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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: Sarkozy annonce de vastes attaques sur les droits et les conditions de vie des travailleurs

Par Antoine Lerougetel
4 octobre 2007

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Dans deux discours politiques très importants prononcés les 18 et 19 septembre, le président Nicolas Sarkozy a présenté un programme d’attaques des droits démocratiques et des conditions de vie et de travail de la classe ouvrière d’une envergure encore sans précédent depuis la Deuxième guerre mondiale. Si ces attaques sont mises en place elles détruiront des acquis obtenus par les travailleurs durant des décennies de luttes et les renverront aux conditions existant avant la guerre.

Dans son discours du 18 septembre traçant les grandes lignes de son “contrat social” Sarkozy a proposé les mesures suivantes:

* L’abolition des régimes spéciaux de retraite qui concernent 1,6 millions de travailleurs employés pour la plupart dans le réseau des transports urbains de Paris (RATP), les chemins de fer (SNCF) et à l’électricité et au gaz de France (EDF et GDF). Leur retraite sera abaissée au niveau des retraites des autres cinq  millions de travailleurs de la fonction publique, retraites qui avaient été sérieusement réduites en 2003. L’âge de la retraite à 50 ou 55 ans pour certains travailleurs des régimes spéciaux sera ramené à 60 ans et un minimum de 40 annuités sera requis pour jouir d’une retraite complète. Le calcul de la retraite se basera sur le salaire des 25 dernières années et non plus sur celui des 6 derniers mois de travail, ce qui signifie une réduction conséquente.

* Les « carrières longues », ceux qui ont commencé à travailler à l’âge de 16 ans, devront avoir travaillé 42 ans avant d’avoir droit à une retraite à taux plein avant l’âge de 60 ans, une mesure qui représente une économie de 2 milliards d’euros par an pour le Trésor public et qui touche 430 000 travailleurs. A présent 40 annuités sont requises. Tous les autres travailleurs du secteur public devront avoir travaillé 41 ans pour obtenir le droit de jouir d’une retraite à taux plein, contre 37,5 ans avant 2003.

* L’ANPE (Agence nationale pour l’emploi) et l’UNEDIC (l’assurance gérée conjointement par le patronat et les syndicats et qui distribue l’allocation chômage) seront fusionnés dans le but d’exercer un contrôle strict sur l’accès à ces prestations. L’organisme né de cette fusion imposera des sanctions en cas de refus d’accepter le règlement. Ainsi un travailleur qui refuse deux offres d’emploi ou de stage se verra retirer ses prestations. Ceci remet en question le principe de libre négociation du travailleur avec l’employeur pour la vente de sa force de travail, principe qui établit la différence entre travail librement consenti et travail forcé.

* Des impôts et une législation seront mis en place dans le but de dissuader les départs à la retraite anticipée et pour maintenir les gens au travail jusqu’à 65 ans.

* Le SMIC (salaire minimum) ne sera plus indexé à l’augmentation du coût de la vie, mais aux « fondamentaux économiques, » c'est-à-dire aux exigences du patronat, et sera fixé par une commission.

* Une “réforme” du code du travail enlèvera “ l’accumulation de protections qui entourent le contrat de travail…le trop plein de droit.” (Sarkozy.)

* Le coût individuel des frais de santé sera augmenté jusqu’à atteindre 50 euros par personne et par an.

Le lendemain dans un second discours, Sarkozy a tracé les grandes lignes d’une attaque sur la sécurité de l’emploi des travailleurs du secteur public et le démantèlement de leurs droits et de leur statut basés sur les diplômes et l’ancienneté. « Je voudrais sortir d'une approche purement mécanique, juridique, égalitariste, anonyme » et aller vers « l’individualisation de la rémunération », a-t-il dit et il a rapporté que « 18 équipes d'audit composées de 200 auditeurs publics sont à pied d'œuvre pour proposer des réformes portant sur l'ensemble des mille milliards d'euros de dépenses publiques, » et il a annoncé les mesures suivantes :

* Le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et le recours massif aux heures supplémentaires.

* Le démantèlement des corps de fonctionnaires en développant ce qu’il appelle la mobilité du travail: « Il faut que les ressources puissent être constamment redistribuées en fonction des nécessités.» Les fonctionnaires recevront un « pactole » pour les encourager à entrer dans le secteur privé et il y aura possibilité d’être recruté dans le service public sur des contrats de type secteur privé sans les droits et les garanties dont jouissent aujourd’hui les travailleurs du secteur public. L’ensemble du système de rémunération sera revu sur la base de ces principes, en mettant l’accent sur le salaire basé sur les résultats et au mérite plutôt que suivant des droits établis pour tous.

* Des réductions qualitatives et quantitatives dans l’Education nationale en accord avec les priorités économiques: « Le rythme de diminution des effectifs de l'Education Nationale sera fonction des progrès réalisés dans la remise à plat des programmes et des rythmes scolaires, qui est nécessaire à l'équilibre de nos efforts. » Une approche bien connue sous le nom de « pédagogie du comptable. »

De précédents gouvernements en France avaient proposé les mêmes attaques ou des attaques similaires à celles de Sarkozy sur les retraites, le service public et l’éducation (mais pas toutes en même temps), mais tous avaient été contraints de faire des compromis et de plus ou moins reculer devant une levée de boucliers massive.

En 1995, la tentative par le premier ministre gaulliste de l’époque, Alain Juppé, de supprimer les régimes spéciaux de retraite avait paralysé le pays. Juppé avait finalement dû démissionner. En 2003 et en 2006, des mouvements de masse de travailleurs et de jeunes avaient fait obstacle à l’accroissement des mesures de rigueur gouvernementales.

En conséquence, la France traîne loin derrière ses concurrents européens dans la course à la compétition mondiale, notamment derrière la Grande-Bretagne et l’Allemagne où des gouvernements sociaux démocrates ont complètement liquidé ce qui restait de l’Etat providence de l’après-guerre. De ce fait, le déficit commercial de la France ne cesse de se creuser, passant de 2,4 milliards d’euros en 2003 à 5,3 milliards en 2004, 21,2 milliards en 2005, 28 milliards l’an dernier et les prévisions sont de plus de 30 milliards d’euros pour l’année en cours. Les dépenses publiques sont passées de 37 pour cent du PIB en 1974 à 53 pour cent en 2007, soit une augmentation de plus de mille milliards d’euros.

Du point de vue de l’élite dirigeante française et européenne, la destruction totale de l’Etat providence français ne peut plus être remise à plus tard.

Le 24 septembre dernier, dans une interview accordée à la radio, le premier ministre François Fillon a dit que la dette accumulée faisait que la situation des finances publiques du pays n’était « plus supportable. » Lors d’une visite en Corse, il a déclaré que la France est « en situation de faillite sur le plan financier » et nécessite des mesures draconiennes, la réduction des dépenses sociales pour faire face au problème.

Spiegel Online du 24 septembre dernier fait remarquer que Sarkozy “projette de terminer en juste six mois un processus de réformes similaire à celui qui avait pris des années à être mis en place en Allemagne.”

Une attaque démagogique sur “les privilèges”

Un des stratagèmes préférés de Sarkozy consiste à utiliser le fait que certains ont moins de droits que d’autres et faire ainsi accepter aux travailleurs que leurs droits à eux soient réduits, à soulever les moins chanceux contre les “privilégiés.”

Dans son discours sur le “contrat social” il déclare sur la question des régimes spéciaux de retraite: « C’est une question d’équité. On n’entreprendra pas une troisième réforme des retraites sans les y inclure. Si un métallo ou un enseignant voit sa durée de cotisation passer de 37 ans et demi à 40 ans et demain à 41 ans, comment lui expliquer que celle d'un agent d’une grande entreprise publique devrait rester bloquée à 37 ans et demi, voire moins ? »

Sarkozy reconnaît ici que l’abolition des régimes spéciaux est un préalable essentiel à une nouvelle série d’attaques sur toutes les retraites. Il suggère même avec cynisme que les économies réalisées sur les régimes spéciaux peuvent servir à donner un coup de pouce aux petites retraites.

Sur la question de l’accès aux médicaments, il utilise la même stratégie, en opposant une nationalité à une autre : « Il n’est pas normal que 90% des consultations donnent lieu à une prescription de médicaments, là où cette proportion n’est que de 40% aux Pays-Bas. » Il justifie l’imposition de frais de santé en disant que l’argent ainsi récolté ira aux patients souffrant d’Alzheimer ou de cancer.

On force les malades à payer pour les malades et les retraités pour les retraités, tandis que l’accumulation obscène de richesse par les élites financières augmente grâce à des cadeaux fiscaux s’élevant à quelques 10 à 15 milliards d’euros.

Sarkozy utilise les services des syndicats

Afin d’éviter de subir le même sort que ses prédécesseurs, Sarkozy est déterminé à utiliser les services des syndicats pour imposer ses attaques sur la classe ouvrière. Il sait que ces organisations, nationalistes dans leur façon de voir et totalement attachées au succès des entreprises françaises dans le monde, sont prêtes à tout pour que le capitalisme français reste compétitif.

Par le passé, les syndicats ont régulièrement trahi les grands mouvements de grève en faisant le nécessaire pour qu’ils ne menacent pas le capitalisme français et la stabilité du gouvernement. Mais Sarkozy veut qu’ils aillent encore plus loin. L’état actuel du capitalisme français requiert qu’ils agissent en partenaires directs dans la course au démantèlement de l’Etat providence et des droits du travail.

L’étendue de ce partenariat corporatiste qui s’est développé entre les syndicats et le président français le plus opiniâtrement anti-ouvrier qui soit depuis la Deuxième guerre mondiale apparaît de la façon la plus frappante dans le discours de Sarkozy du 18 septembre. Il a dit clairement qu’il considère les syndicats comme un instrument indispensable à la réalisation de ses objectifs. C’est le sens d’expressions telles « dialogue social », et « partenaires sociaux » qui apparaissent plus de 20 fois dans un discours de neuf pages.

Vers la fin de son discours, le président français a affirmé: « Je veux vous dire que les partenaires sociaux, et plus généralement les corps intermédiaires, seront écoutés, respectés, peut-être plus que cela a jamais été le cas. Ma porte leur est toujours ouverte et elle le restera. Je saisis cette occasion pour dire toute mon estime à ces grands acteurs sociaux : je les connais bien, ce sont des gens de ma génération, c’est-à-dire qu'ils sont assez expérimentés pour avoir constaté les failles de notre système actuel et assez jeunes pour avoir envie de bouger les choses et oser l’innovation sociale. »

Le fait qu’il compte sur les syndicats apparaît clairement dans les propositions concernant le droit des patrons à licencier les travailleurs et l’affaiblissement des garanties statutaires de sécurité d’emploi, une question essentielle au cœur du mouvement anti-CPE (Contrat de première embauche) de l’année dernière.

Sur la question du code du travail et des contrats de travail, Sarkozy a déclaré, « Je suis heureux que les partenaires sociaux se soient emparés de ce thème [licenciements] difficile. Je suis confiant dans leur capacité à dégager des compromis innovants… Quand il y aura eu accord, la loi le reprendra. Là où il n’y aurait pas eu accord, l'Etat prendra les mesures appropriées. Il s'appuiera alors, en concertation avec les partenaires sociaux, sur le bilan des discussions. » Le passage en italiques souligne le mépris de Sarkozy à l’égard de cette même bureaucratie syndicale sur laquelle il compte.

Sur la question de la réduction des droits aux prestations sociales des travailleurs au chômage, Sarkozy a dit, « Les partenaires sociaux sont saisis de la remise à plat du système. »

Dans l’exercice de leurs fonctions de partenaires de Sarkozy, les syndicats appliquent leur tactique bien éprouvée d’usure de l’opposition spontanée à ces attaques massives sur les droits et conditions des travailleurs. La première action proposée est une manifestation nationale à Paris le 13 octobre, prévue au départ comme une protestation par les cheminots contre les suppressions d’emploi et pour la défense de leur régime de retraite. Cet appel a été suivi par l’annonce d’une journée d’action le 18 octobre, un bon mois après les propositions de Sarkozy attendues depuis longtemps.

La conférence du 25 septembre organisée par le syndicat CGT (Confédération générale du travail) dominée par les staliniens, et dont le quotidien du Parti communiste l’Humanité a rendu compte est typique des efforts des syndicats français à étouffer la résistance de masse. L’article déclare, « la mobilisation des salariés est incontournable. » Mais il ne révèle par la suite qu’un désir de freiner le mouvement. Un délégué a déclaré, « il faut prendre le temps de poser les valises, de débattre, de s’expliquer.»

Jean-Christophe Duigou, représentant CGT responsable des retraites a affirmé qu’il faut « prendre la température sociale et construire une réponse syndicale. » Un autre intervenant voulait repousser l’action des cheminots et attendre quelque vague évènement : « Il ne faut pas laisser les cheminots tout seuls il y aura, à un moment ou un autre, un ‘élément déclencheur’.»

Depuis l’élection de Sarkozy en mai dernier, les dirigeants syndicaux sont en consultation constante avec le président. Ces réunions, qui devaient ressembler à un conseil de guerre permanent contre une résistance de masse redoutée face à son programme, seront élargies pour devenir, en octobre, des conférences tripartites (syndicats, patrons et représentants du gouvernement.)

Il reste encore à déterminer ce que la petite armée de bureaucrates et de permanents syndicaux français récolte en retour. Même aujourd’hui, plus de 50 pour cent des finances des syndicats ne proviennent pas des cotisations de leurs adhérents en constante diminution, mais de diverses allocations gouvernementales.

Les groupes de “gauche” tels la LCR (Ligue communiste révolutionnaire) continuent à glorifier les syndicats et à appeler les travailleurs à leur faire confiance pour défendre leurs intérêts.

Les jeunes et la classe ouvrière ne peuvent se défendre contre ces attaques qu’en construisant un parti totalement indépendant de la “gauche” et des bureaucraties syndicales et de leurs acolytes petits-bourgeois, un parti qui se base sur des perspectives socialistes et internationalistes.


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