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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La LCR tend un nouveau piège politique à la classe ouvrière

Par Peter Schwarz
10 septembre 2007

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La Ligue communiste révolutionnaire (LCR) réagit à l’effondrement et à la désagrégation du Parti socialiste français en construisant un nouveau parti centriste de droite. Elle cherche ainsi à créer un mécanisme dont la classe dirigeante française a un besoin urgent pour pouvoir contenir la radicalisation grandissante des travailleurs et des jeunes et pour empêcher qu’une nouvelle génération ne se tourne vers le marxisme révolutionnaire.

Le porte-parole de la LCR, Olivier Besancenot, s’est à maintes reprises exprimé dans des interviews donnés à l’occasion de « l’université d’été » du parti à Port-Leucate (Aude) sur les projets de création d’un nouveau parti. Il a souligné que le parti serait un parti « anticapitaliste » et, contrairement à la LCR, ne se réclamant pas du trotskysme.

Il s’agit d’ouvrir un nouveau chapitre dans sa propre histoire, a déclaré Besancenot à l’Agence France-Presse. « L’idée est de ne pas construire un nouveau parti », mais « un parti anticapitaliste pour tous ceux qui veulent construire autre chose que le capitalisme ». La nouvelle organisation « doit être suffisamment vierge politiquement pour agréger d’autres horizons. A nouvelle période politique, il faut un nouveau parti et un nouveau programme. »

Il s’est exprimé de manière semblable dans une interview accordée au journal Le Parisien. « Nous voulons rassembler tous les anticapitalistes et tous les partisans d’un changement de société dans une nouvelle formation », a-t-il dit. « Nous ne proposons ni le ralliement à une LCR bis ni un ravalement de façade. La Ligue communiste révolutionnaire doit désormais être dépassée et tourner une page sans renier son héritage. Mais à nouvelle période politique, nouveau parti. A quoi servirait une formation trotskyste de plus qui s’additionnerait aux deux autres ? Nous sommes plus ambitieux : on ne veut pas se contenter d’un simple changement d’appellation. L’heure n’est pas aux petites révolutions culturelles. »

Le centrisme de droite

Personne ne devrait se laisser berner par le terme « anticapitaliste ». La tâche du nouveau parti consiste à défendre l’ordre bourgeois qui, suite au quasi effondrement des partis socialiste et communiste, a perdu ses principaux instruments de contrôle de la classe ouvrière.

Depuis qu’au printemps dernier, le Parti socialiste (PS) a perdu pour la troisième fois consécutive les élections présidentielles et législatives, il est en chute libre. Ses principaux dirigeants lui tournent le dos pour rejoindre en série le camp du président Nicolas Sarkozy alors que les ailes rivales mènent une guerre au couteau et que le parti en général vire de plus en plus vers la droite. Le Parti communiste français (PCF) autrefois puissant a été réduit au bout de 40 ans à un tout petit parti à la traîne des socialistes.

Dans ces conditions, la classe dirigeante française a de toute urgence besoin d’un parti qui se présente comme suffisamment de « gauche » pour ne pas perdre d’emblée la confiance de la jeune génération tout en étant en même temps capable de contenir et dissiper  la combativité croissante de la classe ouvrière. C’est ce type de parti que veut créer la LCR.

Ce nouveau parti sera ouvert à tous les invalides politiques issus des anciens appareils bureaucratiques et à tout genre de gauchistes et d’esprits confus. Il sera « anticapitaliste, féministe, écologiste et socialiste », peut-on lire dans un appel lancé en juillet par la direction nationale de la LCR qui souhaite « un débat commun avec toutes celles et tous ceux, individus, équipes militantes, courants politiques qui veulent défendre un programme anticapitaliste dans les luttes et aux élections ».

Le terme « anticapitaliste » est suffisamment large pour inclure tout le monde, même une partie importante du camp bourgeois. Après des décennies de chômage de masse, de destruction des acquis sociaux et de polarisation sociale, le capitalisme est discrédité dans de vastes couches de la population au point où tout démagogue politique, indépendamment de la position droitière qui le caractérise, peut se permettre de se prononcer contre le « néo libéralisme », contre le « capitalisme pur et dur » ou contre la « dictature internationale des marchés financiers internationaux ».

Seuls les sociaux-démocrates les plus obtus sont encore prêts à défendre ouvertement le capitalisme. La grande majorité des défenseurs de « gauche » de l’ordre bourgeois se cache aujourd’hui derrière le masque de l’« anti-capitalisme » : des réformistes déçus, des vieux bureaucrates syndicaux, des staliniens vieillissants et les féministes et écologistes mentionnés par la LCR, sans oublier l’extrême droite qui se veut également « anti-capitaliste ».

La définition « anti-capitaliste » est floue et confuse au point de générer un maximum de confusion politique. Il s’agit de la marque classique d’un parti de droite centriste qui en paroles s’identifie au socialisme tout en ayant les deux pieds fermement campés sur le sol de l’ordre bourgeois ; un parti qui abhorre toute clarté idéologique et qui s’oppose au processus de clarification politique qui doit impérativement être en amont de tout mouvement de masse révolutionnaire authentique.

La construction d’un véritable mouvement anti-capitaliste, c’est-à-dire d’un mouvement révolutionnaire, socialiste de la classe ouvrière, ne peut par contre se faire que par une démarcation idéologique et politique permanente du camp bourgeois et de ses auxiliaires opportunistes. Cette construction requiert un parti marxiste qui se fonde sur un programme internationaliste et socialiste. C’est ce que montre l’ensemble de l’histoire du mouvement ouvrier notamment l’expérience de la Révolution d’Octobre en Russie et la Quatrième Internationale.

Mais la LCR rejette de façon véhémente une telle approche. Le nouveau parti ne doit pas être « une avant-garde révolutionnaire élitiste », comme Besancenot le reconnaissait franchement au Parisien. Il doit représenter une orientation nationale. « La nouvelle direction devra donc être à l’image et aux couleurs du pays », a-t-il dit.

L’appel publié par la direction nationale de la LCR souligne également l’orientation nationale du nouveau parti. Cet appel s’adresse à tous ceux « qui veulent se regrouper dans un cadre politique organisé, militant, national et démocratique ».

L’inimitié envers le trotskysme

Le véritable ennemi de ce nouveau parti n’est pas le capitalisme, mais le marxisme révolutionnaire. Alors qu’il s’ouvre largement vers la droite, il accusera inlassablement tous ceux se trouvant sur sa gauche de sectarisme en les combattant le plus férocement possible. Sa tâche la plus importante sera celle d’isoler les trotskystes.

Le mouvement trotskyste dispose d’une vaste expérience avec de telles organisations centristes. La Quatrième Internationale s’est développée dans les années 1930 précisément au cours de la lutte contre le centrisme.

A l’époque, de nombreux travailleurs déçus s’étaient détachés des organisations staliniennes et sociales-démocrates qui avaient été responsables de la terrible défaite endurée par la classe ouvrière allemande et qui avaient capitulé sans lutter devant Hitler. Des organisations centristes tel le SAP (Parti ouvrier socialiste) en Allemagne, le POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste) en Espagne ou le PSOP (Parti socialiste ouvrier et paysan) de Marceau Pivert en France connurent un réel flux d’adhésions. Ils servirent à couper court à l’élan de la classe ouvrière.

En Espagne, le POUM rejoignait même en automne 1936 au plus fort de la révolution, le gouvernement de front populaire de Catalogne, contribuant de ce fait en grande partie à la défaite du prolétariat espagnol.

Le programme de fondation de la Quatrième Internationale caractérise ces groupes d’« accessoires "gauche" de la social-démocratie et de l’Internationale communiste » et qui « ont montré leur incapacité complète à s’orienter dans une situation historique et à en tirer les conclusions révolutionnaires ».

Il est caractéristique que la LCR se distance à présent expressément du trotskysme. Il y a deux raisons à cela. D’abord, la LCR considère que même une simple référence verbale au trotskysme présente un obstacle au projet opportuniste du futur parti.

Ensuite, elle se détache de la tradition trotskyste parce qu’elle veut empêcher à tout prix que la jeune génération qui se radicalise et qui est en quête d’une nouvelle perspective révolutionnaire n’entre en contact avec celle-ci. C’est dans le mouvement trotskyste que les leçons des expériences stratégiques du mouvement ouvrier révolutionnaire du siècle dernier trouvent leur expression la plus concentrée.

