wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Un an depuis les élections américaines de 2006 : le Congrès démocrate et la guerre en Irak

Par le comité de rédaction
10 novembre 2007

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Le 7 novembre a marqué une année depuis qu’un vote massif d’électeurs anti-guerre a causé la défaite d’une douzaine de députés et de sénateurs républicains sortants lors des élections américaines de mi-mandat. Les démocrates se trouvaient en contrôle des deux chambres du Congrès pour la première fois depuis 1994.

Toutes les analyses sérieuses des résultats électoraux ont reconnu le fait que les démocrates avaient gagné les élections de 2006 à cause du mécontentement de la population envers la guerre en Irak. Mais une année plus tard, non seulement la guerre continue sans relâche, mais elle s’est même intensifiée.

Deux mois seulement après les élections, l’administration Bush a ordonné que 35.000 soldats supplémentaires soient envoyés en  Irak. Les opérations militaires américaines ont été élargies dans la région de la capitale, Bagdad, au nord et au sud de la ville. Les généraux américains, laissant tomber la prétention que les « renforts » étaient temporaires, parlent maintenant ouvertement de mener des combats de contre-insurrection pendant dix années, si ce n’est plus longtemps.

Le taux de mortalité chez les Irakiens a atteint un niveau presque inimaginable. Une enquête menée par la firme de sondage britannique bien connue, ORB, estime à 1,2 million le nombre de personnes tuées depuis le début de l’invasion américaine en 2003. Bien que les pertes américaines aient diminué en septembre et en octobre, le taux de mortalité au sein des troupes américaines a atteint en 2007 son plus haut niveau depuis le début de la guerre.

Le Pentagone a aussi déployé des troupes additionnelles en Afghanistan et leur a donné l’autorisation d’intervenir dans le Pakistan voisin. Pendant ce temps, Bush et Cheney ont menacé à plusieurs reprises d’entreprendre des actions militaires contre l’Iran, menaces qui ont atteint leur point culminant avec la fameuse déclaration du 17 octobre que l’Iran risquait la « troisième guerre mondiale » s’il continuait à défier les exigences américaines d’un démantèlement de son programme nucléaire.

Alors que ces événements se produisaient, et que Bush et Cheney se moquaient du sentiment anti-guerre de la population, le Parti démocrate a été le principal agent du militarisme américain. L’« opposition » des dirigeants démocrates au Congrès a consisté à faire usage de rhétorique et à faire du théâtre, alors qu’en pratique, ils ont donné leur accord à ce que le bain de sang se poursuive en Irak.

Si le Parti républicain avait gagné les élections en 2006 plutôt que les démocrates, il n’y aurait pas eu la plus petite différence dans la façon dont l’administration Bush mène la guerre. Les démocrates au Congrès n’ont rien refusé à Bush.

Le Congrès a octroyé à la Maison-Blanche jusqu’au dernier sou de ce qu’elle demandait pour continuer la guerre. Le Sénat contrôlé par les démocrates a entériné chacune des nominations à des postes militaires importants, dans certains cas unanimement : le nouveau secrétaire à la Défense, les nouveaux commandants en Irak et au centre de commandement central américain, le nouveau chef de l’état-major. Dans quelques jours, le Sénat confirmera un nouveau procureur général qui a refusé de condamner le supplice de la baignoire (ou de la noyade simulée) comme étant un acte de torture.

Même avant qu’ils aient officiellement repris le pouvoir au Congrès, la direction du Parti démocrate avait trahi les sentiments anti-guerre qui leur avait donné la victoire dans les élections. Quelques jours seulement après le vote de 2006, Nancy Pelosi, qui allait devenir présidente de la Chambre des députés et Harry Reid, celui qui allait devenir le leader de la majorité au Sénat, ont annoncé qu’ils rejetaient les seules mesures pouvant forcer la fin de la guerre : la destitution de Bush ou la fin du financement des opérations militaires américaines en Irak.

