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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

Des frappes aériennes américaines tuent des civils dans l’ouest de l’Afghanistan

Par James Cogan
28 août 2008

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Dans ce qui est l’une des pires atrocités de l’occupation de l’Afghanistan menée par les États-Unis, plus de 90 civils furent massacrés par une frappe aérienne américaine vendredi dernier dans la province de l’ouest de l’Afghanistan, d’Herat.  Au moins 60 des victimes étaient des enfants de moins de 15 ans, selon les sources gouvernementales et militaires afghanes.

Le massacre a été perpétré par ce qui est, pour une population sans défense au sol, l’un des avions de guerre les plus terrifiants de l’arsenal américain, un AC-130 « spectre » Gunship. Équipé d’une mitrailleuse Gatling de 25 mm, d’un canon de 40 mm et d’un canon howitzer de 105 mm, il est conçu pour dévaster les cibles exposées avec un torrent de balles et de bombes.

Les victimes faisaient partie d’une foule qui s’était réunie dans le village d’Azizabad – une communauté située près d’une base aérienne gouvernementale de Shindand, à quelque 120 kilomètres au sud de la ville de Herat – pour la commémoration du 40e anniversaire de la mort d’un dirigeant local. Plusieurs des hommes du village travaillent comme agents de sécurité à la base aérienne.

Comment ont-ils pu être la cible des avions de guerre américain est encore une question non résolue, empêtrée dans des rapports contradictoires.  Selon les militaires américains, une opération était en cour contre un groupe rebelle dirigé par un homme appelé Mullah Siddiq. Il est allégué que les troupes afghanes avaient été prises dans une embuscade en route pour intercepter Siddiq. Elles ont apparemment réussi à se libérer en luttant et poursuivirent leurs assaillants jusqu’à Azizabad, où elles appelèrent en renfort les AC-130 pour dévaster le village. 

Le rapport initial rendu public par les militaires américains mentionnait qu’ils avaient attaqué avec succès une rencontre de militants taliban dans la province d’Herat, en tuant au moins 30. La vérité émergea lorsque des autorités locales du district d’Herat, du personnel militaire afghan, des travailleurs humanitaires, des journalistes et finalement un important ministre du gouvernement du président Hamid Karzai, visitèrent les lieux.

Vendredi soir, le ministre de l’Intérieur afghan émit une déclaration selon laquelle « 76 personnes, toutes civiles et pour la plupart des femmes et des enfants sont devenues des martyres… 19 femmes, 7 hommes et le reste des enfants de moins de 15 ans ». Karzai, qui a souvent protesté contre les frappes aériennes américaines effectuées à l’aveuglette, a publié son propre communiqué, condamnant les forces d’occupation pour avoir « martyrisé au moins 70 personnes, la plupart des femmes et des enfants ».

Raouf Ahmedi, un porte-parole de l’armée afghane, a dit au Washington Post que les représentants officiels qui sont allés à Azizabad samedi, ont compté 60 enfants et 19 femmes parmi les morts. « Nous n’avons pas trouvé d’indications démontrant qu’ils étaient des talibans », a-t-il dit. Un caméraman de l’Associated Press rapporte avoir vu une vingtaine de maisons détruites et compté 20 tombes fraîchement creusées, dont certains contenaient plusieurs corps.

Des gens provenant des différentes régions du district manifestèrent samedi à Azizabad, avec des bannières « mort à l’Amérique ». Ils auraient mis le feu à une voiture de police et lancé des pierres aux troupes gouvernementales qui tentaient de distribuer de la nourriture et des vêtements aux survivants. La police aurait tiré dans la foule pour la disperser, blessant au moins huit personnes.

Ghulam Azrat, le directeur de l’école local, a raconté à l’Associated Press : « Les gens étaient très en colère, ils disaient aux soldats : ‘Nous n’avons pas besoin de votre nourriture. Nous ne voulons pas vos vêtements. Nous voulons nos enfants. Nous voulons notre famille. Pouvez-vous nous les redonner ? Vous ne pouvez pas, alors allez-vous-en. »

Dimanche, le nombre de morts résultant de la frappe aérienne avait été révisé à la hausse. Le ministre des affaires islamiques Nematullah Shahrani a raconté à l’Agence France Presse : « Nous sommes allés dans la région et avons trouvé que le bombardement avait été très intense, beaucoup de maisons ont été endommagées et plus de 90 non-combattants, incluant des femmes, des enfants, et des personnes âgées sont morts. La plupart sont des femmes et des enfants. Ils [les militaires américains] avaient prétendu que des talibans étaient là. Ils doivent le prouver. À ce point-ci, il n’est pas clair pour nous pourquoi la coalition a mené cette attaque aérienne ».

Alors que le mot massacre se propageait à travers l'Afghanistan, Karzai tentait de diffuser les manifestations d'opposition envers l'occupation américaine en congédiant le commandant en chef militaire de l'ouest de l'Afghanistan et le chef du commando qui avait lancé l'appel pour les frappes aériennes. Référant aux fausses allégations selon lesquelles des talibans avaient été tués, Karzai déclara que les deux avaient été congédiés pour négligence et pour avoir caché les faits.

Un porte-parole de l'administration Bush, Tony Fratto, publia un communiqué samedi, qui refusait toujours de reconnaître que les militaires américains avaient massacré des civils. Fratto déclarait: « Ces rapports sont examinés et nous allons en examiner les résultats.» Dans des mots pleins de cynisme, il ajouta: «  Les forces de la coalition prennent des précautions pour éviter la perte de civils, contrairement aux talibans et aux militants qui visent les civils et les placent en position dangereuse.»

Un communiqué de presse du quartier général militaire américain nota simplement que « nous sommes au courant d'allégations que l'engagement dans le district de Shindand de la province d'Herat peut avoir mené à la mort de civils. »

Le massacre d'Azizabad n'est qu'un incident particulièrement éloquent dans la mort et les blessures infligées aux civils par les Américains et l'OTAN. Malgré la propagande selon laquelle des 'précautions' sont prises et l'observation de règles d'engagement sévères, les forces d'occupation répondent aux attaques des insurgés dans des zones densément peuplées avec une puissance de tir nettement supérieure s'appuyant lourdement sur des frappes aériennes pour empêcher le mouvement des talibans dans les régions rurales.

Comme de plus grandes régions d'Afghanistan tombent sous le contrôle des talibans, les frappes aériennes sont de plus en plus aléatoires. Tout mouvement de grand groupe de personnes dans la campagne ou rassemblement dans un village est considéré comme suspect par les cribleurs assis en toute sécurité dans une base à examiner quantité d'images satellites à la recherche de cibles potentielles pour les pilotes volant dans le ciel afghan. Les célébrations de mariage ont été attaquées de manière répétée au cours des six dernières années – la plus récente étant le bombardement le 6 juillet d'un mariage à Nangarhar, dans lequel 47 personnes ont été tuées, incluant la mariée.

Plus de 1000 civils ont été tués jusqu'à maintenant cette année en Afghanistan, dont près de 400 peuvent directement être attribués aux forces d'occupation. Les autres sont dénoncés par l'ONU comme étant le résultat d'attaques suicides, l'explosion de bombes et autres activités menées par les talibans.

Le nombre véritable de morts de civils est probablement beaucoup plus élevé. Dans les régions intensément bombardées durant les offensives majeures des États Unis ou de l'OTAN, certaines des morts n’ont certainement pas été rapportées. Il y a aussi de bonnes raisons de soupçonner que plusieurs des quelques milliers d'insurgés allégués qui ont été tués cette année étaient en fait des non-combattants pris dans le feu croisé.

Marasme grandissant

La sensibilité de personnages comme Hamid Karzai découle de leur reconnaissance que chaque rapport de la mort d'un innocent alimente la haine générale ressentie par des millions d'Afghans à l'égard des forces d'occupation dirigées par les États Unis. De plus, cela accentue l'opposition envers le gouvernement fantoche de Kaboul, qui est largement considéré comme un régime corrompu et inefficace à la solde des États Unis.

Avec un appui populaire croissant, les talibans et les autres milices opposées à l'occupation et basées sur les tribus de la zone frontalière d'ethnie pachtoune du Pakistan ont recommencé à avoir de l'influence et du contrôle sur de larges zones des provinces habitées par les pachtounes du sud et de l'est de l'Afghanistan.

Le nombre de morts du côté des forces d'occupation augmente et l'insurrection augmente en grandeur et en étendue. Le nombre de morts pour les États-Unis et l'OTAN en 2008 est actuellement de 194 – déjà le deuxième plus élevé nombre de morts pour une année, et si la tendance se poursuit, il va dépasser le record de 232 morts de l'an dernier.

