La déclaration suivante est distribuée, sous forme de tract,
aux fonctionnaires et étudiants en grève le 20 novembre, qui rejoignent les
cheminots, les gaziers et les électriciens en lutte contre les attaques du
gouvernement gaulliste du président Nicolas Sarkozy sur les retraites, les droits
sociaux et l’éducation.
Les grèves et les manifestations qui se déroulent ce 20
novembre dans toute la France représentent le plus grand mouvement social
contre le président Nicolas Sarkozy depuis la prise de fonction de son
gouvernement en mai dernier. Ils témoignent de l’opposition étendue et
profonde au programme politique de Sarkozy qui a pour objectif de transformer
la France en un paradis pour profiteurs, où les riches peuvent engranger encore
plus de richesses au détriment du niveau de vie et des droits de la masse de la
population.
Sarkozy, qui s’est publiquement aligné avec le président
américain George W. Bush, ne soutient pas seulement la politique étrangère
criminelle de l’impérialisme américain, mais il s’efforce aussi de
créer des « conditions américaines » en France en détruisant les
droits sociaux gagnés par la classe ouvrière pendant des décennies de luttes.
Le 20 novembre, les manifestations vont réunir les
fonctionnaires de l’éducation, des hôpitaux, de la poste, des
collectivités territoriales et d’autres secteurs avec les cheminots, les
agents des transports urbains, les gaziers et électriciens qui sont en grève
depuis sept jours pour défendre les régimes spéciaux de retraite et avec les
étudiants qui protestent contre les projets du gouvernement d’ouvrir les
universités aux entreprises privées, de dégrader la qualité de
l’éducation supérieure et d’en limiter l’accès.
Sont en jeu tous les droits démocratiques et sociaux de la
classe ouvrière.
Du point de vue du gouvernement, une défaite des cheminots, l’une
des sections les plus combatives de la classe ouvrière, ouvrira la voie aux
attaques sur toutes les autres sections de travailleurs et renvoyer la classe
ouvrière aux conditions de pauvreté et d’exploitation brutale décrites
jadis par Emile Zola.
Ce serait une erreur fatale de sous-estimer les dangers que le
régime de Sarkozy pose.
Sa base sociale est petite. Il s’agit des patrons, des
riches et des super riches, que le président fréquente et avec lesquels il
entretient des relations politiques étroites. Mais Sarkozy a le soutien des
gouvernements européens et du capital financier international qui insistent
pour dire que la France est très en retard en matière de
« réformes », c'est-à-dire de démolition, de son système de
protection sociale qui constitue un obstacle à l’accumulation sans
entrave de profit. De plus, Sarkozy a une stratégie politique et il est bien décidé
à l’appliquer à tout prix.
Son objectif est d’isoler les sections les plus
combatives de la classe ouvrière, de leur infliger une défaite décisive puis de
mener des attaques brutales sur le reste de la population.
Le conflit avec les cheminots a été soigneusement préparé depuis
l’arrivée au pouvoir de Sarkozy. Il a tout fait pour les isoler en
tentant de séduire les dirigeants des différents syndicats et en les montant
les uns contre les autres.
Titrant « L’Elysée mise sur l’exaspération
des usagers contre les grévistes » Le Monde rendait compte dimanche
des considérations stratégiques discutées au plus haut niveau des cercles
gouvernementaux. Il citait Sarkozy disant que, la semaine précédente, il avait
joué la carte du « dialogue » ajoutant « tout ce que nous avons fait
jusqu’à présent nous permettra éventuellement davantage de fermeté plus
tard ».
A présent, une deuxième phase, plus conflictuelle débute. « La
semaine prochaine, on fera de la politique et de l’idéologie »,
a-t-il dit.
Dimanche, 8 000 sympathisants du parti au gouvernement,
UMP (Union pour un mouvement populaire) ont défilé dans Paris pour protester
contre la grève et ont annoncé que d’autres manifestations de ce type auraient
lieu si la grève devait se poursuivre.
Les cheminots ont fait preuve de combativité, de courage et de
ténacité admirables. Néanmoins, contrairement au gouvernement, ils n’ont
ni la stratégie ni la direction requises pour sortir vainqueurs du conflit
actuel. Croire qu’il est possible de forcer ce gouvernement à reculer,
uniquement par la combativité du mouvement, n’est pas seulement naïf,
mais est extrêmement dangereux.
Sarkozy mise tout son avenir sur la question de l’application
de ses soi-disant « réformes » qui, du point de vue de la
bourgeoisie, ne peuvent plus être remises à plus tard. Les travailleurs et les
étudiants qui combattent ces réformes sont confrontés à des tâches politiques.
A la stratégie contre-révolutionnaire du gouvernement, ils
doivent opposer leur propre stratégie révolutionnaire. Les retraites, les
emplois et l’éducation ne peuvent être défendus que par des grèves
massives et la mobilisation politique de toute la classe ouvrière avec pour
objectif de renverser le gouvernement gaulliste et de le remplacer par un
gouvernement ouvrier réellement démocratique.
Les partis qui se disent de « gauche », y compris « l’extrême-gauche »
et les organisations syndicales sont totalement hostiles à cette perspective.
La lâcheté et la collaboration ouverte de ces organisations est l’atout
le plus important dans l’arsenal de Sarkozy. Une rupture politique et
organisationnelle d’avec ces organisations, ainsi que la dénonciation politique
intransigeante de leur collaboration à la politique du gouvernement, est le
préalable indispensable pour gagner la lutte contre les attaques de Sarkozy.
Le Parti socialiste (PS) soutient ouvertement l’élément
clé de la « réforme » des régimes spéciaux: l’allongement de
37,5 à 40 annuités pour avoir droit à une retraite à taux plein. Comme l’UMP
de Sarkozy, le PS a, à maintes reprises, appelé à la fin de la grève des
cheminots au nom des usagers de la SNCF, argument classique de tout briseur de
grève. Il ne fait absolument aucun doute que si ce parti revenait jamais au
pouvoir, il mettrait en place une politique sociale qu’il serait
quasiment impossible de distinguer de celle de Sarkozy.
Le Parti communiste, tout en soutenant, en paroles, la grève,
accorde son entier soutien aux manœuvres des syndicats avec le
gouvernement, visant à étouffer la grève.
Les syndicats, cherchant par tous les moyens à éviter une
confrontation politique avec le gouvernement, font tout pour trouver un accord
pourri et trahir la grève. A Electricité et Gaz de France, les syndicats ont
déjà entamé des négociations et ont quasiment mis fin à la grève, séparant ainsi
les gaziers et électriciens des cheminots.
A la SNCF (Société nationale des chemins de fer français), un
syndicat, la CFDT (Confédération française démocratique du travail) a appelé à
la fin de la grève, tandis que les cinq autres syndicats – dont la CGT
(Confédération générale du travail) et Sud (Solidarité, unité, démocratie)
– ont accepté de se rendre à une table ronde avec la direction et le
gouvernement, mercredi, une fois passée la manifestation de mardi.
La CGT, syndicat majoritaire chez les cheminots, joue un rôle
crucial dans la préparation de la trahison du mouvement. Avant même le début de
la grève, le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibaut, avait accordé une
concession majeure. Cela avait été largement interprété comme un geste de
soumission ou, comme l’avait écrit Libération, « le rejet de
l’attitude du "tout ou rien" ».
Quel rôle jouent Lutte ouvrière (LO) et la Ligue communiste
révolutionnaire (LCR) ?
Tandis que ces deux organisations soutiennent officiellement
la grève des cheminots et ont appelé dans une déclaration commune à « une
riposte massive de l'ensemble du monde du travail pour faire reculer le
gouvernement », elles couvrent le rôle perfide joué par les partis de
« gauche » et les syndicats et font tout leur possible pour empêcher
que les travailleurs ne rompent avec ces organisations. La LCR et LO cultivent
toutes deux l’illusion dangereuse que la combativité syndicale pure et
dure suffira à elle seule à forcer le gouvernement à reculer.
Lutte ouvrière, en plein milieu de la grève, a annoncé
qu’elle négociait, pour les élections municipales de 2008, des listes
électorales communes avec le Parti socialiste dans certaines villes, ce
qu’elle n’a jamais fait auparavant. Alors que, comme dit le
proverbe, les rats quittent un navire qui coule, Lutte ouvrière semble faire
tout le contraire – fournissant à ce parti bourgeois discrédité une
certaine légitimité de gauche.
Pendant ce temps, le porte-parole de la LCR, Olivier Besancenot,
appelle à l’unité avec le Parti socialiste... pour soutenir une grève reconductible
à laquelle le Parti socialiste s’oppose ouvertement !
Le 16 novembre, Besancenot a lancé un appel à tous les partis
de l’ancienne coalition de la gauche plurielle (Parti socialiste, Parti
communiste et les Verts) qui formait le gouvernement de Lionel Jospin de 1997 à
2002. Il déclarait : « Les partis de gauche doivent prendre
rapidement leurs responsabilités et des initiatives de solidarité avec les
grévistes. C’est pourquoi, je propose à tous les premiers responsables
des partis de gauche une réunion unitaire, dans les plus brefs délais, afin de
décider ensemble toutes les initiatives de soutien aux grévistes et à leurs
revendications. »
Est-ce que Besancenot nous prend pour des imbéciles ? Il
sait pertinemment que le Parti socialiste ne soutient pas la grève des
cheminots. Son appel est une tentative de camouflage de la réalité.
Cela démontre la fausseté de ce soi-disant parti
anticapitaliste que la LCR va fonder en janvier prochain. Ce parti, comme
Refondation communiste en Italie, qui a fini par rejoindre le gouvernement
bourgeois de droite de Romano Prodi, sera un mécanisme de plus servant à
empêcher les travailleurs de rompre avec la démocratie sociale et de se tourner
vers une perspective authentiquement socialiste et internationaliste.
La France a une longue histoire de mouvements sociaux
puissants qui ont été avortés et trahis. Cela fait maintenant presque 40 ans qu’a
eu lieu la grève générale de 1968, où des centaines de milliers
d’étudiants et des millions de travailleurs s’étaient unis dans une
lutte commune contre le régime du général de Gaulle. A cette époque ce furent
la CGT et le Parti communiste qui avaient sauvé de Gaulle. Ils avaient refusé
de prendre le pouvoir et avaient étouffé la grève au moyen des accords de
Grenelle. Il avait fallu après cela attendre encore 13 ans pour que la droite
politique perde le pouvoir.
Trente-deux ans avant cela, un mouvement de grève
d’envergure révolutionnaire était trahi par le gouvernement de Front
populaire de Léon Blum, ouvrant ainsi la voie au retour de la droite et
finalement au régime de Vichy.
Il est nécessaire que les travailleurs tirent les leçons de ces
expériences historiques. Il faut construire une direction politique qui puisse
coordonner les grèves, les manifestations et les actions de la classe ouvrière
contre les machinations de l’ensemble de l’élite dirigeante et de
tous ses alliés et représentants politiques, et qui fournisse un programme
socialiste révolutionnaire qui corresponde aux besoins des travailleurs.
Ceci n’est possible qu’à l’échelle
internationale. Il n’existe pas de réponse nationale à la crise à
laquelle sont confrontés les travailleurs. Derrière Sarkozy il y a
l’Union européenne, les gouvernements européens, les grandes entreprises
transnationales et les banques.
Ce n’est pas par hasard que les conducteurs de train
allemands sont en grève en même temps que les cheminots français. Des deux
côtés du Rhin, ils luttent contre la subordination des services publics et de
tous les aspects de leur vie aux diktats du patronat.
Ces luttes doivent être coordonnées et unifiées.
Nous appelons les travailleurs et les étudiants français à
lire le World Socialist Web Site et à rejoindre le Comité international
de la Quatrième Internationale dans la lutte pour construire un parti
réellement socialiste et internationaliste.