Les démocrates ont rejeté la destitution, qui ne demande qu’une majorité simple à la Chambre des représentants, non parce qu’il leur manquait des votes au Sénat pour enlever le pouvoir à Bush. Ils craignaient plutôt que les procédures de destitution ne soulèvent chez le peuple américain la question de savoir qui est coupable de la guerre en Irak, une question avec des implications sociales explosives.

Le cœur de toute procédure en destitution de Bush et Cheney est l’accusation que la guerre en Irak est illégitime et criminelle, qu’elle a été justifiée par une campagne de mensonges de la Maison-Blanche, et qu’elle est illégale en vertu de la loi internationale. Les responsables démocrates au Congrès, qui ont en grande partie soutenu la guerre en Irak, seraient eux-mêmes imputables de complicité dans ce crime de guerre. De plus, une telle accusation discréditerait le projet plus large de domination du Moyen-Orient par l’impérialisme américain, projet que les démocrates soutiennent entièrement.

L’octroi ou non des crédits fait partie du pouvoir de dépenser qui revient traditionnellement au Congrès. Il suffit d’une simple majorité au Sénat ou à la Chambre des représentants pour les refuser et bloquer le passage de la loi annuelle sur le budget. Sans l’approbation des deux chambres, le pouvoir exécutif n’a plus d’argent et doit cesser ces opérations, comme cela a déjà eu lieu en 1995-96 lors de la confrontation entre le président américain à l’époque, Bill Clinton, et le Congrès, alors sous contrôle des républicains.

Les responsables démocrates au Congrès ont rejeté de tels gestes pour les crédits de guerre même avant qu’ils aient officiellement pris le pouvoir au Sénat et à la Chambre. « Nous ne couperons pas le financement des troupes », a dit Polosi à MSNBC en décembre dernier. « Laissez-moi lever tous les doutes qui pourraient exister. Tant que nos troupes sont en danger, les démocrates seront là pour les soutenir. »

Pelosi a délibérément adopté l’assertion — élaborée par la Maison-Blanche et les propagandistes de l’extrême droite — selon laquelle ceux qui s’opposaient à la poursuite du financement de la guerre « ne soutenaient pas les troupes », allant même jusqu’à insinuer que mettre un terme au financement de la guerre en Irak abandonnerait les soldats sur le champ de bataille sans munitions pour leurs fusils. Ce bobard avait un objectif politique bien précis : camoufler la décision des responsables démocrates au Congrès d’éviter la seule action en leur pouvoir pouvant forcer la fin de la guerre.

Pelosi, Reid et compagnie ont plutôt élaboré une comédie complexe de résolutions non contraignantes, de projets de loi pour limiter la guerre auxquels Bush opposerait son veto, d’amendements à des projets de loi ne pouvant survivre à une obstruction parlementaire au Sénat, et même de trucs publicitaires, comme le « débat » de 24 heures sur la guerre en Irak tenu au Sénat en juillet — longtemps après que le Congrès eut approuvé le financement de la guerre en autorisant le projet de financement d’urgence le 24 mai.

L’objectif était d’offrir un semblant d’opposition pour apaiser sa base anti-guerre, tout en donnant le feu vert à la Maison-Blanche et au Pentagone pour poursuivre et même étendre les opérations militaires en Irak.

En réalité, alors que le nombre de victimes augmentait parmi les civils irakiens et les soldats américains et que l’opinion publique devenait de plus en plus hostile à la guerre (de récents sondages montrent que plus de 60 pour cent seraient d’accord avec un arrêt du financement par le Congrès), les mesures proposées par les démocrates avaient de moins en moins d’influence.

Cela n’est pas seulement de la capitulation devant l’administration Bush, mais le reflet de la confiance grandissante dans les milieux du Parti démocrate qu’ils contrôleront la Maison-Blanche et le Congrès à la suite des prochaines élections et qu’il est nécessaire, comme le dit Hillary Clinton, de « maintenir les options » de la prochaine administration démocrate, qui aura la responsabilité de mener au moins deux guerres.

