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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Réunion de l’OTAN à Bruxelles: les Etats-Unis intensifient leur pression

Par Stefan Steinberg
22 août 2008

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Suite à des pressions intenses exercées par les Etats-Unis, une déclaration commune condamnant un usage « disproportionné » de la force militaire par la Russie et la « destruction délibérée d’infrastructures civiles » dans le conflit avec la Géorgie fut publiée mardi à Bruxelles lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN.

Dans cette déclaration, les ministres des Affaires étrangères des 36 Etats-membres réaffirment « les principes d’indépendance, de souveraineté et d’intégrité territoriale de la Géorgie », une formule diplomatique rejetant les exigences soutenues par Moscou d’indépendance des provinces contestées d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie.

Cette déclaration rejette sur Moscou la responsabilité de la guerre de cinq jours qui a éclaté entre la Géorgie et la Russie après que le gouvernement géorgien ait attaqué l’Ossétie du Sud le 7 août. Elle déclare « les actions militaires doivent cesser de façon définitive et les forces militaires doivent regagner les positions qu’elles occupaient avant le déclenchement des hostilités. » Impliquant que la Russie avait violé les termes de l’accord de cessez-le-feu négocié la semaine passée par le président français Nicolas Sarkozy au nom de l’Union européenne, elle appelle la Russie à « agir immédiatement pour retirer ses troupes des zones qu’elle est censée quitter… »

Les Etats-Unis et la Russie sont en désaccord sur les termes de l’accord de cessez-le-feu. Washington insiste pour que la Russie rappelle sur son territoire l’ensemble des forces militaires qu’elle a envoyées en Géorgie après le 7 août. La Russie, se référant à une disposition lui permettant de prendre des mesures non spécifiées, revendique le maintien d’une présence militaire renforcée en Ossétie du Sud et le déploiement de troupes à l’intérieur de la zone tampon qui entoure les provinces contestées.

Le président russe Dmitri Medvedev a dit mardi à Sarkozy que le retrait militaire de la Russie serait achevé d’ici les 21-22 août à l’exception de quelque 500 hommes stationné à des postes de part et d’autre de la frontière de l’Ossétie du Sud.

En réaffirmant le soutien de l’OTAN pour la Géorgie, la déclaration publiée mardi a annoncé la création d’une Commission OTAN-Géorgie pour superviser « la reconstruction économique de la Géorgie », en laissant ouvert la possibilité d’examiner d’« éventuelles autres demandes d’assistance de la Géorgie. » La création de cette commission fut rattachée à une déclaration de soutien publiée en avril dernier pour une éventuelle adhésion de la Géorgie à l’OTAN, chose à laquelle la Russie s’oppose avec véhémence comme étant une menace à sa sécurité.

Lors du sommet de l’OTAN, en avril à Bucarest, les Etats-Unis n’avaient pas réussi à obtenir le soutien de l’Allemagne, de la France et d’autres puissances européennes majeures pour leur projet d’adhésion de l’ancienne république soviétique qui l’aurait permis de rejoindre rapidement l’alliance militaire dominée par les Etats-Unis. La déclaration publiée mardi précise que l’OTAN reconsidérerait la demande d’adhésion de la Géorgie lors du prochain sommet de l’OTAN devant se tenir en décembre.

En ce qui concerne la Russie, la déclaration a remis en question le Conseil OTAN-Russie qui avait été mis en place en 2002, déclarant que l’OTAN « ne pouv[ait] pas continuer à agir comme si rien ne s’était passé » avec Moscou.

Lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion, le secrétaire de l’OTAN, le général Jaap de Hoop Scheffer a dénoncé ce qu’il appelait « l’occupation » par la Russie d’« une grande partie de la Géorgie ». A la question de savoir si l’OTAN envisageait des projets militaires d’aide à la Géorgie, de Hoop Scheffer a dit, « La réponse est non. Je pense que nous avons mis en place ce dont nous avons besoin. »

