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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le gouvernement albanais met en place un système de taxe forfaitaire

Par Markus Salzmann
29 septembre 2007

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Le gouvernement albanais a décidé d’un taux de taxe forfaitaire de 10 % dans le but de contrecarrer ses concurrents est – européens et d’attirer des investisseurs internationaux. Le gouvernement de Tirana souhaite faire de cet état appauvri des Balkans un paradis pour les compagnies multinationales et pour les spéculateurs occidentaux.

Dès le début de l’année prochaine, les impôts sur les sociétés vont passer de 20 à 10 %. Le taux de base des impôts sur le revenu, qui s’élevait à 5% pour les revenus moyens et à un maximum de 25% pour les gros revenus, ont déjà été modifiés le 1er août 2007  pour un taux unique de 10% pour tous les revenus.

Mais même cela ne suffit pas. En août, le chef du gouvernement, Sali Berisha, a annoncé que l’état mettrait à la disposition des investisseurs étrangers des terrains industriels au prix symbolique de 1 euro.  Des concessions pour les services publics indispensables comme les services de santé, d’éducation, d’évacuation de l’eau et des déchets, comme les infrastructures, l’énergie et la production de matériaux de base – vont aussi être liquidées pour un euro symbolique.

Si un investisseur potentiel était cependant dissuadé par quelque tarif encore existant, le gouvernement albanais est prêt à faire encore plus de concession. Une loi concernant les zones de commerce étrangères est en préparation et devrait être votée par le parlement albanais en octobre 2007.

Les représentants du gouvernement répètent sans cesse que la réforme du système des impôts bénéficie au pays. La venue des investisseurs étrangers en Albanie devrait augmenter les apports des taxes, tout en augmentant la transparence en apportant une alternative aux entreprises qui fonctionnent en dehors du cadre légal et en dehors de la structure d’imposition du pays.

En fait, rien de tout cela n’est vrai. La division par deux des impôts sur les sociétés conduira de façon inéluctable à d’importants déficits  dans le budget du pays, qui manque  déjà  chroniquement de financement du fait d’un taux de chômage élevé et de fraude fiscale largement répandue. L’état a déjà retiré sa participation financière de presque tous les services publics tels la santé, l’éducation, et l’infrastructures). Tout nouveau déclin du budget national ne peut que détériorer cette situation.

Les principales victimes de cette réforme vont être ceux qui vivent de revenus modestes. L’augmentation de 5% à 10% pour les contribuables à bas revenus veut dire que ce sont ces contribuables qui vont financer les réductions fiscales pour les sociétés et pour les contribuables aux revenus élevés. En même temps, ce sont les bas salaires qui vont souffrir le plus des conséquences sociales de la baisse des recettes fiscales.

Seize ans après l’introduction des réformes de l’économie de marché, l’Albanie ressemble déjà à une friche économique et sociale. Les quelques rares compagnies industrielles albanaises ont été vendues à bas prix au plus offrant et toute espèce d’aide sociale n’existe qu’en théorie.

Les statistiques officielles du chômage affichent un taux de 10 à 15%. Ces chiffres sont largement inférieurs à la réalité parce qu’ils comprennent seulement une minuscule partie de ceux qui reçoivent le peu d’aide donné aux plus nécessiteux. Si l’on appliquait les  critères prévalant en Europe occidentale, le total réel du chômage se chiffrerait entre 45 et 50 %.

Pour survivre, de nombreux Albanais se voient contraints de travailler dans ce qu’on appelle  le secteur parallèle, où ils travaillent au noir dans le domaine de la construction, des transports, du ménage, comme marchands ambulants ou dans d’autres emplois. On estime que 30% de la population active est concernée par ces emplois. En même temps, le nombre d’Albanais qui tentent leur chance à l’étranger est en augmentation. L’argent envoyé à leur famille par des Albanais travaillant à l’étranger dépasse actuellement le total des recettes apportées par les exportations albanaises.

Les travailleurs qui ont un emploi et paient l’impôt doivent vivre grâce de salaires de misère. Un enseignant gagne en moyenne 150 euros par mois tandis qu’un ouvrier d’usine gagne entre 80 et 120 euros par mois. Un retraité doit « vivre » de 50 euros par mois, alors que les prix pour les biens et les services augmentent sans cesse et sont souvent comparables à ceux pratiqués en Europe occidentale. Au début de ce mois, le Premier Ministre, Sali Berisha a annoncé une augmentation de 57% du prix de l’électricité.

Les institutions publiques sont désespérément dépassés et sont peu financées .Une partie importante de la population n’a pas accès à un service d’éducation et de santé adéquat. Dans la plupart des cas, les soins hospitaliers ne sont possibles que contre paiement de pots de vin, et il y a deux ans, l’Albanie tenait l’avant dernière place sur la liste des pays d’Europe les plus corrompus.

Le secteur agricole albanais est également dans une situation catastrophique et les réformes agricoles passées au début des années 90 ont eu des conséquences désastreuses. Dans les années 80, la part de l’agriculture dans le produit intérieur brut se chiffrait autour de 40%. Actuellement, ce taux se chiffre à moins de 4%. Aujourd’hui, les personnes qui vivent dans les zones rurales doivent se suffire à elles-mêmes.

La politique fiscale du gouvernement a attiré des  multinationales qui attendent des profits  importants de l’exploitation des matériaux bruts et d’une main d’œuvre bon marché.  La société britannique MedOil, ainsi que la société Steamoil Gas Limited veulent établir de nouveaux sites extensifs pour de nouveaux forages pétroliers. D’après les chiffres officiels, en Albanie, les réserves non sondées équivalent à 1.8 milliards de barils.

MedOil a acquis les droits sur les champs pétrolifères pour les 30 prochaines années. Le contrat passé avec le gouvernement albanais stipule que seulement 10% de la totalité des bénéfices réalisés restent dans le pays. D’autres sociétés comme la Canadian Bankers Petroleum ou l’Occidental Petroleum sont présentes depuis plusieurs années en Albanie. Des compagnies d’Europe de l’ouest, surtout des compagnies allemandes ou autrichiennes voient de grands potentiels dans le secteur albanais de la construction et des banques et augmentent sans cesse leurs investissements.

Des cliques rivales

Comme c’est le cas dans un certain nombre de pays d’Europe de l’Est, l’Albanie est dirigée par une petite clique corrompue qui est directement issue de l’ancienne bureaucratie stalinienne et qui s’est partagée les biens publics du pays. En même temps, cette clique se caractérise par des querelles et des conflits internes pour s’attribuer la plus grande part possible du gâteau. Ceci concerne aussi bien le PSA (Parti socialiste albanais), issu en 1991 du parti d’état stalinien, le Parti Communiste (PPSH),  que le Parti démocratique dirigé par l’actuel Premier Ministre, Sali Berisha.

Berisha  personnalise tout à fait la classe dirigeante albanaise corrompue et pervertie et la population albanaise a souffert à plusieurs reprises de sa brutalité et des conséquences de sa politique libérale droitière.

Berisha était un haut fonctionnaire du parti qui dirigeait le pays et il était en même temps le médecin personnel du dictateur stalinien, Enver Hoxha qui a dirigé le pays jusqu’à sa mort en 1985. En 1990, lors des émeutes estudiantines qui ont amené la chute du pouvoir stalinien, Berisha avait essayé de calmer les étudiants révoltés en discutant avec eux. C’est à ce moment là que Berisha, comme tant d’autres bureaucrates d’Europe de l’Est, était rapidement devenu un anti-communiste acharné et un défenseur de l’économie de marché.

Par la suite, Berisha avait alors fondé le Parti démocratique (PD) pour concurrencer le PSA. En dépit de leur rivalité féroce, il y a peu de différence entre les deux partis qui, en s’alliant successivement avec d’autres partis moins importants ont dominé la scène politique albanaise. Ces partis ont tous deux ont promu le processus de « réformes » politiques et économiques après 1991.

