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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: Emeutes en banlieue parisienne après la mort de deux jeunes dans une collision avec une voiture de police

Par Alex Lantier
29 novembre 2007

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Des émeutes ont secoué la banlieue nord de Paris pendant deux nuits consécutives, après la mort de deux jeunes, Moushin et Larimi, à Villiers-le-Bel dimanche 25 novembre, vers cinq heures de l’après-midi. Les jeunes circulaient sur une moto qui a été heurtée par une voiture de police et selon des habitants, la police ne leur aurait pas porté secours.

Les détails de cette collision ne sont pas contestés. D’après le quotidien Le Monde, « la moto a été traînée sur plus de 20 mètres ». tandis que « l’avant de la voiture de police a été défoncé et le pare-choc arraché ; le pare-brise avant a été profondément enfoncé. »

Marie-Thérèse Givry, procureure de Pontoise, a dit que les policiers avaient quitté les lieux et n’avaient commencé leur enquête que dans la nuit du fait du « du danger que représentait leur présence à cet endroit ». Elle n’a pas apporté d’explications supplémentaires, mais il est clair que les policiers craignaient d’être pris à parti par des habitants furieux.

Le Monde cite Younès B., un habitant de Villiers-le-Bel : « Une deuxième équipe de policiers est venue récupérer leurs collègues. Mais ils ont laissé les deux gamins sans rien faire. »

Givry a ouvert une enquête pour « homicide involontaire et non-assistance à personne en danger » auprès de la l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).

Radio RTL a interviewé une habitante qui a dit : « Une femme […] est descendue pour les aider, c’était une infirmière. Elle a donné les premiers secours. Quand les gosses du quartier sont arrivés, elle a dit "c’est fini, ils sont morts". Elle était toute seule, les flics étaient partis. »

Finalement, des pompiers sont arrivés sur les lieux pour secourir les victimes. Omar Sehhouli, frère de l’un des jeunes décédés, a dit à RTL : « J’ai parlé avec un pompier, je ne vous donnerai pas son nom, il m’a demandé de ne pas le citer. Il a dit, "franchement, entre nous, les policiers, c’est des lâches". »

Il y a de fortes suspicions que l’incident ait été un acte délibéré. D’après des reporters du quotidien Libération, « L'utilisation par les médias de l'expression "homicide involontaire" suscite en particulier la colère, beaucoup étant convaincus que la collision a été volontairement déclenchée par la patrouille de police. »

Libération a ajouté : « D'après des témoignages recueillis sur place, il y aurait eu une sorte de contentieux entre l'une des victimes et la police. Le père de Larami […] a affirmé aujourd'hui à des habitants qu'un policier aurait menacé son fils la semaine dernière. Ce dernier a ainsi rapporté un échange qu'il a eu avec un policier affirmant que son fils "aura à faire à eux". »

Les émeutes se sont propagées cette nuit-là pour se transformer en bataille rangée entre la police et les habitants du quartier. Les CRS postés autour de la caserne des pompiers ont tiré des flash-balls et des gaz lacrymogènes sur les manifestants qui eux lançaient des pierres et des bouteilles de verre. Ces derniers sont ensuite allés vers la gare, brûlant sur leur passage les commissariats de Villiers-le-Bel et Arnouville-lès-Gonesse et détruisant leurs ordinateurs.

Le Monde commente: « Malgré les renforts venus de toute l’Ile de France, les forces de police, casquées, équipées de gilets pare-balles, de flash-balls et de grenades lacrymogènes, éprouvent les plus grandes difficultés à reprendre le contrôle. Elles tentent de bloquer les déplacements de groupes "très mobiles" selon un commissaire présent sur place, mais sans y parvenir […] De nombreux habitants insultent les policiers sur leur passage – ce à quoi les fonctionnaires n’hésitent pas à répondre sur le même ton. »

D’après les chiffres fournis par les services de Givry, 40 policiers ont été blessés, dont un commissaire qui souffre de graves blessures au crâne. Aucun chiffre n’a été communiqué par les grands médias sur le nombre de blessés parmi les manifestants ou sur la gravité de leurs blessures.

Le jour suivant des centaines de policiers sont venus en renfort dans la région.

L’IGPN a fait un communiqué intérimaire lundi cherchant de façon provocatrice à blanchir la conduite des policiers. Il les a disculpés de toute accusation et confirmé la « version des policiers » selon laquelle l’incident était un « accident de la circulation » causé par les jeunes roulant « à très vive allure » tandis que la voiture de police circulait « normalement, sans dépassement de vitesse en agglomération et sans gyrophare. »

Sur le fait de savoir si les policiers ont tardé à porter secours aux victimesce que les témoins tout comme les autorités avaient jusque-là unanimement attesté –, le rapport  affirme avec impudence que cet « aspect de l'enquête plus difficile » nécessite « plus d'investigations ». Le rapport ajoute que la police n’a pas commis de « faute grave. »

Les autorités se sont empressées de soutenir le rapport. Givry a annoncé : «Je ne laisserai pas dire que les services de police n'ont pas porté assistance aux jeunes. » De Chine où il est actuellement en visite d’Etat, le président Sarkozy a exigé que « chacun s'apaise et qu'on laisse la justice déterminer la responsabilité des uns et des autres ».