La réunion de l’OTAN a de justesse évité de prendre des mesures plus punitives suggérées par des responsables américains, telles la suppression du Conseil OTAN-Russie. Toutefois, la déclaration publiée par les membres de la réunion était rédigée sur un ton hautement conflictuel.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergeï Lavrov, a réagi rapidement. Dans une allocution télévisée, il a accusé l’OTAN d’être « tendancieuse et unilatéraliste » disant que l’alliance atlantique « tentait de faire d’un agresseur une victime, de blanchir un régime criminel en essayant de le secourir. »

Dans les jours qui ont précédé la réunion, le gouvernement Bush a continué d’intensifier sa rhétorique de style Guerre froide contre la Russie ainsi que les mesures diplomatiques et militaires d’un caractère extrêmement provocant. Un porte-parole du Pentagone a dit lundi que l’armée américaine projetait d’accroître sont aide « humanitaire » à la Géorgie et le New York Times a cité mardi un « haut fonctionnaire gouvernemental » disant que les Etats-Unis vendraient aux Géorgiens des armes antimissiles transportables pour se défendre contre les frappes aériennes russes.

Dans l’avion qui l’emmenait à Bruxelles, la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, a pour la première fois depuis l’éclatement de la crise en Géorgie, soulevé la question de vols de bombardiers russes au large de la côte de l’Alaska. Moscou avait débuté ces vols après que les Etats-Unis et l’Europe eussent reconnu en février l’indépendance du Kosovo de la Serbie, un allié traditionnel de la Russie. Rice a qualifié les vols de « jeu très dangereux. » Elle a ajouté que les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN ne permettraient pas à la Russie de « tracer une nouvelle ligne à travers l’Europe. »

Après la réunion de Bruxelles, Rice se rendra mercredi à Varsovie où elle signera un accord qui avait été annoncé la semaine dernière sur le déploiement d’un système antimissile en Pologne. L’accord représente une provocation de taille contre la Russie et prévoit le déploiement de batteries antimissile Patriot américaines et le stationnement permanent de troupes américaines à quelques centaines de kilomètres seulement de la frontière russe.

En dépit du ton agressif affiché par la déclaration de l’OTAN il existe des différences significatives entre d’une part les pays clé de l’Europe occidentale et d’autre part les Etats-Unis et leur clique de régimes droitiers d’Europe de l’Est et d’Europe centrale.

Des politiciens européens influents ont mit en garde contre toute rupture des relations avec la Russie et ont exprimé leur opposition aux tentatives de l’isoler. Ceux qui sont en faveur du maintien de bonnes relations de travail avec la Russie dépassent les clivages politiques traditionnels et incluent des personnalités venant à la fois du camp conservateur et social-démocrate.

Avant la réunion de Bruxelles, le président du parlement européen, Hans Gert Pöttering de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) a dit, « Nous devons être prêts à dialoguer… nous ne pouvons pas nous permettre d’isoler la Russie. »

Le président du Comité des affaires étrangères du parlement allemand, Ruprecht Polenz (CDU), s’est exprimé contre une rapide entrée de la Géorgie dans l’OTAN.

L’adversaire le plus éloquent de la campagne d’isolement de la Russie est l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder (Parti social-démocrate, SPD). Dans une interview publiée dans la dernière édition du magazine Der Spiegel, il a dit que les relations avec la Russie ne devaient pas être mises en danger à cause de la crise géorgienne.

Schröder a catégoriquement rejeté une adhésion de la Géorgie à l’OTAN dans un proche avenir. Il a dit : « Imaginez si nous étions forcés d’intervenir militairement pour la Géorgie membre de l’OTAN, pour un joueur invétéré, car c’est comme tel que [le président géorgien Mikheil] Saakachvili devrait être qualifié. La Géorgie et l’Ukraine doivent d’abord résoudre leurs problèmes de politique intérieure, et ils en sont encore loin. Je vois les chances de la Géorgie encore plus éloignées compte tenue des récents événements dans le Caucase et dans ce contexte, j’ai du mal à suivre les promesses plutôt ostentatoires faites par le secrétaire général de l’OTAN, il y a quelques jours. »

