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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Manifestations contre Musharraf après sa tentative de limogeage du président de la Cour suprême du Pakistan

Par Vilani Peiris et Keith Jones
22 mars 2007

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Islamabad et d’autres villes pakistanaises ont connu ces derniers jours des confrontations violentes entre les forces de sécurité d’un côté et de l’autre, des avocats, des militants politiques de l’opposition et des Pakistanais ordinaires. Ils s’opposaient à la tentative par l’homme fort de l’armée pakistanaise bénéficiant du soutien américain, le général Pervez Musharraf, de limoger le président de la Cour suprême du Pakistan, le juge Iftikhar Mohammad Chaudhry.

Pour empêcher la tenue des manifestations vendredi dernier, jour de la comparution du juge Chaudhry devant le Conseil judiciaire suprême, la police a mis de nombreux dirigeants politiques sous les verrous. Ensuite, tentant d’empêcher la diffusion en direct des manifestations, qui ont quand même eu lieu, la police a effectué une descente dans les locaux de la télévision privée GEO, saccagé les lieux et brutalisé plusieurs membres du personnel.

Plus tard dans la journée, Musharraf, qui avait pris le pouvoir par un coup d’Etat en octobre 1999 et qui est vanté par l’administration Bush comme un de ses principaux alliés dans la guerre contre le terrorisme, a considéré qu’il serait plus sage politiquement de faire une apparition télévisée pour condamner la descente de la police. Alors que quelques policiers subalternes ont été par la suite suspendus, selon des témoins, la descente était conduite par de hauts responsables de la police.

Le 9 mars, Musharraf a suspendu le juge Chaudhry, président de la cour suprême, l’accusant d’« inconduite et abus de pouvoir », il a ordonné au Conseil judiciaire supérieur d’enquêter sur des allégations de corruption, nommé un président de cour suprême intérimaire et a, dans les faits, assigné Chaudhry à résidence.

Les accusations de corruption sont clairement un stratagème. Il est bien connu que le conseil des ministres et les bancs gouvernementaux du parlement pakistanais actuels sont largement composés de politiciens originellement élus sous la bannière du Parti populaire du Pakistan (PPP) de Benazir Bhutto et de la Ligue islamique pakistanaise Nawaz Sharif que Musharraf a forcés à changer de parti en récoltant, puis en supprimant, la preuve de leurs pratiques corrompues.

Si Chaudhry a été ciblé par Musharraf, c’est parce le président, qui est aussi à la tête de l’état-major des services de l’armée (COAS), le considère comme politiquement peu fiable. Musharraf a actuellement besoin d’une Cour suprême docile puisqu’il planifie de mettre en scène sa réélection pour un autre mandat de cinq ans et de rester à la tête du COAS indéfiniment, tous deux en violation flagrante de la constitution du pays.

Selon la constitution pakistanaise, les parlements de provinces et national constituent le collège électoral qui choisit le président du pays. La tradition demande que le président soit choisi peu de temps après que l’électorat ait choisi les députés provinciaux et nationaux du Pakistan.

Toutefois, des adjoints de Musharraf ont laissé entendre que le président-général se prépare à faire en sorte que les parlements de provinces et national — élus en 2002 — le « réélisent » président dans le courant de cette année. Non seulement, ces parlements sont au pouvoir depuis plus de cinq ans, mais les élections avaient été un simulacre de démocratie.

Ni Benazir Bhutto ni Nawaz Sharif n’avaient eu le droit de se présenter et le régime militaire avait imposé toute une batterie de contraintes sur les campagnes électorales du PPP et des autres partis d’opposition. Pendant ce temps, la machine de l’Etat était mobilisée en appui aux partis pro-gouvernementaux et le MMA, une alliance de partis islamistes fondamentalistes qui ont traditionnellement bénéficié de l’aide de l’armée et qui sont souvent venus à l’aide de Musharraf, avait été autorisé à faire campagne librement.

Musharraf sait très bien que sa tentative de truquer sa réélection et de s’accrocher au poste de président des forces armées pakistanaises fera l’objet d’une plainte devant les tribunaux. La seule occasion qui lui reste pour affronter l’intensification de l’opposition que va provoquer sa tentative flagrante de perpétuer sa dictature et de voler le peuple pakistanais de ses droits démocratiques fondamentaux, est d’obtenir l’approbation de la Cour suprême.

Les partis d’opposition pakistanais, les organisations de défense des droits de l’Homme et pratiquement toutes les organisations d’avocats du pays ont dénoncé comme inconstitutionnel le geste de Musharraf contre le président de la cour suprême, le juge Chaudhry. Le président peut, disent-ils, faire comparaître le juge Chaudry devant les tribunaux pour mauvaise conduite, mais il ne peut empêcher un juge d’accomplir ses fonctions, et encore moins l’empêcher de se déplacer dans le pays.

Même des éléments pro-Musharraf comme la Ligue musulmane du Pakistan (Quaid-e-Azam) (LMP-Q) ont cherché à se distancier de la façon dont le président est intervenu dans l’affaire Chaudhry. Le président de la LMP-Q, Chaudhry Shujaat Hussain, a dit la semaine passée, lors d’une visite à New York, que la suspension du juge était « une affaire interne entre l’armée et le système judiciaire ».

Le régime Musharraf fait face à de multiples crises. Alors que l’administration Bush exige davantage de la part d’Islamabad dans la destruction des talibans et s’attend à ce que le Pakistan soit du côté des Etats-Unis dans toute action militaire contre son voisin de l’ouest, l’Iran, l’opposition populaire s’intensifie contre la complicité de Musharraf dans l’agression américaine. Selon un récent sondage mené par Gallup Pakistan, 83 pour cent des Pakistanais affirment leur soutien aux talibans et 75 pour cent sont opposés à l’utilisation des bases aériennes pakistanaises par les Etats-Unis dans le conflit qui oppose les Etats-Unis aux talibans.

Une insurrection nationaliste secoue depuis deux ans la province du Baluchistan, riche en ressources. Et l’armée a été forcée d’accepter une trêve humiliante avec des groupes tribaux, après avoir perdu 800 soldats lors d’une tentative  visant à étendre le contrôle du gouvernement jusque dans les zones tribales voisines de l’Afghanistan, traditionnellement autonomes.

De plus, l’insécurité économique et la pauvreté croissantes résultant de la politique économique néo-libérale du régime de Musharraf ont attisé la colère populaire. Le prix des denrées essentielles a augmenté en moyenne d’environ 50 pour cent au cours des cinq dernières années.

Si Musharraf a survécu, c’est grâce au fort soutien de Washington et parce que l’opposition bourgeoise est terrifiée par tout mouvement populaire qui viendrait menacer l’unité de l’armée et la puissance de l’Etat pakistanais qui défend ses propres privilèges.

Les tribunaux pakistanais se sont traditionnellement rangés derrière l’armée et les chefs militaires.

Chaudhry a lui-même participé à de nombreuses décisions de justice ayant offert une justification légale à la dictature de Musharraf, dont la décision de la Cour suprême qui a légitimé son coup d’Etat en 1999 et une autre faisant respecter le référendum de 2002 qui le fit président.

Mais depuis qu’il est devenu le dirigeant de l’appareil judiciaire en 2005, il a rendu de nombreuses décisions interférant avec les plans du gouvernement. Cela a soulevé de sérieux doutes chez Musharraf qui se demande s’il peut compter sur Chaudhry pour légitimer la « réélection » du général et, au besoin, la violente répression à toute opposition à son régime.

Selon la BBC, Chaudhry aurait dit en février à des officiers militaires en stage que, selon lui, « Le général Musharraf ne pourrait pas demeurer chef de l’armée au-delà de son actuel mandat présidentiel. »

Un jour seulement avant son limogeage, le premier magistrat avait entendu un cas de « disparitions forcées » de personnes suspectées par les autorités d’entretenir des liens avec des groupes terroristes islamiques et il s’était montré extrêmement déçu de l’incapacité du gouvernement à trouver l’endroit où les disparus pouvaient se trouver. Des centaines de personnes auraient été illégalement enlevées, séquestrées et torturées par de mystérieuses forces de sécurité.

Chaudhry a aussi été le principal auteur de la décision du 8 août 2006 qui annulait un accord concernant la vente, par le gouvernement, de Pakistan Steel Mills, la plus grande entreprise industrielle du pays, à des investisseurs russes, saoudiens et pakistanais, pour un prix que la plupart des observateurs qualifiaient de dérisoire. Dans sa décision, le premier magistrat avait déclaré que toute la transaction « était en violation de la loi » et était remplie de « flagrants vices de forme », faisant grandir les doutes de la population quant à la possibilité que des membres du gouvernement et leurs amis du patronat profitent généreusement de l’accord de privatisation.

Lors d’une décision rendue plus tôt cette année, Chaudhry a une fois de plus agacé l’armée et le gouvernement en ordonnant au gouvernement du Balochistan de soumettre un rapport détaillé sur la distribution illégale de 98 000 hectares de terres à des ministres, des politiciens et d’autres bureaucrates à Gwadar, où de nouvelles installations portuaires importantes ont été construites.

La tentative de Musharraf de destituer le premier magistrat a visiblement mal tourné. Selon Stratfor, une agence privée de renseignements entretenant des liens étroits avec les agences de sécurité américaines, « Musharraf pourrait ne pas être la seule victime de cette crise ; l’emprise sur le pouvoir de l’armée pourrait être affaiblie une fois que les choses se seront calmées. »

Cependant, l’administration Bush demeure déterminée à soutenir le régime dictatorial du Pakistan.

Après avoir lancé un appel de pure forme à la police pakistanaise lui demandant d’« autoriser la liberté de manifester », le porte-parole du département d’Etat américain Sean McCormack a loué vendredi dernier l’homme fort de l’armée pakistanaise : « Le président Musharraf est un bon ami et un allié dans la guerre contre le terrorisme. Il a une vision pour le Pakistan en termes de réformes politiques, économiques et sociales, et il poursuit sur cette voie.

 « Y a-t-il davantage à faire ? Oui, absolument.

 « Mais le président Musharraf agit dans l’intérêt du Pakistan et du peuple pakistanais. »

(Article original paru le 19 mars 2007)


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