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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

L’armée sri lankaise assassine un dirigeant politique du LTTE dans un raid aérien

Par Sarath Kumara
13 novembre 2007

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S.P. Thamilchelvan, principal négociateur du LTTE (Tigres de libération de l’Eelam tamoul) a été tué dans une attaque aérienne de l’aviation sri lankaise aux premières heures du vendredi 2 novembre près de la place forte de Kilinochchi. Le raid aérien qui s’appuyait sur ce qu’un porte-parole de l’aviation a décrit comme « une information très fiable » a aussi entraîné la mort de cinq autres responsables importants du LTTE. 

Le fait qu’on ait délibérément attaqué Thamilchelvan montre l’absurdité de l’affirmation du gouvernement sri lankais selon laquelle celui-ci respecterait l’accord de cessez-le-feu de 2002 et de ses appels occasionnels à une fin négociée de la longue guerre civile. En tant que chef de l’aile politique du LTTE, Thamilchelvan avait fait partie ou avait dirigé, durant les cinq dernières années, de nombreuses délégations du LTTE lors de pourparlers de paix avec le gouvernement sri lankais. 

Le président Mahinda Rajapakse a déclenché, depuis le mois de juillet 2006, une suite d’opérations offensives dans le but de s’emparer des territoires tenus par le LTTE dans l’est de l’Ile, en violation flagrante de l’accord de cessez-le-feu de 2002. L’assertion selon laquelle ces opérations étaient de nature « défensive » était destinée à conserver le soutien des principales puissances. L’assassinat calculé du principal négociateur du LTTE montre clairement que le gouvernement sri lankais n’a aucune intention de conduire des négociations sérieuses et qu’il a au contraire l’intention de détruire le LTTE par des moyens militaires.

Il est significatif qu’aucune des puissances qui supervisent le soi-disant processus international de paix (les Etats-Unis, l’Union européenne, la Norvège et le Japon) n’a prononcé une seule parole critique à propos de cet acte de guerre patent. Il y a peu de temps, l’ambassadeur des Etats-Unis à Colombo, Robert Blake, a condamné une attaque récente du LTTE et exprimé sa sympathie aux familles des militaires qui y furent tués. Aucune déclaration de ce genre n’a été publiée à propos de la mort de Thamilchelvan que beaucoup de diplomates engagés dans les négociations sri lankaises connaissaient personnellement. Le silence de la part des grandes puissances sur les actions du gouvernement revient à une approbation de la reprise de la guerre par celui-ci.  

La mort de Thamilchelvan a été reçue avec une satisfaction à peine contenue dans les cercles dirigeants de Colombo. Le porte-parole de l’armée, le brigadier Udaya Nanayakkara, a essayé de justifier le meurtre de Thamilchelvan en prétendant que le dirigeant de la branche politique du LTTE avait été impliqué dans de récentes actions militaires. Thamilchelvan, qui était âgé de 40 ans, boitait fortement à la suite d’une grave blessure reçue en 1993 au cours d’une bataille avec l’armée sri lankaise.  

Nanayakkara a affirmé que la mort de Thamilchelvan représentait pour les forces armées un « encouragement moral » et serait « une grande perte pour le LTTE ». L’attaque aérienne s’est produite moins de quinze jours après que des membres de la guérilla du LTTE eussent pénétré sur une base aérienne importante située près de la ville d’Anuradhapura, dans le nord de l’île, et y avaient détruit ou endommagé un certain nombre d’avions. Ce qui a causé plus de dommages que les pertes matérielles et physiques, c’est que le raid a fait éclater la propagande gouvernementale selon laquelle l’armée sri lankaise avait mis le LTTE en fuite. 

Dans une allocution prononcée au soir du 2 novembre, Rajapakse a fait l’éloge des forces armées pour leur « engagement et leur dévouement optimaux pour sauver leur patrie d’une fragmentation grave et imminente. » Bien qu’il n’ait fait aucune référence à l’assassinat de Thamilchelvan, le président a répété que le gouvernement était résolu à obtenir une « paix honorable » et que le LTTE ne pouvait pas « imposer de conditions ». Ce sont là des phrases codées signifiant qu’aucune concession ne sera faite au LTTE et par conséquent qu’il n’y aura aucune négociation.

Le frère du président, le ministre de la Défense, Gotabhaya Rajapakse, ne s’est pas donné la peine de cacher ses intentions. « Ce n’est là qu’un message pour dire que nous savons où se trouvent leurs dirigeants. Je connais l’endroit où se trouvent tous leurs dirigeants… si nous le voulons, nous pouvons les prendre l’un après l’autre », se vanta-t-il, parlant à l’agence de presse Reuters. Il a appelé les dirigeants du LTTE à « sortir » sans délai, c'est-à-dire à capituler sans conditions.

Le parti extrémiste cingalais JVP (Janatha Vimukthi Peramuna) qui revendique une intensification de la guerre jubilait lui aussi. Le dirigeant de la fraction parlementaire du JVP, Wimal Weerawansa, a pressé le gouvernement de déclarer ouvertement que l’assassinat  était une victoire pour l’armée et pour le peuple. Le député du JVP Vijitha Herath a décrit l’attaque comme un coup porté à ceux qui appelaient à la reprise des pourparlers de paix à la suite du raid d’Anuradhapura.