Il n’y a pas de désaccord fondamental entre les leaders du Parti démocrate et la Maison-Blanche, seulement des mésententes tactiques sur les meilleures méthodes à employer pour défendre les immenses intérêts de l’impérialisme américain au Moyen-Orient riche en pétrole. En tant que second des démocrates à la Chambre des représentants, le chef de la majorité Steny Hoyer a déclaré en décembre dernier qu’« Aucun de nous ne souhaite voir l’Irak devenir un échec. »

Le Parti démocrate est un parti de la grande entreprise qui défend les intérêts de l’aristocratie financière qui gouverne les Etats-Unis et cherche à dominer le monde. Cette vérité politique est démontrée non seulement par l’attitude du Congrès démocrate, mais aussi par les positions adoptées par les concurrents à la tête de la course à la présidentielle démocrate.

En juin, peu après que le Congrès eut approuvé le projet de financement de la guerre et eut ainsi scandalisé les électeurs démocrates, les candidats démocrates ont tous proclamé leur opposition à la guerre et leur détermination à précipiter sa conclusion.

À la fin août, un consensus s’était formé dans les milieux dirigeants selon lequel, malgré la terrible gestion de la guerre en Irak par l’administration Bush, il n’y avait d’autre alternative à la poursuite du conflit que de sauver tout ce qui était possible par une utilisation encore plus importante de la force militaire. Tous les démocrates en vue ont ainsi, lors d’un débat présidentiel le 21 août, renié l’objectif de retrait des troupes américaines d’ici la fin de 2007, le qualifiant d’irréaliste.

Lors d’un autre débat un mois plus tard, aucun des trois principaux candidats démocrates, Hillary Clinton, Barack Obama et John Edwards, n’osèrent même s’engager à un retrait des troupes d’ici le 20 janvier 2013, la date de leur seconde investiture s’ils devaient être élus et réélus présidents. La même semaine, Clinton vota pour une résolution non contraignante au Sénat exigeant de l’administration Bush qu’elle déclare la Garde révolutionnaire iranienne organisation terroriste, et appuya ainsi implicitement un assaut militaire américain contre l’Iran.

Le Parti démocrate joue maintenant un rôle crucial en maintenant en place l’administration Bush, qui a peu d’appui dans la population et qui assiste aux départs réguliers des principaux conseillers et copains de Bush : l’éviction de Rumsfeld et Gonzales, la condamnation de Lewis Libby, les démissions de Rove, Harriet Miers, Don Bartlett, Karen Hughes et de la plupart du personnel moins en vue de la Maison-Blanche. 

Ce n’est pas qu’une question de prosternation devant la Maison-Blanche. Plus fondamentalement, les démocrates au Congrès tremblent devant la puissance de l’Etat, et particulièrement son appareil militaire et de renseignement. A chaque moment crucial, ils ont défendu la puissance et le prestige de cet appareil. Ceci culmina par deux votes au Congrès : en août, pour accroître les pouvoirs d’espionnage intérieur de la NSA, de la CIA et d’autres agences du renseignement, et en septembre, pour la condamnation de MoveOn.org, un lobby libéral démocrate, pour avoir attaqué publiquement le général David Petraeus.

Toutes les déclarations publiques des démocrates sont de nature timide et hypocrite. Cela est l’expression du rôle de Janus à deux faces que joue le Parti démocrate, qui prétend défendre les intérêts des gens ordinaires, alors qu’en réalité il est un instrument politique de la même oligarchie financière qui contrôle le Parti républicain, les médias, l’économie américaine et la politique au complet.

Ainsi, le Congrès démocrate n’a pas été en mesure d’adopter une mesure pour mettre fin aux arrangements fiscaux sur les fonds à risque qui permettent notoirement aux milliardaires d’avoir un taux de taxation plus bas que leurs secrétaires ou leurs concierges.

Le rôle du Parti démocrate est d’empêcher tout mouvement de la classe ouvrière qui remettrait en cause le monopole politique de la grande entreprise. Dans la crise électorale de 2000 en Floride, les démocrates ont accepté le vol des élections par l’intervention de la Cour suprême, plutôt que de mener une lutte qui aurait remis en question la légitimité du système politique.

