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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: Un maire communiste fait appel à la police contre des sans-logis

Par Kumaran Rahul et Pierre Mabut
22 septembre 2007

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Aux premières heures du 6 septembre, dans la municipalité d’Aubervilliers au nord de Paris, les CRS ont brutalement délogé plus de 80 familles de sans-logis installés sur une place du quartier de la Maladrerie où elles avaient monté leurs tentes en face d’un établissement scolaire.

Aubervilliers, municipalité de 63 000 habitants, est administrée par le Parti communiste (PC) et ses alliés du Parti socialiste (PS) et des Verts. Le PC a ordonné que les squatteurs, en majorité d’origine ouest africaine, tous en situation régulière, soient délogés de leur campement. Cinq familles qui avaient été expulsées en juin dernier de leur squat dans un HLM avaient lancé cette action et avaient rapidement été rejoints par 100 autres sans-logis. Ce campement installé dans la rue durait depuis deux mois.

La police a démonté les tentes après que la municipalité ait obtenu une décision d’expulsion au tribunal de Bobigny « pour trouble à l’ordre public ». La raison invoquée par les élus staliniens du conseil municipal était la proximité de l’école Joliot-Curie. Le maire adjoint, Lucien Marest déclarait, « l’occupation de cet espace devant l’école était un problème pour les enfants, pour les parents d’élèves, au moment de la rentrée scolaire ».

Après l’échec d’une première expulsion, les squatteurs se sont regroupés et ont réinstallé leur campement, mais ont été expulsés à nouveau par la force dans la nuit du 7 au 8 septembre. Les squatteurs étaient soutenus dans leurs efforts par le DAL (l’association Droit au logement.) Le DAL a rapporté que des squatteurs avaient été attaqués et qu’une femme enceinte de trois mois avait été hospitalisée. Jean-Baptiste Eyraud, président du DAL, a dit, « On ne dit pas que la municipalité communiste doit assumer seule le relogement… on aimerait juste qu’elle prenne les devants non pas pour expulser, mais pour faire avancer des négociations. ».

Cette attaque de la municipalité et de la police contre la section la plus vulnérable de la population a fait les gros titres des journaux lorsque la secrétaire d’Etat chargée des droits de l’Homme du gouvernement droitier de Nicolas Sarkozy (UMP, Union pour un mouvement populaire), Rama Yade s’était rendue sur les lieux après l’attaque pour apporter son « soutien », car elle « ne pouvait pas rester sourde à ces sollicitations » de la part des groupes venant en aide aux squatteurs. Le premier ministre François Fillon a immédiatement condamné son initiative, disant que, « à l’avenir ce type de démarche devrait faire l’objet d’une concertation avec ses collègues du gouvernement », tout en excusant son acte comme étant une « gaffe ….liée à son inexpérience ». Cependant, il a reconnu ne pas regretter la présence dans son gouvernement de Yade. Rama Yade, jeune femme de 31 ans, issue d’une famille bourgeoise sénégalaise, avait dit avoir rejoint l’UMP du fait du « charisme » du président Sarkozy.

Madame Yade a cherché à tirer un avantage politique de la situation difficile des squatteurs en montrant du doigt la position réactionnaire du PC sur la question des sans-logis. Elle a dit que le PC était « bien mal placé pour nous faire la morale et nous donner des leçons sur le logement. » Quelle que soit la compassion de Yade à l’égard des squatteurs, le conseil municipal l’a accusée d’avoir monté une « provocation » à motivation politique et a déclaré que le « soutien affirmé aux squatteurs est une remise en cause d’une décision de justice prise par un juge indépendant ». (Libération, 7 septembre 2007)

La municipalité d’Aubervilliers cherche à détourner l’attention sur le fait qu’elle a foulé aux pieds les droits des sans-logis en mettant en avant la situation locale et en citant son bilan en matière de logement. Quarante pour cent de son parc de logements sont des HLM (habitation à loyer modéré), comparé aux 2 pour cent à Neuilly sur Seine, la ville bourgeoise de Sarkozy et ce, bien que la loi stipule que chaque municipalité est tenue de réserver 20 pour cent de ses constructions à des HLM.

Le conseil municipal PC mentionne ensuite les 3 800 personnes sur liste d’attente pour un logement, et qui, d’après lui seraient injustement pénalisées par ces squatteurs refusant d’attendre leur tour. Le maire adjoint Lucien Marest d’expliquer, « Ensuite, il y a la question d’attribution du logement social. Elle se fait selon une procédure démocratique, en fonction d’un ordre d’inscription sous la responsabilité de la préfecture, de la ville. Or depuis plusieurs années des réseaux mafieux repèrent les logements sociaux que leurs locataires viennent de quitter, qui sont vides le temps de réaliser quelques travaux avant d’accueillir de nouveaux occupants. Et contre financement — jusqu’à 1500, 1700 euros — ils explosent les portes et installent des familles. Celles-ci réclament alors de rester. Mais à Aubervilliers, 3000 demandeurs de logements attendent. Si on acceptait de céder à cette méthode, cela deviendrait la loi de la jungle. Et ce serait au détriment des plus pauvres. » (L’Humanité, 8 septembre 2007)

Le quotidien du Parti communiste stalinien, l’Humanité, rapporte sans les commenter, des calomnies selon lesquelles les squatteurs auraient des liens avec la mafia. Ce n’est pas une première dans les annales du stalinisme. La lutte pour les droits démocratiques de tous les travailleurs, squatteurs compris, est subordonnée, dans ces municipalités, à l’effort pour surpasser les dirigeants UMP dans le maintien de l’ordre « républicain. » Leur objectif est de dresser les gens qui subissent en silence, contre ceux qui osent défier le statu quo.

Toujours est-il que ceux qui attendent patiemment de l’Etat qu’il les reloge risquent d’être à nouveau déçus. Il semble que la nouvelle loi, qui prétend donner le droit à toute personne sans logis d’obliger la municipalité à lui trouver un logement sous peine de sanction légale, est sur le point d’être affaiblie.

La loi sur le Droit au logement opposable, votée il y a six mois, était une réponse aux centaines de SDF (sans domicile fixe) qui avaient monté des tentes le long du canal St Martin à Paris durant la période de Noël l’an dernier. Ce mouvement lancé par l’association « Les enfants de Don Quichotte » s’était achevé par des promesses de relogement ainsi que cette nouvelle loi. Cette loi, à présent étoffée par des décrets ministériels publiés par la ministre du Logement Christine Boutin « risque d’être vidée de sa substance » (Le Monde, 10 septembre 2007). Toute demande de logement sera examinée « au regard des circonstances locales ». Christophe Robert de la fondation Abbé Pierre en faveur des sans-logis a averti que « si la mise en application du dispositif est modulée en fonction de l’état du marché locatif, la loi risque de ne pas jouer le rôle de levier que l’on attendait d’elle ». Robert avait participé au travail du Comité de suivi de la mise en œuvre de la loi.

La lutte des squatteurs d’Aubervilliers s’est achevée le 10 septembre après un accord imposé par la préfecture de Seine-St-Denis. Elle a accepté de reloger les cinq familles expulsées qui avaient lancé l’action à condition qu’elles paient les indemnités d’occupation dues au bailleur de la propriété qu’elles avaient squattée. Une enquête examinera les possibilités de logement pour 27 autres familles menacées d’expulsion de leur squat. Les dossiers de 40 autres familles ayant participé au squat seront aussi examinés. Ces « propositions » ne valent « que pour les familles en situation régulière [et]… à l’évacuation immédiate du campement » de la Maladrerie.

Le manque de logements décents est tel que d’autres luttes désespérées vont inévitablement éclater. D’après la fondation Abbé Pierre, 3 millions de personnes sont mal logées (dans des conditions insalubres) parmi lesquelles on compte 86 000 SDF (chiffre de 2002). Pendant ce temps, ce chiffre est en train de monter en flèche. Le nombre de bâtiments vacants en France s’élève à 2 millions, dont 136 554 uniquement à Paris. La demande de relogement d’urgence pose la question de la réquisition des logements inoccupés, autorisée selon une loi de 1945, mais qui est volontairement ignorée par les mairies PS et PC, qui ne souhaitent aucunement remettre en question la propriété privée bourgeoise.

La réquisition était l’une des demandes centrales des « 1000 de Cachan » lors de leur lutte pour un logement décent l’année dernière. La lutte des quelque 600 sans-logis qui avaient été expulsés par la force de leur squat dans une résidence universitaire inoccupée et qui s’étaient réfugiés dans un gymnase municipal, avait aussi été brisée et contrecarrée par l’action combinée de conseillers municipaux et militants de « gauche » et des groupes de pression anti-racistes et pour le logement, avec le concours du ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy. (Voir :  Les squatteurs de Cachan ont accepté, sous la pression, d’être dispersés).

La « gauche » et ses alliés de la soi-disant « extrême-gauche » sont clairement embarrassés par la mauvaise publicité du squat d’Aubervilliers qui a montré comment la « gauche » traite les sans-logis au niveau local. Le recours à l’intervention policière pour résoudre des questions sociales est tout à fait dans la ligne du gouvernement actuel du président Sarkozy et de sa campagne visant à rapatrier de force 25 000 immigrés cette année.

La Ligue communiste révolutionnaire (LCR) est venue prendre la défense de la municipalité PC. Dans un communiqué de presse, elle reproche timidement les méthodes utilisées par les staliniens. L’accès au logement, dit la LCR, « est un droit fondamental pour tous, quelles que soient les origines et la nationalité. Si les municipalités ne peuvent pas répondre seules à toutes les demandes, il est inadmissible que celles gérées par des accords PCF-PS-Verts, comme à Aubervilliers demandent l’expulsion des familles pour solde de tout compte. »

Le ton était très différent il y a un mois quand le maire UMP d’Argenteuil avait demandé à des balayeurs de répandre une substance répulsive nauséabonde dans les issues de secours d’un grand centre commercial d’Argenteuil où une dizaine de SDF s’étaient installés. La LCR avait dénoncé cette mesure comme « des coups tordus contre les libertés démocratiques »… « La droite de Sarkozy, c’est désormais la répression plus la répulsion. Indignés par de telles méthodes, la LCR et son porte-parole Olivier Besancenot exigent la démission de Georges Mothron et de son adjoint Philippe Métezeau. » Ces sentiments d’indignation ne sont pas allés jusqu’à appeler à la démission du maire PC d’Aubervilliers. « L’unité de la gauche » est plus importante pour la LCR que toute lutte pour défendre les droits démocratiques des travailleurs.

Les municipalités de « gauche », qui depuis des décennies président à la pénurie de logements décents sont aussi coupables que les conservateurs de l’UMP dans leur déni des droits démocratiques. L’expérience d’Aubervilliers, comme celle de Cachan, prouve une fois de plus que l’unique alternative à l’économie de marché en matière de logement est la mobilisation de tous les travailleurs pour une politique socialiste du logement et la fin de la spéculation immobilière. Le déclin électoral du PC et du PS reflète la méfiance croissante face à leur politique pro-capitaliste. Les expulsions policières ordonnées par le PC et le PS ne feront qu’accentuer cette tendance.


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