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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Visite à l’usine Airbus de Méaulte dans la Somme

Les travailleurs rejettent le nationalisme des syndicats

Par Andreas Reiss
19 mars 2007

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Il y a des leçons cruciales à tirer des événements qui entourent le projet de restructuration du groupe Airbus : plus l’intégration des processus de production progresse au-delà des frontières de l’Etat national, plus la tâche de construire un mouvement international de la classe ouvrière pour défendre les salaires et le niveau de vie devient pressante et plus la bureaucratie syndicale s’accroche désespérément à la défense bornée et dépassée de son Etat national.

Le groupe Airbus fonctionne selon un processus de production réparti sur quatre pays européens, sans compter toute une série de sous-traitants aéronautiques. Les travailleurs de ces usines font partie d’un seul et même processus de production. En même temps, le plan de restructuration Power 8, avancé par la direction, représente clairement une attaque contre l’ensemble de l’effectif international.

Une visite de l’usine de Méaulte, dans la Somme, a donné l’occasion aux reporters du World Socialist Web Site (WSWS) de recueillir des témoignages de première main des travailleurs quant à leurs réponses face aux attaques de la direction, mais aussi de l’attitude des syndicats.

Les travailleurs auxquels nous avons parlé nous ont dit manquer d’informations sur la situation actuelle, que ce soit sur la teneur des négociations qui se tiennent en ce moment que sur les actions prévues par les syndicats.

Crôchet, un travailleur d’environ 45 ans, a déclaré : « Nous avons tout appris des médias. Et ils disent tous que c’est de la faute des Allemands. » Il n’a pas beaucoup d’estime pour les syndicats qui, selon lui passent tout leur temps « à se tirer dans les pattes ». Il n’est pas prêt non plus à soutenir la déclaration du responsable de Force ouvrière (FO), Claude Cliquet, qui, il y a une semaine lors d’une manifestation des salariés d’Airbus de Méaulte, avait déclaré, que les actionnaires allemands étaient responsables de la crise d’Airbus.

La principale objection émise par FO au plan Power 8 concerne la répartition du fardeau. Le syndicat cherche à obtenir un accord plus favorable pour le côté français, eu égard aux suppressions d’emplois. Le syndicat s’oppose notamment au transfert de la production de l’A320 de Toulouse à Hambourg.

Ainsi, à l’issue d’une manifestation le 6 mars à Toulouse, un délégué FO s’exprimant au nom de tous les syndicats a déclaré : « Devant la boulimie des actionnaires allemands, nous devons défendre notre société ... le nouveau A320 serait tout entier sous responsabilité allemande. L’Etat français actionnaire doit jouer son rôle d’actionnaire et faire le contre-poids face aux appétits boulimiques de Daimler (l’actionnaire allemand). »

FO a, à maintes reprises, formulé cette revendication en faveur d’un engagement plus grand de l’Etat français, y compris lors de ses pourparlers avec des représentants du gouvernement.

Toutes les discussions que nous avons eues à Méaulte ont clairement montré que ce genre d’orientation nationaliste et de souci de défendre son propre site n’était pas partagé par les ouvriers et ce, en dépit des articles de presse affirmant le contraire. Aucun des travailleurs que nous avons rencontrés ne partageait cette perspective avancée par les syndicats. Au lieu de cela, les travailleurs ont réagi avec beaucoup de sympathie au fait que nous étions venus tout exprès d’Allemagne. Il était même facile de voir que l’attitude des travailleurs était diamétralement opposée aux efforts des bureaucrates syndicaux de canaliser la colère des ouvriers dans une impasse nationaliste.

Guillaume et trois jeunes collègues étaient du même avis quant au rôle joué par les syndicats, et notamment du syndicat majoritaire à Méaulte, en l’occurrence Force Ouvrières. « Tout ce qu’ils font, c’est se battre entre eux », dit-il en ajoutant qu’il avait autrefois été syndiqué, mais qu’il avait décidé de quitter le syndicat jugeant que cela ne servait à rien.

Comme cela a déjà été mentionné, c’était frappant de voir le manque d’information sur la situation parmi les travailleurs à Méaulte. Tout ce qu’ils savaient, c’est que la grève prévue pour vendredi ne durerait que deux heures.

Guillaume et ses collègues ont réagi positivement à notre proposition d’organiser la résistance contre Power 8 par delà les frontières nationales. Une manifestation commune avec les collègues allemands, espagnols et anglais, serait une excellente occasion de faire des contacts et de développer des actions communes, dirent-ils.

Initialement, une manifestation et un rassemblement communs avaient été projetés pour tous les travailleurs européens d’Airbus à Bruxelles le 16 mars. Mais, le 13 mars, la Fédération européenne des métallurgistes (FEM) a publié un communiqué de presse déclarant que, contrairement aux « faux communiqués de presse », il n’y aurait pas de manifestation et de rassemblement communs.

Au lieu de cela, les syndicats prévoient une soi-disant « mobilisation européenne », mais les « actions seront décentralisées » sur les sites individuels. Lors de ces réunions locales, les syndicats fournissent une tribune aux forces nationalistes les plus droitières.

C’est ainsi que le syndicat allemand IG Metall a invité Christian Wulff, le ministre-président de Basse-Saxe, à tenir un discours lors de la manifestation de Hambourg où 20.000 personnes sont attendues. D’autres orateurs seront présents dont Jürgen Peters, le patron du syndicat IG Metall, Rüdiger Lütjen, le président du comité d'entreprise (CE) d’Airbus-Allemagne, Günther Öttinger, le ministre-président du Land de Bade-Wurtemberg et le maire de Hambourg, Ole von Beust. Les trois derniers orateurs sont tous membres de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) de la chancelière allemande, Angela Merkel, et sont bien connus pour leur politique hostile envers les travailleurs.

Des manœuvres nationalistes similaires sont entreprises par les syndicats français, notamment Force ouvrière.

Dans un courriel adressé au WSWS, un travailleur de Nantes rapporte avoir fait de vains efforts pour organiser des actions communes avec tous les travailleurs : « La direction ne risque pas de changer de cap vu la façon de faire des syndicats, plus particulièrement la CGC et FO qui jouent toujours le nationalisme, la division et la non luttes.»

A Nantes, les travailleurs d’équipes différentes ont été appelés à participer à des manifestations séparées et à des heures différentes et, à l’exception de la CGT, tous les syndicats ont refusé d’organiser un rassemblement de masse de tous les travailleurs. Ils «refusent de combattre le plan Power 8, Ils préfèrent l'accompagner.» écrit le travailleur d’Airbus. Encouragé par l’attitude des syndicats, le groupe a été en mesure d’imposer le plan Power 8 sans avoir à faire de concessions. Mercredi, le patron d’Airbus, Louis Gallois, rencontrait à Toulouse l’ensemble des syndicats européens représentés dans le groupe pour dire on ne peut plus clairement qu’aucune concession ne sera faite sur la restructuration de l’entreprise.

Après la réunion, le coprésident du comité d’entreprise européen, Jean-François Knepper (FO), a déclaré : « Nous n’avons pas beaucoup avancé. La direction nous confirme qu’elle veut dialoguer, mais elle ne nous donne pas beaucoup de marge de manoeuvre. »

Néanmoins, les syndicats maintiennent leur projet de décentraliser leurs actions. En Espagne, quelque 9.000 travailleurs d’EADS et des sous-traitants organiseront une grève limitée et, à Paris, les travailleurs d’Airbus manifesteront devant le siège d’EADS dans la capitale.

D’un côté, le but de ces manifestations isolées sert de couverture aux syndicats pour montrer qu’ils ne sont pas tout à fait inactifs. De l’autre, les actions ont pour but d’empêcher que les travailleurs s’unissent de par les frontières pour mener une lutte efficace contre le plan de restructuration. Au nom de la défense des « sites » individuels, les travailleurs sont montés les uns contre les autres.

La plupart des travailleurs rejettent une telle position. Notre dernier entretien à Méaulte s’est fait avec deux jeunes travailleurs intérimaires d’Amiens. Tous deux ont en partie accompli une formation d’ingénieur en production et sont engagés en contrat à durée déterminée (CDD) pour 18 mois chez Airbus. Ils n’ont aucune idée de ce qui va se passer une fois leur contrat arrivé à son terme. Mais, ils aimeraient bien rester dans l’entreprise.

Selon eux, en tout 150 employés sont engagés en CDD à Méaulte mais ce chiffre était bien plus élevé autrefois.

Tous deux ont exprimé également leur manque de confiance total dans les syndicats qui dès le départ ont battu en retraite et auxquels l’on ne pouvait en aucun cas faire confiance. Ils s’occupent avant tout d’eux-mêmes, ont-ils dit. Après tout, ils « ils vont à la soupe ».

L’un d’entre eux a dit qu’il fallait en finir à présent de monter les travailleurs français contre leurs collègues allemands. Sachant que la région fut le théâtre de la Première Guerre mondiale, où des dizaines de milliers de soldats allemands, français et anglais trouvèrent la mort, ses remarques étaient tout à fait justifiées.

La visite à l’usine d’Airbus de Méaulte a clairement montré deux choses : tout d’abord, le rôle des syndicats qui ont refusé de fournir aux travailleurs l’information la plus élémentaire et qui cherchent à les diviser ; et ensuite, à quel point les travailleurs se sont déjà distancés de ces organisations.

(Article original paru le 16 mars 2007)


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