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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Le militarisme américain menace de provoquer l’embrasement du Moyen-Orient

Par Bill Van Auken
29 octobre 2007

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Suivant de près la mise en garde du président George W. Bush que les pays « intéressés à éviter une troisième guerre mondiale » devraient s’aligner sur Washington et sa campagne croissante de menaces contre l’Iran, la suite d’événements qui est en train de se dérouler est le signe qu’une grande partie du Moyen-Orient et de l’Asie centrale risque d’être plongée dans la guerre et elle contient effectivement le danger d’une nouvelle guerre mondiale.

Six ans après l’invasion de l’Afghanistan et quatre ans et demi après celle de l’Irak, la poursuite et l’intensification des conflits dans ces deux pays ont mis en branle une réaction en chaîne politique aux conséquences incalculables.

Cette situation est en train de déclencher des conflits militaires dans une région qui s’étend des frontières de l’Europe à celles de l’Inde, et qui inclut des pays comme la Turquie, l’Irak, l’Iran, l’Afghanistan et le Pakistan. Elle menace aussi d’impliquer d’autres grandes puissances ayant des intérêts stratégiques dans cette vaste région.

Les conditions sont données pour des confrontations armées qui menacent d’entraîner la mort de centaines de millions de gens et de fait, la destruction de toute la planète.

Il existe tout d’abord le danger d’une extension de la guerre à l’Iran. Pendant le weekend, le vice-président Richard Cheney a poursuivi l’escalade des discours agressifs à l’égard de l’Iran tout en vilipendant et en menaçant aussi la Syrie.

« Le régime iranien a besoin qu’on lui dise que s’il maintient son cours actuel, la communauté internationale est prête à imposer des conséquences sérieuses », a dit Cheney dans un discours prononcé dimanche. « En envoyant ce message clair : nous ne permettrons pas à l’Iran de posséder une arme atomique, les Etats-Unis se joignent à d’autres nations. » Cheney a prononcé ces paroles devant un meeting du Washington Institute for Near East Policy, un « laboratoire d’idées » en vue, dont font partie quelques-uns des principaux architectes de la guerre d’agression contre l’Irak.

Cheney a accusé l’Iran d’être « le sponsor étatique du terrorisme le plus actif dans le monde » ajoutant « notre pays et la communauté internationale dans son ensemble ne peuvent pas rester à ne rien faire alors qu’un Etat soutenant le terrorisme réalise ses plans les plus agressifs. »

Le discours de Cheney, qui rappelle la rhétorique des « armes de destruction massives » qu’il avait employée à l’automne de 2002, dans la période précédent l’invasion de l’Irak, contenait l’implication évidente que Washington se prépare à attaquer l’Iran sous prétexte d’empêcher le gouvernement de Téhéran de poursuivre son programme nucléaire.

Ces menaces ne sont pas proférées dans une situation où Washington aurait réussi, soit en Afghanistan soit en Irak, à réprimer la résistance populaire et à installer des régimes fantoches viables. Bush a été obligé lundi de demander 46 milliards de dollars supplémentaires pour financer des opérations militaires dans ces deux pays où les combats continuent à s’intensifier. Sa demande de fonds porte le total des moyens financiers alloués, pour l’année financière commençant le 1er octobre, à 196 milliards de dollars.

Tant le gouvernement Bush que l’élite dirigeante américaine dans son ensemble ont tiré la conclusion qu’il n’y avait pas d’issue hors des guerres néocoloniales incontrôlables où l’armée américaine s’est empêtrée. L’impact de ces conflits malsains prend sa propre dynamique dans toute cette région. Alors qu’il semble que la politique d’escalade poursuivie à présent par Washington soit pour une certaine part de la folie, ce qui la sous-tend c’est la logique de la crise combinée du capitalisme américain et du capitalisme mondial.

La perspective d’une extension des guerres actuelles cause une profonde inquiétude dans la direction militaire elle-même, comme cela s’est reflété dans les remarques du nouveau chef d’état-major des armées dans une interview publiée lundi dans le New York Times.

Tout en soulignant le fait qu’il avait l’intention d’insister pour que se poursuive l’augmentation du budget de l’armée, le nouveau chef d’état-major, l’amiral Mike Mullen a averti que : « Au moment où je vous parle, nous nous trouvons dans un conflit dans ces deux pays. Il faut que nous fassions incroyablement attention quant au potentiel qui existe de nous trouver entraînés dans un conflit avec un troisième pays dans cette partie du globe ».

Attaques armées sur le territoire iranien

Pour ce qui est de l’Iran cependant, les indices s’accumulent montrant que des opérations armées ont déjà commencé. Citant des sources provenant du ministère de la Défense, le Times de Londres a rapporté dimanche que les « forces spéciales britanniques ont passé la frontière iranienne plusieurs fois ces derniers mois, ce qui fait partie d’une guerre de frontière secrète contre les forces spéciales Al-Quds de la garde révolutionnaire iranienne. »

Selon ce journal, les commandos du SAS britannique, opérant de concert avec les unités spéciales américaines et australiennes ont participé a au moins « une dizaine de combats armés » avec les forces iraniennes dans la région de la frontière. Le Times cite des « nouvelles persistantes de missions d’opérations spéciales américaines à l’intérieur de l’Iran en préparation d’une attaque possible ».

On peut facilement imaginer ce qui arriverait si une de ces unités spéciales était décimée sur le territoire iranien. On affirmerait sans aucun doute qu’elle a été attaquée du côté irakien de la frontière, fournissant ainsi un casus belli pour une attaque américaine.  

Ce même journal rapportait aussi le déploiement de sept avions-espions U2 sur des bases aériennes à Chypre et Abou Dhabi, destinés à la reconnaissance de cibles pour un assaut aérien américain de l’Iran.

Dans l’intervalle, la guerre d’Irak menace elle aussi de s’étendre au-delà de la frontière turco-irakienne ; on rapporte qu’un convoi militaire turc de quelque cinquante véhicules transportant des troupes et des armes a été envoyé dans la région frontière après que des unités de l’armée de guérilla séparatiste kurde du PKK aient mené une de leurs attaques les plus meurtrières depuis dix ans. L’opération de dimanche a entraîné la mort d’au moins dix-sept soldats turcs ainsi que la capture par le PKK de huit autres.  

La semaine dernière, avant cette dernière attaque, le parlement turc avait voté à une écrasante majorité une résolution autorisant le gouvernement turc à envoyer l’armée au-delà de la frontière irakienne pour y attaquer les bases du PKK.

A Londres pour une visite de deux jours, le premier ministre turc, Tayyip Erdogan, a déclaré : « Si un pays voisin fournit un havre au terrorisme… nous avons des droits en vertu du droit international et nous ferons usage de ces droits et nous n’avons pas à demander la permission de qui que ce soit ».

Erdogan a poursuivi en rendant l’invasion et l’occupation américaines de l’Irak responsables de la détérioration de la situation sur la frontière irako-turque et de la menace accrue d’une guerre plus étendue.

« Je ne peux voir aucun succès, a-t-il dit. Il n’y a que la mort de dizaines de milliers de gens. Il n’y a qu’un Irak dont l’infrastructure et la superstructure toute entière s’est effondrée. »

La Turquie est bien consciente du fait que les Etats-Unis ont fermé les yeux sur les opérations du PKK, tout en aidant activement son organisation sœur à mener des attaques terroristes contre l’Iran au nom du séparatisme kurde.

L’attaque la plus récente du PKK a provoqué en Turquie des manifestations de la part des partis d’opposition qui ont exigé des actions militaires. A Ankara, des milliers de gens ont manifesté aux cris de « A bas le PKK et les USA ! »

La décision de la Turquie de riposter menace de plonger dans le chaos la région de l’Irak à laquelle a été épargnée la violence meurtrière qu’on a vue dans le reste du pays.

Si l’intervention néocolonialiste de Washington en Irak déborde au-delà des frontières avec la Turquie et l’Iran, la guerre permanente menée en Afghanistan menace elle, d’allumer un baril de poudre politique au Pakistan voisin.

L’attaque massive à la bombe contre le convoi de Benazir Bhutto jeudi dernier à Karachi et qui a tué 136 personnes et en a blessé des centaines d’autres pourrait bien être le premier coup de feu dans un conflit sanglant et une guerre civile beaucoup plus étendus au Pakistan.

On a fait revenir Bhutto qui avait été déposée comme premier ministre il y a presque une décennie sur des accusations de corruption. Cela fait partie d’un marché arrangé par Washington avec le chef du gouvernement pakistanais, le général Pervez Musharraf ; le but étant de parvenir à un accord de partage du pouvoir capable de sauver le régime pro-américain devant l’agitation populaire croissante, tout en préparant le terrain pour une incursion des forces américaines dans les régions tribales bordant l’Afghanistan, où les talibans se réfugient et où ils jouissent d’un soutien dans la population.

Les implications de l’échec de la tentative des Etats-Unis et de leurs alliés à réprimer la résistance en Afghanistan et de la crise montante au Pakistan ont été exprimées en termes clairs par l’ancien envoyé des Nations unies, Paddy Ashdown, dans une interview donnée à l’agence de presse Reuters.

« Je crois que perdre la guerre en Afghanistan est pire que perdre la guerre en Irak, a-t-il dit. Ce que je veux dire, c’est que le Pakistan tombera et que cela aura des implications sérieuses sur le plan interne pour la sécurité de nos propres pays et cela déclenchera une guerre régionale étendue entre chiites et sunnites à une grande échelle. »

Il a ajouté : « Certains voient dans la Première et dans la Seconde Guerre mondiale des guerres civiles européennes et je pense qu’une guerre régionale semblable pourrait être déclenchée par cela… et atteindre cette ampleur. »

Tensions grandissantes avec Moscou

Une telle évolution risque d’entraîner l’armée américaine dans des pays couvrant un territoire de plus de 2500 miles et allant de la Mer noire à la Mer d’Arabie. Cette région constitue aussi le flanc sud de l’ancienne Union soviétique, représentant une menace de plus en plus apparente pour Moscou qui était le principal destinataire des remarques de Bush sur une troisième guerre mondiale.

Les tensions russo-américaines se sont manifesté jeudi dernier dans une allocution télévisée nationale du président russe Vladimir Poutine dans laquelle celui-ci a qualifié l’intervention américaine en Irak de tentative de saisir la richesse pétrolière de ce pays. Il a fait aussi cette mise en garde que la Russie avait la capacité militaire de prévenir toute tentative américaine de faire la même chose sur son territoire.  

« Dieu merci la Russie n’est pas l’Irak, a-t-il dit. Elle est assez forte pour protéger ses intérêts sur son propre territoire, et dans d’autres régions du monde aussi d’ailleurs ».

L’allocution était accompagnée d’images du lancement par la Russie d’un nouveau missile balistique Topol-M dont on dit qu’il a atteint une cible à des milliers de miles dans l’océan Pacifique.

Poutine a promis d’investir massivement dans la reconstruction de l’armée russe. « Nous ferons attention non seulement à développer la triade nucléaire, mais aussi les autres armes. » Il a averti aussi que si Washington poursuivait son plan de déploiement d’un système de défense missile en Pologne et dans la République tchèque, « nous prendrons certainement des mesures pour réagir et pour assurer la sécurité des citoyens russes ». 

Lorsqu’on a interrogé la porte-parole de la Maison-Blanche, Dana Perino, à propos des remarques de Bush sur une troisième guerre mondiale, celle-ci a insisté pour dire que le président « s’en était uniquement servi comme d’un point de rhétorique ».

Un examen de l’instabilité et des conflits que les interventions de l’armée américaine ont causés dans cette région du monde qui, ce n’est pas un accident, contient la plus grande part des réserves d’énergie restantes dans le monde, montre très clairement que la menace d’un embrasement de bien plus grande ampleur est tout, sauf de la rhétorique.

Sous-tendant cette menace, il y a les intérêts conflictuels des nations capitalistes rivales et, avant tout, les efforts de l’impérialisme américain  pour compenser le déclin économique vis-à-vis de ses rivaux européens et asiatiques en se servant de sa supériorité militaire afin de se saisir de ressources naturelles et de marchés vitaux.

C’est la logique inévitable de la doctrine de la « guerre préventive » développée par Bush et épousée par les sections dominantes de l’élite dirigeante américaine.

Dans ces conditions, le danger que le militarisme américain plonge l’humanité dans une nouvelle guerre mondiale n’est que trop réel, vu que les interventions de plus en plus irresponsables de Washington interfèrent avec les intérêts vitaux des autres puissances importantes.

Il n’y a aucune opposition véritable à un tournant vers une guerre au niveau mondial au sein de l’élite dirigeante américaine. Les démocrates, le soi-disant parti d’opposition, a continué à accorder les fonds pour la guerre en Afghanistan et en Irak et au Sénat, ils se sont alliés aux républicains pour passer une résolution stigmatisant le principal corps d’armée de l’Iran, le qualifiant d’« organisation terroriste » et fournissant par là-même le prétexte politique à une attaque non provoquée d’une nation de plus.  

On ne peut répondre au danger réel et croissant d’une guerre plus étendue, plus désastreuse et menaçant la vie de centaines de millions de personnes, qu’au moyen d’une mobilisation indépendante de la classe ouvrière aux Etats-Unis et internationalement, sur la base d’un programme socialiste qui mette fin à la guerre et au système capitaliste qui l’engendre.  

(Article original publié le 23 octobre 2007)

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