En 2002, les démocrates ont gardé la question des préparatifs pour la guerre en Irak hors de l’élection de mi-mandat, même s’ils avaient donné à Bush carte blanche en votant pour l’utilisation de la force militaire. En 2004, alors que les sentiments anti-guerre étaient déjà largement répandus dans la population, les démocrates ont pratiquement concédé l’élection en choisissant un candidat pro-guerre, le sénateur John Kerry, qui prétendait avoir un meilleur programme pour gagner la guerre. En 2006, aussitôt qu’ils ont gagné l’élection après avoir profité des sentiments anti-guerre presque malgré eux, les responsables du Parti démocrate se sont vite distancés de ceux qui étaient allés aux urnes en cherchant une alternative au programme de guerre et de réaction sociale de Bush.

Tout de suite après la victoire des démocrates aux élections, Le World Socialist Web Site et le Parti de l’égalité socialiste ont fait ressortir le danger d’avoir des illusions dans le Congrès démocrate. Notre premier commentaire sur l’élection, le 8 novembre 2006, disait : « Il y a un profond gouffre entre les sentiments anti-guerre largement répandus dans l’électorat et l’engagement des leaders du Parti démocrate pour une " victoire en Irak " et la poursuite de la " guerre contre le terrorisme "… Ceux qui ont voté pour le Parti démocrate dans le but d’exprimer leur opposition à l’administration Bush et à la guerre vont rapidement découvrir qu’une victoire électorale des démocrates ne produira aucun changement significatif dans la politique américaine, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. »

Une déclaration du comité de rédaction, publiée le 4 décembre 2006, était intitulée : « Bush et les démocrates font fi des électeurs anti-guerre. » Elle mettait en garde contre le fait que « Quatre semaines après les élections de mi-mandat américaines du 7 novembre, toutes les sections de l’élite dirigeante américaine ont tourné le dos au vote anti-guerre de masse qui a rejeté la politique de l’administration Bush, qui a mis un terme au contrôle républicain de la Chambre des représentants et du Sénat et qui a placé le Parti démocrate en contrôle du Congrès. »

Cette mise en garde fut confirmée à de nombreuses reprises pendant l’année en cours. Des questions politiques fondamentales doivent être tirées de cette expérience. La lutte contre la guerre en Irak et contre la croissance effrénée du militarisme américain ne peut aller de l’avant par l’élection d’un président démocrate en 2008 ou une majorité plus large des démocrates au Congrès. Si Hillary Clinton était présidente aujourd’hui, sa politique en Irak différerait de Bush seulement par quelques milliers de troupes de plus ou de moins.

Peu importe le parti de la grande entreprise qui s’empare des leviers du pouvoir à Washington en janvier 2009, la politique du gouvernement sera déterminée par les intérêts stratégiques et financiers des grandes entreprises américaines et non par les désirs de la vaste majorité de la population, la classe ouvrière.

La lutte du PES et du WSWS est en profonde opposition au rôle de la supposée « gauche » représentée par les leaders d’organisations anti-guerre comme United for Peace and Justice et International ANSWER, ou encore à des publications comme Nation ou à des groupes de pression comme MoveOn.org.

Toutes ces tendances cultivent des illusions dans le Parti démocrate et insistent pour que l’opposition populaire à la guerre demeure dans le cadre du système bipartite, qui donne un monopole politique aux intérêts de la grande entreprise. Ces mêmes tendances s’opposent à une rupture politique avec le Parti démocrate et à une lutte pour la mobilisation de la classe ouvrière en tant que force politique indépendante.

Cette tâche ne peut plus être reportée à plus tard. Aucun pas de l’avant ne peut être fait dans la lutte contre la guerre et dans la défense des droits démocratiques et des intérêts économiques et sociaux de la classe ouvrière sans une rupture complète et irrévocable avec tout le cadre de la politique bourgeoise.

La classe ouvrière doit se mettre en route sur le chemin de la lutte pour l’indépendance politique contre le système de profit, basée sur un programme socialiste et internationaliste. Cela veut dire construire le Parti de l’égalité socialiste et son organisation des jeunes, l’Internationale étudiante pour l’égalité sociale, en tant que forces dirigeantes révolutionnaires de la classe ouvrière.

(Article original publié le 7 novembre 2007)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés