Un article publié le 27 juillet dans le Sunday
Business Post révèle que le gouvernement irlandais va lancer pour les mois
à venir un rigoureux plan de réduction des dépenses publiques. L’article,
écrit par le journaliste politique Pat Leahy, se basait sur un mémoire
gouvernemental divulgué à la presse et qui instruisait chaque service du
gouvernement irlandais d’identifier les projets dont les coûts dépassent
10 millions d’euros et susceptibles d’être ajournés.
La révélation était loin d’être une
surprise. L’Irlande a été touchée ces derniers mois par le déclin
économique mondial et une récession imminente après une longue période
d’expansion économique. Les finances gouvernementales ont souffert suite
à une baisse des recettes fiscales évaluée à 4 milliards d’euros et
résultant d’une stagnation dans l’ensemble des secteurs, mais tout
particulièrement dans le bâtiment et l’immobilier. En général,
s’attend à ce que le gouvernement aura à faire face à un manque à gagner
de 7 milliards d’euros. On s’attend aussi à ce que le ministre des Finances,
Brian Lenihan, prévoie des réductions à tous les niveaux ainsi qu’une
augmentation de l’emprunt public quand le budget sera annoncé en fin
d’année.
Ceci pourrait obliger le gouvernement à
outrepasser la limitation de 3 pour cent du PIB des emprunts fixée par
l’Union européenne (UE).
Le montant du déficit est toutefois tellement
important que d’autres mesures s’imposeront. Alors que la plupart
des personnes excluent une augmentation des impôts sur le revenu et de la TVA,
il existe cependant de nombreuses alternatives qui seraient tout aussi
préjudiciables aux travailleurs.
Cliff Taylor écrivant lui aussi pour le Sunday
Business Post a expliqué: « L’une des possibilités est de
ne pas indexer entièrement les tranches d’impôts et les crédits sur
l’inflation, ce qui génère effectivement davantage de liquidités du fait
que le revenu des gens augmente. C’est ce qui s’était passé la
dernière fois quand les finances du trésor public furent réduites après la
dernière élection et c’est ce qui pourrait bien se passer de nouveau. Le
coût total de l’indexation des tranches et des crédits tourne autour de
500 millions d’euros, une somme non négligeable. »
Il poursuivit en expliquant que d’autres
« impôts invisibles » tels la taxe des ordures ménagères et les taxes
applicables aux patients ambulatoires des hôpitaux pourraient être augmentées.
En affichant clairement l’urgence de la
situation, le mémo distribué à tous les services gouvernementaux a annoncé que
les restrictions étaient indispensables en disant : « Un plan
détaillé de rationalisation des agences gouvernementalesa été préparé
et il est prêt à être appliqué… Il n’y a pas moyen de différer ce
programme de rationalisation. »
Alors que l’annonce était consacrée aux
programmes de dépenses d’investissement et de projets gouvernementaux pour
revaloriser l’infrastructure et les services irlandais, il est évident
qu’aucun secteur des dépenses publiques n’est à l’abri des
coupes. A peine une semaine après l’apparition du rapport, des
négociations sur les salaires dans la fonction publique entre le gouvernement,
les associations d’employeurs et les syndicats avaient échoué le 2 août
sans qu’une décision n’ait été prise. Les employeurs réclament un
gel des salaires en dépit du fait que le taux d’inflation est
d’environ 5 pour cent en Irlande.
Avant que les pourparlers n’échouent,
les employeurs avaient proposé une augmentation salariale dérisoire de 5 pour
cent sur une période de 21 mois, en fait un gel des salaires vu les
augmentations considérables des prix des marchandises. Et il avait été revendiqué
que cette période débute par un gel des salaires de six mois dans le secteur privé
et de 11 mois dans le secteur public.
Dans le même temps, le gouvernement poursuit
ses projets pour un plan de licenciement afin de supprimer des emplois dans le
secteur public qui avait connu une augmentation de 13 pour cent ces dernières
cinq années. Les journalistes économiques cherchent à faire porter le blâme des
difficultés financières rencontrées par le gouvernement aux augmentations de
salaire dans le secteur public plutôt qu’à la crise économique mondiale
et à la crise immobilière. Ils considèrent inacceptable le coût de 460 millions
d’euros d’un accord salarial précédemment signé et qui était
inférieur au taux d’inflation de 2,5 pour cent.
Ceci a provoqué dans les milieux de la classe
dirigeante des appels à des licenciements de masse. Dans un éditorial le Sunday
Business Post a écrit : « Cette dure réalité exige à présent que
des mesures énergiques soient prises pour corriger les finances publiques et
pour contrôler les dépenses publiques. Cela signifie le contrôle des salaires
dans le secteur public et du nombre d’emplois.
« Cela signifie imposer un gel des
salaires immédiat et temporaire dans le secteur public tout en stoppant le
recrutement. Cela signifie un arrêt des revalorisations de salaires et des
promotions automatiques. En bref, cela signifie que le secteur public doit se
conduire comme le reste de l’économie en essayant de s’adapter à
ces temps plus durs auxquels nous devons tous faire face. »
Ce n’est là qu’un aspect de la
tentative de l’élite dirigeante en général de faire porter le fardeau de
la crise économique par la classe ouvrière.
Dans le secteur de la banque, alors que les
taux d’intérêt en général ont augmenté de 0,25 pour cent, les banques ont
augmenté de un pour cent et plus l’intérêt sur les remboursements de
prêts, mettant ainsi la pression sur ceux qui achètent leur maison pour qu’ils
remboursent leurs emprunts. Cela vient en plus de la flambée des prix des
denrées de base et de l’énergie.
S’ajoute à ceci le chômage qui a atteint
le mois dernier son plus haut niveau depuis dix ans. Les chiffres de l’Office
central de statistiques constatent que 700 emplois sont supprimés chaque
semaine ; le secteur privé étant le plus durement touché.
Le Live Register [fichiers des demandeurs
d’emploi] qui recense le nombre de personnes touchant des allocations
chômage et d’autres indemnités avait enregistré une hausse de 10.000 par
rapport à juin en atteignant 226.000 en juillet. La plus grande partie de la
hausse est due au secteur du bâtiment, l’une des principales forces du
boom économique en Irlande.
Les dirigeants du monde des affaires réclament
une réduction des salaires dans le secteur privé. Brendan McGinty, directeur
des ressources humaines de l’IBEC d’Irlande a dit : « Les
taux d’augmentation auxquels on a assisté ces dernières années ne peuvent
pas persister. Il doit y avoir d’importantes modérations salariales et la
reconnaissance à une plus grande échelle que les employeurs et certains secteurs
requièrent des pauses de salaires et un allègement significatif de tout accord
salarial. Cela signifie que les entreprises privées ont le droit de plaider
l’incapacité de payer ou le droit de recourir à des mesures correctives
pour leurs coûts, comme la flexibilité du travail. »
Le président de CIF qui représente les
employeurs de l’industrie du bâtiment, a indiqué qu’il visait une
réduction des salaires de 7 à 10 pour cent pour toute l’industrie. Il a
notamment souligné que les nouveaux embauchés devaient obtenir des salaires nettement
plus bas. « Nous sommes préoccupés par le fait qu’un salaire minimum
de départ, de 34.000 euros par an, pour des salariés non qualifiés est tout
simplement trop élevé et nous voulons le réduire de 40 pour cent à 10.000 euros
pour ceux qui débutent. »
Confrontés à une pression financière de plus
en plus forte, un grand nombre de personnes ont commencé à limiter leurs
dépenses. Les ventes ont baissé de 7 pour cent au second trimestre de cette
année par rapport à la même période de 2007, les secteurs de la chaussure et de
la mode ont enregistré une énorme baisse. Rien qu’en avril, les ventes de
chaussures avaient chuté de 25 pour cent par rapport à l’année
précédente.
Les ventes de voitures neuves ont reculé de 19
pour cent sur les six mois premiers de cette année, par rapport à la même
période de 2007. Cette chute rapide a un sérieux effet sur les concessionnaires
automobile ; plus de concessionnaires ont fait faillite durant les six
premiers mois de 2008 que durant toute l’année précédente.
La preuve que les bas salaires sont tout
particulièrement touchés est apportée par les statistiques qui montrent que la
baisse la plus forte a eu lieu dans le commerce de voitures d’occasion.
« Il y a un flot de véhicules usagés sur le marché, » a dit Paul
McCann, un associé du cabinet d’expertise comptable, d’audit et de
conseil, Grant Thornton. « Les concessionnaires n’arrivent pas se
défaire de leurs voitures d’occasion. Cela a un impact très fort sur les
concessionnaires. Cela signifie qu’une grande partie de leur capital d’entreprise
est entièrement pris par les voitures d’occasion et ils luttent pour les
vendre. »
L’une des forces motrices de la baisse
des dépenses des consommateurs a été la chute des prix immobiliers depuis le
début de l’année. Ces prix ont déjà baissé de 10 pour cent depuis le
début de 2008 et certains commentateurs prédisent une éventuelle chute de plus
de 40 pour cent par rapport à leur prix le plus élevé avant la crise
économique.
A ceci s’ajoute que les banques sont
maintenant moins disposées à prêter de l’argent de peur de subir des
pertes substantielles. La plus grosse banque irlandaise, l’Allied Irish
Bank (AIB), a admis la semaine passée dépendre fortement du secteur immobilier en
révélant avoir octroyé plus de 10 milliards d’euros en prêts au secteur
immobilier en général. Elle surveille de près environ un cinquième de ces prêts
et reconnaît qu’une autre augmentation de mauvaises créances est
inévitable. Etant donné que l’AIB reste lourdement impliquée dans les
prêts hypothécaires, les problèmes croissants de dette de cette banque auront
un impact drastique sur la population.
La hausse des prix de l’énergie a
également son impact en alourdissant les factures d’électricité. Les
entreprises d’autobus de tout le pays ont annoncé une augmentation de 20
pour cent de leurs prix de transports. En raison partiellement de
l’abandon (suite à une décision de l’UE jugeant qu’il y avait
enfreinte à la loi sur la concurrence) du plan gouvernemental de remise de taxe
sur les combustibles, la hausse des prix touchera durement les gens ordinaires
qui dépendent au quotidien des transports en communs.
Cela n’est vraisemblablement que le
début de réductions bien plus importantes encore des ressources du service
public. Compte tenu des difficultés financières auxquelles le gouvernement est
confronté et de la stagnation économique, le fardeau de la facture reposera sur
le dos des travailleurs sous forme de coupes dans les dépenses publiques et de
réductions de salaires.