Les habitants de Villiers-le-Bel ont organisé une marche silencieuse lundi après-midi. Ceux qui étaient en tête de cortège portaient des photos de Moushin et Larimi avec l’inscription pleine d’amertume « Repose en paix. Décédé le 25 novembre 2007. Mort pour rien. »

Lundi soir, des émeutes ont encore éclaté dans six banlieues limitrophes, Villiers-le-Bel, Cergy, Goussainville, Sarcelles, Garges-lès-Gonesse et Ermont. Des sources policières font état de 36 voitures brûlées en plus de poubelles, d’une école maternelle et d’une bibliothèque. Trente policiers sont sur la liste des blessés, dont deux gravement blessés. Une fois de plus, il n’y a aucun chiffre indiquant le nombre de blessés qui ne sont pas de la police.

Les autorités craignent, si ces manifestations venaient à se poursuivre et à échapper au contrôle de la police, que ce ne soit la répétition des émeutes de novembre 2005 qui avaient été déclenchées par l’électrocution de deux jeunes cherchant à échapper à la police dans la banlieue parisienne de Clichy-sous-Bois. C’est pourquoi les autorités annoncent publiquement des préparatifs pour une confrontation de masse.

Un représentant de la police a dit au Monde, « Cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu autant de forces de police rassemblées. Même en 2005, cela ne s’était pas vu. La ville est entièrement quadrillée. »

L’utilisation d’expressions rappelant la lutte du colonialisme français contre la population en Algérie dans les années 1950 n’est pas un hasard. La politique consistant à constituer des corps de police à grande échelle capables de mobiliser un grand nombre de policiers pour procéder à des raids dans les quartiers défavorisés, politique défendue par Sarkozy à l’époque où il était ministre de l’Intérieur en 2003, a contribué à transformer la relation entre les habitants et la police en une guerre continuelle, latente qui éclate à chaque fois que la police tue quelqu’un, que ce soit par accident ou autrement.

Les soupçons des habitants du quartier, selon lesquels la mort a été donnée intentionnellement, sont entièrement justifiés. Ce qu’on peut considérer comme un acte de violence policière survient dans un contexte politique particulier, celui de l’annulation par la bureaucratie syndicale d’importantes grèves dans les transports contre les attaques sur les retraites, mises en place par le gouvernement de Sarkozy.

A chaque fois qu’une importante lutte de masse a été annulée ces dernières années, en 2003 contre l’attaque sur les retraites du premier ministre d’alors, Jean-Pierre Raffarin et en 2006 contre le CPE (Contrat première embauche) de Dominique de Villepin, le gouvernement a cherché à faire appel aux préjugés racistes ou religieux contre les musulmans et les immigrés qui constituent une grande proportion de la population des banlieues défavorisées. En 2003, Raffarin avait préparé un projet de loi qui interdisait le port du voile islamique dans les bâtiments publics. En 2006, le gouvernement Villepin avait fait voter une loi anti-immigrés draconienne peu de temps après la fin des manifestations contre le CPE.

Il est bien sûr difficile de déterminer si cet incident entraînant la mort s’est produit à un moment où les autorités encouragent la police à adopter une ligne de conduite plus dure à l’encontre des jeunes des banlieues. Toutefois, il y a des signes indéniables de préparatifs d’une nouvelle campagne faisant appel à des préjugés anti-immigrés.

Plusieurs médias, dont Libération et le Nouvel Observateur, ont récemment publié des articles paraphrasant ce qui semble être des fulminations anti-musulmanes vulgaires de Sarkozy lors de négociations diplomatiques avec d’autres chefs d’Etat européens.

Jean Quatremer, journaliste à Libération écrivait le 19 novembre que Nicolas Sarkozy s’était lancé dans un « monologue confus d’une vingtaine de minutes […] contre le trop grand nombre de musulmans présents en Europe ». Il a mentionné que Sarkozy avait, à maintes reprises, parlé du « choc des civilisations » entre l’Islam et l’Europe.

Le Nouvel Observateur, dans un article daté du 26 novembre, a aussi affiché une vidéo de Sarkozy critiquant les pratiques islamiques, tels l’égorgement de moutons durant le festival de l’Aïd. Sarkozy avait fait ce commentaire : « on n’égorge pas le mouton dans la baignoire. »

Dans le contexte politique actuel, on ne peut absolument pas faire confiance aux enquêtes menées par la police. L’appel « au calme » lancé par Sarkozy devant la tentative de blanchir la police a des relents de cynisme des plus écoeurants. Il faut qu’une enquête indépendante soit menée afin de déterminer la responsabilité des policiers au regard de la loi et la responsabilité politique des politiciens en vue.

(Article original paru le 27 novembre 2007)


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