L’événement a aussi été célébré en chœur dans la presse de Colombo. Le journal de droite Island a intitulé son article de samedi : « L’aviation nous venge du raid d’A’pura et se paye la face publique des Tigres ». Dimanche 4 novembre Lakbima News publiait une photo du dirigeant du LTTE V, Prabhakaran, rendant hommage à Thamilchelvan et ayant pour titre « Cette fois, c’est lui — et la prochaine ? » poussant, en d’autres mots, au meurtre de Prabhakaran.

Le parti d’opposition UNP (United National Party) qui a signé l’accord de cessez-le-feu et entamé les négociations avec le LTTE y compris avec Thamilchelvan n’a toujours pas publié de déclaration. Mais il est déjà clair que l’UNP s’adapte à la nouvelle guerre menée par le gouvernement et à son exacerbation des tensions communautaristes. Dans des commentaires faits au journal Daily Mirror l’organisateur national de l’UNP, S.B. Dissanayake, déclarait : « On ne devrait pas avoir de regrets quant à sa mort [la mort de Thamilchelvan]. »

Le LTTE a réagi à l’assassinat de Thamilchelvan avec sa propre politique communautariste. Prabhakaran, le dirigeant du LTTE, dit dans une déclaration publiée samedi 3 novembre : « La nation cingalaise a pris la vie d’un dirigeant politique profondément aimé dans le monde tamoul et grandement respecté dans la communauté internationale. » Les Cingalais ordinaires cependant sont tout aussi peu responsables de la mort de Thamilchelvan que de la reprise de la guerre, à laquelle la majorité de la population travailleuse est opposée.

Directement responsables de la guerre ont été les gouvernements sri lankais qui se sont succédés depuis 1983 et ont exploité le chauvinisme anti tamoul pour diviser les travailleurs et étayer leur propre base sociale. Mais la perspective du LTTE d’un petit Etat tamoul séparé représente les intérêts de la bourgeoisie tamoule, pas ceux des travailleurs tamouls. En acceptant des négociations avec le gouvernement en 2002, le LTTE recherchait un accord de partage du pouvoir qui permettrait la transformation de l’île en une plateforme de main-d'œuvre à bon marché à des fins d’exploitation commune de la classe ouvrière par toutes les parties de l’élite dirigeante. 

L’échec des pourparlers de paix et la reprise de la guerre témoignent de l’incapacité de l’establishment politique de Colombo de rompre avec la politique du chauvinisme. L’assassinat de Thamilchelvan est calculé pour enflammer les tensions entre communautés et conduira inévitablement à une nouvelle escalade de la guerre. Le recours par Rajapakse à de telles méthodes donne la mesure de la crise profonde à laquelle fait face le gouvernement, du fait du mécontentement et de l’opposition croissante au fardeau économique engendré par la guerre.  

Une grève de deux jours de la part de 200.000 enseignants du secteur public il y a deux semaines ne fut empêchée qu’à la dernière minute par les dirigeants syndicaux qui ont capitulé devant la pression du gouvernement et l’ont annulée. Des milliers de travailleurs des hôpitaux ont arrêté le travail pendant deux jours fin octobre pour demander une hausse de salaire et pour protester contre des conditions de travail qui s’aggravent. Et le 25 octobre la police a violemment dispersé une manifestation de milliers de diplômés sans travail.

La hausse des prix, due en partie aux dépenses massives du gouvernement pour la guerre, impose un fardeau insupportable à la population travailleuse. En octobre l’index du coût de la vie a augmenté brusquement de 210 points pour atteindre 5723, ce qui correspond à un taux annuel de 19,3 pour cent (17,3 pour cent pour septembre). Le gouvernement a augmenté les dépenses militaires de 45 pour cent et prévoit une nouvelle augmentation de 20 pour cent l’année prochaine. En conséquence, les subventions et les services gouvernementaux, tout comme les salaires et les conditions de travail des ouvriers du secteur public, ont été réduits drastiquement.  

Afin de neutraliser une agitation croissante, les ministres du gouvernement dénoncent régulièrement les protestations et les grèves comme étant antipatriotiques et ont imposé une suite de lois antidémocratiques d’urgence. Le 29 octobre, Rajapakse a proclamé de nouveaux règlements d’urgence afin de censurer toute information sur les déploiements ou les activités militaires y compris l’acquisition de matériel de défense. Cette mesure était destinée non seulement à réprimer toute critique de la guerre, mais aussi toute critique des scandales qui ont éclaté à propos de l’achat d’avions de chasse Mig-27 à l’Ukraine. A la suite d’une vague de protestation, le gouvernement a dû révoquer ces nouveaux règlements. 

L’armée s’est servie de l’assassinat de Thamilchelvan pour justifier l’intensification des barrages routiers, des contrôles d’identité et des raids, affirmant que le LTTE allait riposter. Samedi, les forces de sécurité ont bloqué toutes les autoroutes menant à Colombo et y ont contrôlé tous les véhicules et tous les passagers. Le vice inspecteur général de la police, responsable de Colombo, a annoncé que des troupes supplémentaires avaient été mobilisées afin de renforcer la sécurité dans la capitale.

L’assassinat de Thamilchelvan souligne une fois de plus les dangers énormes auxquels fait face la population travailleuse et la nécessité d’une rupture complète avec la politique communautariste sous toutes ses formes, tant chauviniste cingalaise que séparatiste tamoule, et d’un tournant vers une politique socialiste d’alternative pour combattre la guerre, l’inégalité sociale et les attaques contre les droits démocratiques. 

(Article original anglais paru le 12 novembre 2007)


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