La LCR est pleinement consciente de cette question. Besancenot se réfère expressément dans Le Parisien à l’émergence d’« une génération militante, issue par exemple des banlieues et vierge des expériences politiques du passé » et qui, du point de vue de Besancenot, devrait en rester entièrement intacte.

Le bilan politique de la LCR

L’hostilité affichée par la LCR à l’encontre du trotskysme n’a rien de nouveau. En dépit d’affirmations du contraire, la LCR n’a jamais été un parti trotskyste.

L’organisation internationale de tutelle à laquelle elle appartient, le Secrétariat unifié de Michel Pablo et d’Ernest Mandel, avait rompu dès 1953 avec le programme de la Quatrième Internationale en sacrifiant l’indépendance politique de la classe ouvrière à l’adaptation opportuniste aux courants staliniens et nationalistes, de Mao Zedong à Mikhaïl Gorbatchev en passant par le FLN algérien, Fidel Castro, Che Guevara et les sandinistes du Nicaragua. Le Secrétariat unifié porte la responsabilité politique de nombreuses défaites dévastatrices de la classe ouvrière internationale.

La LCR est née dans les années 1960 d’une organisation étudiante stalinienne qui fut exclue par la direction du PCF et qui fusionna ensuite avec la section française du Secrétariat unifié. Elle est marquée bien plus par la tradition nationale du Front de libération nationale FLN, qu’elle soutint activement, que par le trotskysme. Elle a compté dans ses rangs de nombreux membres qui occupent aujourd’hui des positions influentes dans les partis bourgeois, les médias et l’industrie. Quant à Olivier Besancenot qui fut désigné par Alain Krivine, dirigeant de longue date de la LCR, comme son successeur, reconnaît ouvertement n’avoir jamais été trotskyste et respecter autant Che Guevara que Trotsky.

Durant la grève générale et la révolte des étudiants en 1968, la LCR avait glorifié les étudiants comme étant la nouvelle avant-garde révolutionnaire et ainsi contribué à les isoler des travailleurs qui furent trahis par le Parti communiste et la CGT, syndicat dominé par les staliniens. Dans les années qui suivirent, la LCR évolua pour devenir la caution de la « gauche » officielle, l’alliance entre le Parti socialiste et le Parti communiste que François Mitterrand avait initiée au début des années 1970 et qui durant trois décennies et demie devait être le principal pilier du régime bourgeois en France.

La LCR quant à elle, se qualifia souvent de la « gauche de la gauche », une expression pertinente, car elle n’a, en effet, jamais été plus qu’une caution de gauche pour la gauche bourgeoise officielle et la bureaucratie syndicale.

Au début du vingt et unième siècle, ce rôle prit de plus en plus d’importance. Des couches de plus en plus grandes de la classe ouvrière commencèrent à se détourner de la gauche officielle. Les grandes vagues de grèves et de protestations se succédèrent. En 2002, après cinq années d’expérience amère du « gouvernement de gauche » du socialiste, Lionel Jospin, trois millions d’électeurs votèrent en faveur des candidats présidentiels d’extrême gauche, dont 1,2 million pour Olivier Besancenot. Lors de l’élection présidentielle du printemps 2007, Besancenot obtint à nouveau 1,5 million de voix.

La réaction de la LCR face à l’afflux de ces électeurs en quête d’alternative politique a consisté à les renvoyer par retour de courrier à l’adresse des partis bourgeois. En 2002, elle a soutenu au second tour des élections le candidat gaulliste, Jacques Chirac, et cette année la socialiste de droite, Ségolène Royal.

Des années durant la LCR a poursuivi le but de rassembler en un nouveau groupement, le Parti communiste, les socialistes de « gauche » et d’autres organisations se mouvant dans la nébuleuse de la gauche gouvernementale. Pas plus tard qu’en janvier de 2006, le 16ème congrès de la LCR s’était déclaré pour la construction d’un grand rassemblement unitaire qui regrouperait tous les partis et mouvements qui avaient voté « non » au référendum sur la constitution européenne. Prenant comme modèles le parti Rifondazione Comunista en Italie et le Parti des travailleurs (PT) de Lula au Brésil. Dans les deux pays, les sections du Secrétariat unifié ont rejoint ces partis et ont même occupé un poste ministériel au Brésil.

