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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : le quotidien stalinien l’Humanité au bord de la faillite

Par Pierre Mabut
29 août 2008

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Le quotidien français l’Humanité, historiquement lié à la politique du Parti communiste français stalinien (PCF) n’est pas paru les 15 et 16 août, en pleine crise grave et potentiellement fatale. Dans son numéro du 14 août le journal expliquait que « dans le cadre du plan de sauvegarde face aux difficultés qui menacent l’existence même de notre journal, l’Humanité ne paraîtra pas ces vendredi 15 et samedi 16 août. »

Le tirage du quotidien a connu un déclin très important ces dernières années, parallèlement au déclin du nombre d’adhérents du PCF. Les événements entourant cette dernière crise ont été soulignés par le directeur de la publication Patrick Le Hyriac dans son appel aux lecteurs  « pour sortir le journal de l’impasse financière dans laquelle il a été placé du fait de la non-réalisation de la vente de son immeuble mi-juillet. »

Afin de rembourser ses dettes, estimées à 8 millions d’euros, le journal avait mis en vente son siège social, l’année dernière, pour la somme de 15 millions d’euros. L’immeuble, conçu par l’architecte brésilien Oscar Niemeyer en 1989 et situé à Saint Denis, autrefois un solide bastion du PCF dans la banlieue nord de Paris, avait trouvé un acquéreur qui avait promis de finaliser la vente en juillet. Le Hyaric explique que le resserrement du crédit provoqué par la crise financière mondiale a rendu l’acquéreur incapable de payer. Entre temps, les 240 membres du personnel ayant déménagé dans de nouveaux locaux en juin, le journal se trouve à présent dans le besoin urgent de trouver 2 millions d’euros pour survivre.

Le Hyaric a lancé une large souscription: « Ne laissons pas affaiblir ou bâillonner la voix de l’Humanité au moment où nos concitoyens ont plus que jamais besoin d’une information plurielle. » Faisant référence au forum de discussion du président Sarkozy prévu pour septembre prochain et visant à « aider » la presse, Le Hyaric a plaidé, « Nous voulons que ces états généraux se traduisent par des moyens pour le pluralisme de la presse, pour défendre les quotidiens, pour créer les conditions pour qu’ils vivent, pour une nouvelle réflexion sur les aides à la presse. »

Comme l’Humanité représente le pilier gauche de l’establishment médiatique français, la souscription lancée par les sympathisants de l’Humanité s’adresse en grande partie à l’Etat bourgeois. Patrick Kamenka, qui écrit pour le syndicat de journalistes SNJ-CGT, lié au PCF, dénonce que « Ni le chef de l'Etat, ni le ministre de la Culture, ni les grands médias se sont exprimés. Encore une fois l’Humanité se meurt dans l'indifférence générale. Hormis la mobilisation des lecteurs de l’Humanité, c'est le silence radio du côté des penseurs officiels et des idéologues (...) qui ne visent qu'à renforcer les grands groupes de presse multimédia alliés du pouvoir.»

Cet appel est tout particulièrement cynique car l’Humanité s’appuie déjà de façon substantielle, pour son financement, sur les grands groupes de médias, du fait qu’elle a depuis longtemps abandonné tout effort de compter financièrement sur une base ouvrière. La chaîne télévisée privée TF1 et le Groupe Hachette, propriétés de Lagardère, nabab des médias et de l’armement, détient 20 pour cent du capital de l’entreprise conjointement avec la filiale Humanité Investissement Pluralisme. Les 40 autres pour cent du capital de l’Humanité sont détenus par diverses associations de lecteurs et d’amis de l’Humanité et les 40 pour cent restant sont détenus par des membres du PCF.

Dans un effort pour survivre, le quotidien s’est tourné ces dernières années vers des couches plus larges des classes moyennes de gauche autour des Verts, des féministes, des mouvements militants anti-OGM, des sections du Parti socialiste à la rhétorique gauchisante et de tous ceux qui adoptent une étiquette « antilibérale », y compris des individus attirés par l’« anticapitalisme » de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR.) Le quotidien a officiellement renoncé à la prétention d’être la voix du PCF en 1999, après que la fin de l’Union soviétique ait mis au goût du jour parmi les cercles gauchistes les propos sur la fin du socialisme.

Que l’Humanité dépende aujourd’hui de dons de la bourgeoisie et de l’intervention de grandes entreprises est à mille lieux des principes initiaux du quotidien quand il avait été lancé le 18 avril 1904 par Jean Jaurès, le social démocrate pacifiste, dont le premier éditorial stipulait la nécessité de l’indépendance financière.

Le quotidien avait ensuite suivi la majorité des membres du Parti socialiste, qui avaient décidé après le Congrès de Tours de 1920 de fonder la section française de l’Internationale communiste, qui devait prendre plus tard le nom de Parti communiste français (PCF.) Tombant de plus en plus sous le contrôle des Staliniens au cours des années 1920, son sort a en grande partie reflété celui du stalinisme français.  

A la fin de la Seconde guerre mondiale, lorsque le PCF jouissait d’un grand prestige populaire du fait de son rôle dans la coordination de la résistance armée à l’occupation nazie, l’Humanité tirait à 400 000 exemplaires et le PCF était le parti politique le plus important de France. Substantiellement affaibli par sa politique perfide après la guerre, notamment son imposition d’une politique interdisant la grève après la Libération et sa trahison de la grève générale de 1968, le soutien au parti est tombé en chute libre avec sa participation à des gouvernements bourgeois et suite à la dissolution de l’URSS.

Depuis sa participation à des gouvernements de « gauche plurielle » avec le PS sous la présidence de François Mitterrand en 1981-84 et du président droitier Jacques Chirac 1997-2002, le PCF a perdu 600 000 membres et 15 000 élus. Le tirage de l’Humanité est à présent au-dessous de 50 000 exemplaires. Le « pluralisme » du PCF a signifié la cohabitation avec la bourgeoisie française, ce qui a coûté au parti et à sa presse le soutien des travailleurs, et notamment des jeunes, tandis que le PCF présidait au chômage de masse et à la destitution sociale dans de nombreuses villes sous son contrôle ces 30 dernières années.

Lors des élections présidentielles de 2002, Marie-George Buffet, future dirigeante du PCF, avait déclaré dans l’Humanité (21/2/2002) avant le premier tour des élections: « Depuis 1997, malgré un travail important, avec un apport utile des communistes dans la majorité plurielle, des femmes et des homes constatent que décidemment la politique ne transforme pas leur quotidien. » Avec une conclusion pareille, on comprend que Robert Hue, candidat du PCF n’ait recueilli que 3,37 pour cent des voix.

Juste avant le second tour des élections, où le choix qui s’offrait était entre le président sortant, Jacques Chirac du parti droitier au pouvoir l’UMP et le néofasciste d’extrême-droite Jean-Marie Le Pen (ou l’abstention), le PCF avait donné un sens nouveau au concept de « majorité plurielle » en mobilisant pour soutenir Chirac, placardant les murs de France d’affiches appelant à « voter Chirac. » Ce dernier avait finalement remporté l’élection et un mandat pour attaquer le niveau de vie des travailleurs. Le fruit de ces trahisons s’est révélé lors des dernières élections présidentielles en 2007, où la candidate du PCF, la secrétaire générale Marie-George Buffet a vu son score atteindre le plus bas record de 1,93 pour cent.

Plus la crise économique et sociale met en évidence la lutte des classes et plus le PCF et l’Humanité virent à droite pour défendre le « pluralisme de la presse » et une « gauche plurielle » afin de maintenir le statu quo et empêcher que ne se forme un mouvement de la classe ouvrière qui soit indépendant. Bien que ce rôle se soit à présent étendu à la LCR, allié de longue date du PCF, rôle de soupape de sécurité pour le capital français en crise, le besoin qu’a l’élite dirigeante française de maintenir un semblant de presse d’opposition signifie que l’on peut s’attendre à ce que les jours de L’Humanité ne soient pas tout à fait comptés.

Dans l’attente de l’intervention généreuse d’hommes d’affaire pour recapitaliser le journal et de l’aide de l’Etat grâce au président Sarkozy, le journal espère se maintenir à flot grâce à des dons et aux recettes qu’elle collectera lors de sa fête annuelle de septembre qui jouit encore d’un large succès notamment parmi les gauchistes de toutes sortes.

(Article original paru le 23 août 2008) 


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