En 1992, Berisha avait pris la place de Ramiz Alia (PSA) à la présidence. Avec le Premier Ministre Alexander Meksi (PD), il avait entrepris de saigner à blanc un pays qui était déjà en retard sur le plan économique et social.  Ce processus avait atteint son point culminant au milieu des années 90, époque où Berisha apporta son soutien à des sociétés financières douteuses qui avaient détourné le plus gros des économies des Albanais vers leurs propres coffres par l’intermédiaire de prétendues «  placements  pyramides ». Ces placements à haut risque qui, au début de 1997, avaient perdu toute valeur en pratiquement une nuit et qui avaient anéanti une somme estimée à un milliard et demi d’euros avaient été louées par le gouvernement quelques années auparavant comme un moyen rapide et sûr de s’enrichir et de prospérer.

Après l’éclatement de la bulle financière les Albanais étaient descendus dans la rue dans tout le pays. Des mairies avaient été incendiées et des casernes attaquées et pillées. En mars 1997, Berisha avait imposé l’état d’urgence et il avait accepté la démission du gouvernement Meksi. Puis, au cours de la même année il avait perdu la présidence au profit de Rexhep Meidani (PSA). La classe dirigeante n’avait finalement réussi à réprimer la révolte qu’avec l’aide de l’armée italienne.

Huit ans plus tard, Berisha et le PD sont revenus aux affaires après que le Parti socialiste albanais ait perdu toute crédibilité. Le PSA avait scrupuleusement suivi la politique dictée par le FMI et par la Banque Mondiale, politique qui imposait la privatisation des rares entreprises albanaises rentables, la diminution des aides sociales et des salaires. Les Sociaux démocrates – tout comme les Démocrates – étaient déterminés à entrer dans l’OTAN et dans l’Union européenne et en même temps à ouvrir le pays à la finance internationale.

La dernière grande dispute entre les deux grands partis a eu lieu il y a tout juste quelques semaines. Fin juillet, le bras droit de Berisha au sein du PD, Bamir Topi, a été élu Président par le parlement, au cinquième tour de scrutin. Parmi les votes pour Topi, on trouvait ceux de six députés dissidents du PSA qui ont été très vite accusés par le président du PSA, Edi Rama, de se laisser compromettre.

Berisha a salué la victoire électorale de son candidat en déclarant : « C’est une grande victoire  pour tous les Albanais qui voient leur avenir en l’intégration dans l’OTAN et dans l’Union européenne. » Des messages de félicitations ont également été envoyés du Kosovo voisin dont le président Ratmit  Sedjiu a vu en la victoire de Topi un signal clair en faveur de l’indépendance du Kosovo démarche soutenue par l’Union Européenne.

La compétition fiscale

L’Albanie est loin d’être le seul pays à prendre des mesures de baisse de la fiscalité à l’attention des sociétés et des contribuables les plus aisés. Ces mesures sont la conséquence d’une compétition féroce entre les états aussi bien en Europe de l’est qu’en Europe de l’ouest et visent à créer les  conditions les plus favorables possibles pour les spéculateurs  étrangers et pour les riches.

Dans les années 90, lors de ce qu’on appelle « la première tournée », les Pays Baltes avaient entrepris de baisser radicalement l’imposition des sociétés et des revenus, en introduisant un taux d’imposition de 20 à 29%. Ces états – mise à part certaines « zones économiques spéciales » avaient souffert d’un manque d’intérêt de la part des sociétés étrangères qui trouvaient que les taux d’imposition restaient encore trop élevés.

La « deuxième tournée » de réductions avait été initiée par la Russie en 2001. La Serbie avait suivi en 2003 avec l’introduction d’une taxe forfaitaire de 14%. En 2005, l’Ukraine, la Slovaquie, la Géorgie et la Roumanie avaient pris les mêmes mesures.

La « nouvelle tournée » a maintenant commencé avec des réductions fiscales en République Tchèque et en Albanie. Actuellement, d’autres réductions fiscales sont en pourparlers en Bulgarie, en Croatie et dans d’autres pays.


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