à 60.000 le nombre de jeunes qui soit « disparurent » soit furent assassinés par les forces de sécurité et leurs escadrons de la mort.

Durant la période qui a précédé la signature de l’accord de cessez-le-feu de 2002, des dizaines de milliers de Tamouls furent victimes de rafles en application de la PTA, emprisonnés pendant des mois sinon des années et, dans certains cas, affreusement torturés. Après que le président Mahinda Rajapakse ait remporté les élections en novembre 2005, les forces de sécurité eurent de nouveau les mains libres. Durant des mois, l’armée et ses alliés, les groupes paramilitaires, furent engagés dans une sale guerre de provocation contre le LTTE, contre des figures emblématiques de l’Alliance nationale tamoule (TNA) et la minorité tamoule tout entière. Les enlèvements, les disparitions et les meurtres non élucidés étaient à nouveau à l’ordre du jour. En juillet dernier, Rajapakse donna l’ordre à l’armée d’entamer une offensive en violation flagrante de l’accord de cessez-le-feu de 2002 et l’armée s’empara de territoires contrôlés par le LTTE à Mavilaru, Sampur et Vaharai.

Le recours de Rajapakse à la guerre contre le LTTE fut accompagné de mesures de plus en plus anti-démocratiques à l’encontre de la minorité tamoule, des médias et de ses adversaires politiques. Les enlèvements et les assassinats permanents ont provoqué une vague de protestations à l’intérieur du pays et sur le plan international. Début août 2006, au milieu des combats sur la côte orientale du Sri Lanka, 17 travailleurs humanitaires locaux rattachés à l’organisation française Action contre la Faim (ACF) furent trouvés morts, tués par balles, sommairement exécutés, dans l’enceinte des bâtiments de cette organisation à Muttur. Après avoir mené sa propre enquête, la Mission de surveillance au Sri Lanka (SLMM) qui supervise le cessez-le-feu, a formellement constaté, le 30 août, la responsabilité de l’armée dans ces meurtres.

Le SEP mène sa propre campagne au Sri Lanka et sur le World Socialist Web Site, pour exiger de la police qu’elle arrête et qu’elle poursuive les tueurs de Sivapragasam Mariyadas, un sympathisant du SEP qui fut tué par balle à son domicile à Mullipothana. Les preuves rassemblées à ce jour montrent qu’il a été assassiné par des membres de l’armée sri lankaise, de la police ou de groupes alliés paramilitaires. La police n’a toujours pas mené d’enquête sérieuse sur ce meurtre politique de sang-froid.

La détention de Serasinghe, Seneviratne et Priyanka et leurs « confessions » se sont produites à un moment particulièrement propice pour le gouvernement Rajapakse et l’armée. Tous deux ont désespérément besoin de détourner l’attention des requêtes, nationales et internationales, réclamant des enquêtes dans les centaines de meurtres et d’enlèvements. Durant plus d’une année, la police n’a ni arrêté ni inculpé la moindre personne.

Le SEP en appelle à toutes les sections de la classe ouvrière sri lankaise, Cingalais, Tamouls et musulmans, de s’opposer à l’intensification de la répression d’Etat. Nous exigeons la libération de tous les prisonniers politiques et l’abolition de toutes les mesures anti-démocratiques et discriminatoires, y compris la PTA et l’état d’urgence.

Le point de départ de toute lutte authentique contre la guerre, les inégalités sociales et les attaques contre les droits démocratiques est le rejet de toute forme de chauvinisme et de communalisme, qu’il s’agisse du chauvinisme cingalais de l’Etat sri lankais ou du séparatisme tamoul du LTTE. La classe ouvrière ne peut pas faire un pas en avant sans qu’elle reconnaisse que tous les travailleurs partagent des intérêts de classe communs et des préoccupations qui sont diamétralement opposés à ceux des différentes élites dirigeantes qui ont exploité le racisme pendant plus d’un demi-siècle afin de sauvegarder leur régime.

Le SEP appelle à la construction d’un mouvement politique de la classe ouvrière et des masses opprimées qui soit indépendant de tous les partis de l’establishment et qui se fonde sur des principes socialistes et internationalistes. Un tel mouvement devra exiger le retrait immédiat de l’ensemble des forces de sécurité du nord et de l’est du pays qui se sont pratiquement trouvés sous occupation militaire depuis trois décennies. Ce mouvement devra lutter pour l’établissement d’un gouvernement ouvrier et paysan et pour la formation d’une République du Sri Lanka-Eelam comme partie de l’Union des Républiques socialistes d’Asie du sud et du monde.

Avant tout, le SEP en appelle aux travailleurs et aux jeunes d’étudier les analyses et le programme de notre parti international, le Comité international de la Quatrième Internationale, qui sont affichés quotidiennement sur le World Socialist Web Site et de prendre la décision de rejoindre ses rangs.

(Article original anglais paru le 12 mars 2007)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés