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Afrique du Sud : Grève générale contre la hausse des prix

Par Chris Talbot
13 août 2008

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Une grève générale a paralysé l’économie sud-africaine mercredi 6 août. Le Congrès des syndicats d’Afrique du Sud (COSATU) a appelé ses deux millions d’adhérents à un débrayage de 24 heures pour protester contre la hausse des prix des denrées alimentaires et du pétrole. L’appel à la grève avait été précédé par une annonce de la hausse des tarifs d’électricité de 27,5 pour cent.

Les témoins ont décrit une marée de grévistes déferlant dans les rues de Pretoria en direction du siège du président Thabo Mbeki. D’autres rassemblements ont eu lieu à Durban, Cape Town, Ladysmith, Klerksdorp, Polokwane et Witbank.

Les mines d’or étaient fermées, le transport en commun paralysé et les usines automobiles à l’arrêt. Anglogold Ashanti, le troisième producteur mondial d’or, a dit que toutes ses mines étaient fermées pour la journée. « Nos activités minières ont été touchées, » a dit Alan Fine, « et aucun puits ne fonctionne aujourd’hui. ». La compagnie n’a pas voulu révéler le montant de ses pertes de production. Harmony, le cinquième plus important producteur d’or du monde, a dit que ses mines avaient toutes été affectées par la grève.

Lesiba Seshoka, porte-parole du Syndicat national des mineurs a déclaré aux journalistes, « Dans les Etats libres en province toutes nos branches participent à l’action du COSATU et presque toutes les opérations d’Harmony sont bloquées. »

Les mines d’Harmony avaient également été touchées par une grève la semaine passée, les travailleurs de la société ayant observé une journée de deuil pour un collègue qui avait été tué. Les deux journées de grève sont supposées avoir coûté entre 60-70 kg d’or à l’entreprise.

Anglo Platinum, le leader mondial du platine a dit que 71 pour cent de ses salariés étaient en grève. Impala Platinim, le second producteur mondial de ce métal, a rapporté que 40 pour cent de son effectif étaient en grève.

Anglo American, la plus grosse entreprise minière du monde, a dit que 55 pour cent de ses ouvriers ne s’étaient pas rendus au travail. Mais l’entreprise a affirmé que l’ensemble de ses neuf mines de charbon sud-africaines étaient restées ouvertes.

Daimler a dû fermer son usine située dans l’Est de Londres. Ford a dû arrêter pour la journée ses activités à Port-Elisabeth et à Silverton. Volkswagen a été obligé de fermer ses usines à Uithage où 450 voitures par jour quittent normalement la chaîne de montage.

Les services de Metrorail dans la province de Gauteng étaient paralysés par la grève en affectant le centre financier de l’économie sud-africaine de Johannesbourg. La grève a eu pour conséquence de paralyser le trafic des autobus à Johannesbourg. A Port-Elisabeth aucun bus ne roulait. Dans de nombreuses régions les taxis ne circulaient pas.

Sur les chantiers de construction le travail avait cessé pour la journée. La construction des installations pour la Coupe du monde de 2012 a été interrompue.

Les travailleurs de l’habillement et du textile ont suivi l’appel à la grève en grand nombre. On a rapporté que plus de 100 entreprises de l’habillement étaient fermées. Le Syndicat sud-africain des travailleurs de l’habillement et du textile a dit que 93 pour cent de ses adhérents avaient suivi le mot d’ordre de grève.

Les enseignants ayant débrayé, les écoles étaient restées fermées dans de nombreuses régions.

Les magasins étaient fermés dans nombre de grandes villes et les routes étaient bloquées en raison de nombreux défilés de manifestants. ShopRite, l’un des hypermarchés, était resté ouvert à Durban avec un personnel très réduit.

La grève nationale a fait suite à trois grèves provinciales qui avaient eu lieu ces dernières semaines contre la hausse des prix.

La réponse massive des travailleurs à l’appel à la grève reflète la colère énorme ressentie par la classe ouvrière face à la hausse des prix et un gouvernement qui est indifférent aux besoins de la population. Les prix des aliments ont augmenté de 17 pour cent, les taux d’intérêt de 20 pour cent et les prix du carburant de plus de 35 pour cent au cours de l’année dernière. Mais les salaires n’ont augmenté que de 12 pour cent sur la même période.

Si ceux qui travaillent sont durement touchés par ces hausses des prix, ceux des 48 millions de Sud-Africains qui sont au chômage (on évalue le taux de chômage à 40 pour cent) sont forcés dans une pauvreté encore plus grande.

En début d’année, des mines avaient été obligées de fermer en raison de coupures de courant. Les travailleurs du secteur minier redoutent que les coupures de courant n’entraînent des pertes d’emplois.

Au cours des cinq dernières années la croissance économique avait été de 5 pour cent par an en moyenne, mais elle a chuté à moins de 3 pour cent l’année dernière. Le ralentissement de la croissance entraînera forcément une augmentation du chômage.

Confronté à la colère montante de ses membres, le COSATU n’avait pas d’autre choix que d’intensifier les grèves et d’étendre le mouvement au plan national. Les syndicats cherchent à détourner la colère légitime de leurs membres vers une campagne de soutien à Jacob Zuma, le nouveau président du Congrès national africain (ANC). Les manifestants à Cape Town ont chanté « Umshini Wami », « Passe-moi ma mitraillette », le chant associé à Zuma.

Le COSATU colporte l’illusion qu’un gouvernement ANC mené par Zuma serait différent d’un gouvernement ANC mené par Mbeki. La réalité est cependant que de 1999 à 2005 Zuma avait été le vice-président de Mbeki. Zuma faisait partie du gouvernement au moment où celui-ci projetait de privatiser Eskom, la société sud-africaine de production et de distribution d’électricité. Il n’avait pu réaliser ce projet parce que le secteur corporatif s’était rendu compte que son infrastructure délabrée ne lui permettrait pas de faire des bénéfices.

Le gouvernement dont Zuma avait été un membre continue d’appliquer les directives du Fond monétaire international en supprimant les subventions au secteur public. En conséquence, l’infrastructure déjà ancienne d’Eskom n’ayant pas été renouvelée cela a occasionné une rupture de l’approvisionnement. La hausse de 27 pour cent des tarifs est une conséquence directe de cet état de choses. Cette hausse est censée financer les réparations que le gouvernement refuse de subventionner.

Zuma est empêtré jusqu’au cou dans les mesures de libre marché qui ont conduit à l’actuelle flambée des prix de l’électricité. Depuis qu’il a démarré sa campagne pour renverser Mbeki, il n’a pas, tout en recourant sur le plan national à une rhétorique populiste, manqué une occasion de dire clairement aux investisseurs internationaux qu’il poursuivra cette même politique.

Depuis que ce gouvernement est au pouvoir, le COSATU a travaillé étroitement avec lui. La bureaucratie syndicale porte une part de responsabilité pour le fardeau que portent les gens ordinaires en Afrique du Sud, confrontés à une grave attaque de leur niveau de vie. Chaque fois que la colère populaire s’est exprimée les syndicats l’ont détourné vers des protestations et des actions de grève de 24 heures. Ils n’ont rien à offrir au grand nombre de travailleurs sans emploi et aux paysans pauvres.

Le Parti communiste sud-africain (SACP) a donné son soutien tant à Zuma qu’aux manifestations contre la hausse des prix. Mais il a, lui aussi, soutenu dès le début le gouvernement ANC. Il est coresponsable de l’impact des mesures libérales mises en vigueur par le gouvernement. Le COSATU, le SACP et l’ANC ont agi de concert contre les intérêts de la population sud-africaine.

Le conflit qui a surgi au sein de la coalition dirigeante reflète les rivalités féroces entre des sections de la classe moyenne noire et de la bourgeoisie qui veulent s’enrichir. Le COSATU, le SACP et Zuma sont disposés à recourir à la colère populaire pour évincer la faction Mbeki et pour se placer dans une position de pouvoir. Mais leur politique n’est en aucune manière différente de celle appliquée par Mbeki.

Zwelinzima Vavi, le secrétaire général du COSATU a prononcé des paroles sévères lorsqu’il s’est adressé aux grévistes à Cape Town.

« Si un seul travailleur devait perdre son emploi alors les ministres devront s’en aller. » Vavi a dit, « Ils nous font payer pour des erreurs commises par d’autres. »

Et Vavi s’est vanté dans le journal The Sowetan que le COSATU avait réussi à réduire la hausse du prix de l’électricité.

« Sans notre engagement avec l’ANC, » a affirmé Vavi, « le pays paierait maintenant une hausse exorbitante de 60 pour cent pour l’électricité. Le COSATU a mené la lutte contre cette augmentation et maintenant nous paierons 27 pour cent. Ça, c’est le progrès. »

Le COSATU a rencontré les ministres en mai pour une alliance au sommet concernant la crise de l’électricité. Vavi a affirmé que les ministres avaient accepté une série de mesures sociales comprenant des réductions de la taxe sur la vente, une augmentation des allocations sociales et des coupons de nourriture pour les pauvres.

« Tout d’un coup, vous avez le président et le ministre des Finances qui annoncent publiquement que tout cela n’aura pas lieu. »

L’augmentation de 27 pour cent des tarifs énergétiques a été, comme l’a reconnu Vavi, le résultat de cette réunion au sommet. En échange, le COSATU avait remporté quelques concessions mineures qui furent aussitôt retirées. Vavi présente maintenant l’alliance du COSATU avec le gouvernement comme ayant une influence positive et la part qu’il a prise dans l’imposition d’une hausse de prix exorbitante comme une victoire.

La colère des travailleurs contre la hausse des prix a été exprimée très clairement dans la grève générale mais ils ne réussiront pas à se défendre tant qu’ils seront liés à des dirigeants tels Vavi et au mouvement syndical.

(Article original paru le 7 août 2008)

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