 Le nombre de morts du côté de l'armée et de la police afghanes, plus pauvrement équipées, est beaucoup plus élevé. Le ministre de l'Intérieur rapportait plus tôt en août que 600 policiers avaient été tués et plus de 800 blessés dans les mois précédents. Il n'y a aucun chiffre de comparaison concernant les morts du côté de l'armée, mais on en rapporte quasiment à chaque semaine entre 10 et 20 morts dans les troupes afghanes.

Actuellement, il y a 34 000 troupes américaines en Afghanistan, aux côtés des 30 000 troupes en provenance des autres pays de l'OTAN et des alliés américains. L'armée afghane est constituée de 65 000 troupes, mais la plupart des unités sont incapables d'opérer sans les forces aériennes, la logistique et les renseignements fournis par le commandement international des forces de l'OTAN (ISAF).

En réponse, l'administration Bush, avec l'appui du Parti démocrate et de son candidat présidentiel, Barack Obama, se prépare à déployer 12 000 troupes américaines de combat additionnelles, débutant  avec une brigade, possiblement dès novembre. Le gouvernement britannique est, selon les rapports, sur le point d'envoyer 4500 troupes additionnelles, les augmentant à plus de 12 000 en Afghanistan. D'autres puissances européennes sont sous pression par Washington pour envoyer plus de troupes.

Les analystes stratégiques et militaires avertissent, cependant, que plus de troupes en Afghanistan ne vont pas mettre fin à l'insurrection armée si la guérilla peut continuer d'utiliser la région tribale du Pakistan comme zone de sécurité.

Le gouvernement pakistanais subit la pression de l'administration Bush pour attaquer ces sanctuaires tribaux. Il a ordonné une campagne sauvage de frappes aériennes contre les villages pachtounes des districts de Bajaur et de Mohamand. Plus de 300 000 personnes ont été obligées de fuir la région pour leur vie. Durant la fin de semaine, des conflits et des bombardements  ont été rapportés dans le Waziristan sud – la région qui est censée être la principale base des talibans afghans.

Pour contrôler pleinement la zone frontalière, cependant, les militaires pakistanais seront forcés de déployer des dizaines de milliers de troupes dans la région autonome fédérale administrée par l'Agence tribale (FATA). Il n'y a pas d'appui populaire au Pakistan pour un tel geste. Un sondage mené par Terror Free Tomorrow et cité dans le USA Today le 22 août indique que 55 pour cent des répondants blâment les États Unis pour la violence tribale à la frontière. Seulement 6 pour cent blâment les militants islamistes. Dans un autre sondage de l'Institut International Républicain, 71 pour cent disent être opposés à la coopération du Pakistan avec les États-Unis dans la guerre en Afghanistan. 

Si le gouvernement instable du premier ministre Yousaf Raza Gilani ordonne un déploiement important de troupes dans la FATA, il va faire face à un désordre à grande échelle et à une possible mutinerie dans les forces armées.

Anthony Cordesman, un analyste du Centre d'étude stratégique international (CSIS), en est arrivé à une conclusion largement acceptée dans les cercles dirigeants américains concernant la guerre en Afghanistan.

Cordesman écrivit dans un rapport le 21 août : «  La guerre afghane-pakistanaise est une guerre entre deux pays qui ne peut être gagnée seulement en Afghanistan. À ce point-ci, les forces des États-Unis et de l’OTAN, et l’armée afghane, sont simplement trop faibles pour faire face à une insurrection à multiples facettes avec une zone de sécurité de facto le long de toute la frontière séparant l'Afghanistan et le Pakistan...Il semble probable que la guerre afghane-pakistanaise va durer une décennie ou plus, et être un problème majeur pour toute la durée du mandat du prochain président des États-Unis et du Pakistan  ».

Faisant directement écho aux discours de campagne d'Obama, Cordesman affirmait : « Les États Unis et ses alliés n'ont pas d'autre choix que de tenter de forcer le nouveau gouvernement pakistanais à adopter une position plus ferme et agressive .... Des décisions pour prendre des actions décisives seront pakistanaises, mais les États-Unis devront clairement et ouvertement dire qu'ils ne pourront pas attendre les prises de décision du Pakistan et devront traiter le territoire pakistanais comme une zone de combat si le Pakistan n'agit pas ».

La prochaine administration américaine, qu'elle soit dirigée par Barak Obama ou John McCain, semble disposée à étendre les opérations américaines dans la zone qui était autrefois considérée comme « la guerre oubliée » aux frontières du Pakistan. Le massacre de vendredi dans le village d'Azizabad est un avertissement de ce qui arrivera dans les régions que les États Unis traitent comme des « zones de combat ».


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