Suite à la réunion de l’OTAN, le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier (SPD), a exprimé l’espoir d’un dialogue renouvelé avec la Russie et a demandé à ce que le Conseil OTAN-Russie soit convoqué rapidement après le retrait des troupes russes. « D’après ce que j’ai compris, » a-t-il dit, « le Conseil OTAN-Russie n’est pas qu’un comité pour quand les choses vont bien. Il est indispensable lorsque nous nous trouvons en difficultés. »

Même le ministre des Affaires étrangères britannique, qui s’était généralement aligné derrière les Etats-Unis, a exprimé des réserves quant à certaines mesures particulièrement draconiennes soulevées à Washington. Dans un article du London Times de mardi, David Miliband a écrit que « l’isolement avait été appliqué dans le passé et n’a pas fonctionné. Je préconise un engagement pratique. » Il a ajouté qu’il rejetait l’exclusion de la Russie du groupes des huit nations industrialisées, comme l’avait proposé le candidat républicain américain à la Maison Blanche, John McCain.

Il y a une vive inquiétude en Europe de l’Ouest que la nouvelle confrontation de type Guerre froide entre les Etats-Unis et la Russie ne divise l’Union européenne. Les gouvernements d’un certains nombres d’Etats d’Europe de l’Ouest, tels l’Allemagne, la France et l’Italie sont précipités dans une crise par le réalignement de la politique étrangère adopté par les Etats-Unis.

Les dirigeants politiques influents de France et d’Allemagne qui ont fait connaître leur opposition à la politique étrangère et militaire unilatérale du gouvernement Bush avaient placé des espoirs dans un changement de ligne après les élections présidentielles en novembre. Toutefois, en ce qui concerne la question de l’attitude des Etats-Unis envers la Russie, ils ont été amèrement déçus. Les candidats présidentiels des Démocrates et des Républicains essaient de se surpasser l’un l’autre dans leurs déclarations d’hostilité envers Moscou.

Zbigniew Brzezinski qui fut le conseiller de sécurité nationale du président Jimmy Carter, figure parmi les critiques les plus belliqueux de la Russie et est à présent le conseiller clé du candidat présidentiel démocrate, Barack Obama. Après le déclenchement des hostilités en Géorgie, Brzezinski a déclaré que l’action entreprise par le premier ministre russe, Vladimir Poutine, était « tout aussi horrifiante que celle de Staline et de Hitler dans les années 1930. »

Dans une récente interview, Brzezinski avait été catégorique et avait réclamé une action punitive contre la Russie. « Non seulement l’occident, mais le reste de la communauté internationale, doivent montrer clairement que ce genre de posture entraîne un ostracisme et des pénalités économiques et financières. Finalement, si la Russie poursuit dans cette voie, elle sera confrontée à l’isolement dans la communauté internationale. »

Il poursuivit en disant que des mesures de représailles devaient aller au-delà de l’exclusion de la Russie du G-8 et prendre la forme d’un « effort concerté à tous les niveaux, aux Nations unies, au Conseil Atlantique, dans l’UE et à l’OTAN, en consultation avec les Japonais, les Chinois et autres… »

Dans son livre, « Le grand échiquier et le reste du monde » (The Grand Chessboard), Brzezinski défend l’éclatement de la Russie en « une Russie européenne, une république de Sibérie et une république d’Extrême-Orient » qui, dit-il, ferait que le pays aurait moins de « visées impérialistes. »

Hauke Ritz, un analyste allemand en vue de la politique étrangère, a récemment publié un article affirmant que l’échec de la poussée américaine en Eurasie du Sud (Irak et Afghanistan) a signifié que l’expansion de l’OTAN à l’Europe de l’Est jouit d’une certaine priorité. Il a écrit : « Cela signifie cependant une incursion massive dans la sphère d’influence de la Russie… après l’Iran, la Russie se trouve à présent dans la ligne de mire de la géopolitique américaine. »

Le fait qu’il règne au sein des milieux politiques américains un consensus sur un cours de la confrontation avec la Russie intensifie le grand dilemme de l’Europe. N’étant pas en mesure de risquer un conflit militaire avec les Etats-Unis, les puissances européennes risquent d’être réduites au statut de pions avec l’intervention de plus en plus irresponsable des Etats-Unis en Europe de l’Est et en Russie.

(Article original paru le 20 août 2008)


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