C’est ainsi que la LCR est devenue le principal appui de gauche de l’ordre bourgeois en France. Elle a défendu les bureaucraties syndicales lorsque ces dernières étouffaient les mouvements de grève et a systématiquement cherché à empêcher que les travailleurs et les jeunes écoeurés par la trahison des vieilles organisations ne s’orientent vers une politique indépendante. Elle est directement responsable de ce qu’après dix ans de luttes sociales et politiques ininterrompues, Nicolas Sarkozy, un politicien de droite, ait pu profiter de la défaite de la gauche officielle et de l’absence d’une authentique alternative socialiste, et venir au pouvoir.

Un pas de plus vers la droite

La victoire électorale de Sarkozy est une déclaration de faillite pour la politique de la LCR. Il y a deux ans, lors des protestations contre le Contrat première embauche (CPE) elle avait annoncé que la pression d’en bas forcerait la droite gaulliste à se placer sur la défensive et le Parti socialiste à soutenir les intérêts du mouvement de masse. Au lieu de cela, sous la pression d’en bas le Parti socialiste s’est déplacé davantage encore vers la droite et le Parti communiste ainsi que les autres candidats au rassemblement de gauche de la LCR s’accrochent plus que jamais aux basques des socialistes.

Au Brésil tout comme en Italie la politique du Secrétariat unifié a fait le même naufrage. Le gouvernement Lula est devenu l’enfant modèle du capital international. Rifondazione siège au gouvernement Prodi et soutient ses interventions militaires de par le monde ainsi que ses attaques contre les retraites. Même l’International Viewpoint, l’organe international du Secrétariat unifié, est obligé d’admettre : « Le bilan de la participation du Parti Rifondazione Comunista au gouvernement de coalition centre-gauche mené par Romano Prodi est catastrophique. »

La radicalisation de nouvelles couches de travailleurs et de jeunes se fera en grande partie hors du contrôle des vieux appareils bureaucratiques. La LCR craint d’être laissée pour compte si elle persiste à faire campagne en faveur d’une alliance avec les organisations discréditées se trouvant dans la nébuleuse du Parti socialiste. De là sa détermination à créer une nouvelle organisation.

« On est à un moment où il faut tourner la page et on mise sur une nouvelle génération, » a déclaré Alain Krivine, le dirigeant de longue date de la LCR au journal Libération. « Il ne s’agit pas de rejeter tous les vieux camarades, mais la reconstruction ne viendra pas des ex, ex-LCR, ex-PC, ex-PSU… »

Le même journal cite Besancenot : « Les choses étant bloquées par le haut, on essaie par la base. On ne va pas mettre Buffet, Laguiller et Bové [les dirigeants du PCF, de Lutte ouvrière et du mouvement altermondialiste] autour d’une table, mais parler aux anonymes des quartiers populaires et aux collectifs locaux. »

Indirectement, de par cette initiative en faveur d’un nouveau parti la LCR reconnaît que la classe ouvrière s’est largement déplacée vers la gauche, et réagit, quant à elle, en conséquence par un autre virage à droite. Elle ne veut plus soutenir et couvrir plus longtemps la trahison des vieilles organisations, mais tient à reprendre à son propre compte leur rôle, en envisageant une éventuelle participation à un gouvernement bourgeois.

Dans l’interview accordée au Parisien, Besancenot considère expressément cette possibilité : A la question : « Cette nouvelle formation a-t-elle vocation à tisser des alliances, avec le PS par exemple ? » il répondit : « Soyons clairs, le pouvoir ne nous fait pas peur. »

Besancenot affirme que la nouvelle initiative entame un nouveau chapitre de l’histoire de la LCR. En réalité, l’organisation tente d’effacer ses traces. Et le fait que Besancenot qualifie le nouveau projet de « vierge politiquement » est bizarre. Pour un parti qui s’est prostitué pendant quarante ans devant des partis politiques bourgeois qui ont à maintes reprises poignardé la classe ouvrière dans le dos, cette définition est tout à fait mal à propos.

Le World Socialist Web Site s’opposera résolument à la tentative de la LCR de poser un nouveau piège à la classe ouvrière. Il critiquera et exposera sans relâche les manœuvres de la LCR, en informant ses lecteurs sur le riche héritage politique et la perspective de la Quatrième Internationale, et intensifiera la lutte pour la construction d’un authentique parti trotskyste en France en tant que section du Comité international de la Quatrième Internationale.

(Article original paru le 6 septembre 2007)


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