wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Le gouvernement pakistanais se prépare à destituer le président Moucharraf

Par Vilani Peiris
16 août 2008

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Cette semaine, la coalition pakistanaise au pouvoir, en pleine crise politique, a enclenché un processus formel de destitution contre le président Pervez Moucharraf, l’ancien homme fort militaire du pays.

Moucharraf est profondément détesté par de larges couches de la population pour ses neuf ans de dictature et de soutien à la frauduleuse « guerre au terrorisme » des Etats-Unis. Il s’est emparé du pouvoir lors d’un coup d’Etat militaire en 1999, évinçant le premier ministre Nawaz Sharif qui fut jugé et condamné sous de fausses accusations et ensuite exilé. Sous d’intenses pressions de Washington, Moucharraf retira l’appui du Pakistan au régime taliban en Afghanistan en 2001 et appuya l’occupation de ce pays, menée par les Etats-Unis.

À la suite du simulacre d’élection qui lui donna un second mandat présidentiel, Moucharraf imposa des mesures spéciales draconiennes en novembre dernier et évinça d’importants juges qui menaçaient de déclarer ses actions inconstitutionnelles. Cependant, il ne réussit pas à réprimer l’opposition et fut finalement forcé de tenir en février des élections nationales lors desquelles son parti, la Ligue musulmane du Pakistan-Q (PML-Q), subit une humiliante défaite. Une coalition dirigée par le Parti du peuple pakistanais (PPP) et comprenant la Ligue musulmane du Pakistan (PML) de Sharif prit le pouvoir.

Le gouvernement tente de présenter la destitution de Moucharraf comme un pas de plus dans la « transition vers la démocratie ». Toutefois, ce geste est un effort désespéré visant à contenir les divisions à l’intérieur de la fragile coalition dirigeante ainsi que les sentiments anti-gouvernementaux suscités par la détérioration des conditions de vie, les crises économiques et l’appui incessant du gouvernement pour l’occupation américaine de l’Afghanistan.

Le chef du PPP, Asif Ali Zardari, avait annoncé le 7 août les plans de destitution de Moucharraf, déclarant lors d’une conférence de presse que cela constituait « de bonnes nouvelles pour la démocratie » au Pakistan. Il a accusé le régime Moucharraf d’avoir mené le pays dans une « grave impasse économique » et d’avoir « affaibli la fédération ». De grandes parties des régions tribales près de la frontière afghane sont sous le contrôle de milices armées qui soutiennent ou qui sont directement impliquées dans l’insurrection anti-américaine en Afghanistan.

Assis aux côtés de Zardari, le leader du PML, Sharif, a déclaré que « la direction de la coalition allait présenter un acte d’accusation contre le général Moucharraf ». Le gouvernement a indiqué que les accusations portées contre Moucharraf incluraient : violation de la constitution, fraude, corruption et meurtre. La ministre de l’Information Sherry Rehman a déclaré dimanche dernier que l’acte d’accusation serait « volumineux ».

La sortie contre Moucharraf n’est survenue qu’après quelques mois de frictions entre les deux principaux partis de la coalition. Le PPP avait initialement accepté de destituer Moucharraf et de réintégrer les juges évincés par ce dernier lorsque le gouvernement de coalition fut formé. Mais sous les pressions de Washington l’incitant à collaborer avec Moucharraf, Zardari ne fit rien pour réaliser ces promesses. Dans le cadre d’une entente négociée par les Etats-Unis avec l’ancienne dirigeante du PPP, maintenant décédée, Benazir Bhutto, Moucharraf renversa les accusations de corruption portées contre Zardari.

En mai, Sharif retira du cabinet des membres du PML en guise de protestation contre le recul de Zardari et laissa entendre qu’il allait mettre un terme à l’alliance. Sharif, dont le mentor politique était l’ancien dictateur militaire Zia ul Haq et qui n’a pas hésité à employer des méthodes autocratiques au pouvoir, n’a rien d’un démocrate. Il a insisté sur la destitution de Moucharraf et la réintégration des juges afin d’exploiter le mécontentement croissant face au président mais aussi au PPP.

Le gouvernement dirigé par le PPP fait face à une multitude de problèmes et ses tentatives d’en arriver à une entente avec Moucharraf ont menacé de provoquer une vive réaction populaire. Un récent sondage mené par l’International Republican Institute a découvert que 85 pour cent des répondants, une proportion sans précédent, souhaitaient voir Moucharraf démissionner. L’appui pour le PPP, le parti le plus populaire dans un sondage en février, diminue.

L’Assemblée nationale s’est réunie lundi pour entamer le processus de destitution mais un acte d’accusation n’a toujours pas été présenté. Trois des quatre provinces du pays, soit le Pendjab, la province du Nord-Ouest et le Sind, ont voté à très forte majorité des motions non contraignantes exigeant la démission de Moucharraf. On croit que le Baloutchistan, la dernière province, ferait de même sous peu. Zardari soutient que le gouvernement a l’appui de 350 membres sur les 442 de l’Assemblée nationale et du Sénat, ce qui fournirait les deux tiers nécessaires à une motion de destitution.

Cependant, en retardant l’acte d’accusation officiel, le gouvernement semble vouloir trouver une formule par laquelle Moucharraf démissionnerait mais sans destitution. Une telle manoeuvre aurait pour but d’éviter la confrontation avec l’armée et les Etats-Unis. L’ancien général pakistanais Talat Masood a déclaré lundi au journal Independent : « Les négociations sont menées pour qu’une porte de sortie lui [Moucharraf] soit accordée... Je crois que les Américains et l’armée exigent que sa protection soit assurée. Une destitution serait une importante diversion de la guerre contre le terrorisme. »

Sous les pressions des Etats-Unis, l’armée pakistanaise procède actuellement à des attaques militaires contre les militants islamiques dans les Régions tribales d’administration fédérale (FATA) le long de la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan. Washington a proféré des menaces à peine voilées quant à la possibilité de lancer des opérations unilatérales à l’intérieur du territoire pakistanais si l’armée n’empêchait pas les guérillas de pénétrer en Afghanistan.

Jusqu’ici, Moucharraf a maintenu qu’il n’allait pas démissionner. Il a le pouvoir, grâce la constitution antidémocratique rédigée sous son règne, de dissoudre tout simplement le parlement. Toutefois, sa position devient de plus en plus intenable alors que des alliés clé semblent le déserter. Lundi, environ 30 députés du PMLQ ont voté à l’assemblé du Pendjab pour la résolution contre Moucharraf. Mardi, le dirigeant d’un groupe anciennement du PPP et ancien proche allié de Moucharraf, Aftab Sherpao, a appuyé la motion contre le président.

Un porte-parole du département d’Etat américain Gonzalo Gallegos a déclaré la semaine dernière : « Nous avons continuellement affirmé que les politiques internes du Pakistan sont des questions qui doivent être réglées par le peuple pakistanais. » Mais il y a d’évidentes inquiétudes à Washington quant au retrait d’un proche allié des Etats-Unis. Le journal Dawn a commenté lundi que les Américains craignent « qu’une lutte de pouvoir entre les forces pro et anti-Moucharraf puisse propulser la puissance nucléaire qu’est le Pakistan dans une longue crise; empêcher son fragile gouvernement civil de s’en prendre aux militants réfugiés dans les FATA; et même mettre en péril les lignes d’approvisionnement vitales des Etats-Unis qui traversent le Pakistan et se rendent en Afghanistan ».

En coulisses, des représentants américains sont impliqués de près dans les affaires politiques internes du Pakistan. Lundi soir, l’ambassadrice américaine à Islamabad, Ann W. Patterson, a rencontré Moucharraf. Le journal Nation a rapporté que l’ancien Haut commissaire britannique et actuel représentant du ministère des Affaires étrangères, Mark Grant, a rencontré les chefs du PPP et du PMLN, tandis qu’une délégation saoudienne était en route vers Islamabad pour des pourparlers. Nation soutient que l’envoyé britannique tentait de persuader Moucharraf de démissionner dans le cadre d’une entente visant à calmer la crise politique.

L’économie pakistanaise est en piètre état et les troubles sociaux s’accumulent. Le déficit commercial a augmenté de 52,9 pour cent dans l’année précédent juin pour atteindre 18 milliards US$, comparativement à 11 milliards $ l’année précédente. La hausse mondiale des prix du pétrole fut un important facteur. Le taux d’inflation annuel grimpa à un record de 32,2 pour cent dans la semaine se terminant le 25 juillet. La valeur de la devise pakistanaise n’est plus que de 72 roupies pour 1 dollar américain. La bourse de Karachi a perdu 35 pour cent de sa valeur depuis avril, causant des manifestations dans les rues. La dette du Pakistan à l’étranger s’élève à plus de 46 milliards $.

Pour les travailleurs ordinaires, la vie est de plus en plus difficile. Les prix de l’essence, du transport et de la nourriture ont grimpé abruptement. Les pannes de courant sont fréquentes. Le chômage augmente. Bien que la destitution de Moucharraf puisse fournir une diversion temporaire, ni le PPP ou le PML n’ont de solutions à apporter aux problèmes économiques et sociaux insolubles du pays. Au même moment, le gouvernement fait face à une large opposition à cause de son soutien à l’occupation américaine de l’Afghanistan  et des opérations militaires pakistanaises dans les FATA. Tout cela crée les conditions pour une nouvelle éruption politique.

(Article original anglais paru le 14 août)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés