Le président Nicolas Sarkozy a annoncé le 4 avril un budget
d’austérité visant à réduire le déficit public s’élevant à 50,3
milliards d’euros en 2007 et représentant 2,7 pour cent du PIB. Cherchant
à faire passer les réductions de la dépense publique pour des réformes
nécessaires à une gouvernance efficace, tout le monde (y compris la presse
bourgeoise de droite) voit ce budget comme un tour de vis sur le niveau de vie
des gens ordinaires.
Annonçant que d’ici 2011, 7 milliards d’économies
devaient être réalisées, Sarkozy a cherché à donner l’impression de
maîtriser les choses : « Ce ne
sont pas les économies qui feront la réforme, c'est la réforme qui permettra
les économies. C'est la différence entre la rigueur et la réforme. »
La France prendra la présidence de l’Union européenne (UE) en juin et
s’est engagée à réduire à zéro son déficit public d’ici 2012,
objectif impossible à atteindre sans procéder à des attaques en règle sur les
acquis sociaux.
Le niveau des dépenses publiques de la France représente 53,4
pour cent de son PIB, soit le niveau le plus élevé de la zone euro. Une récente
réunion des ministres des Finances de l’UE a soutenu la demande que la France
réduise son déficit et réforme plus rapidement sa dépense publique. La
Commission européenne exige un budget équilibré d’ici 2010, alors que la
France repousse cette date à 2012. Le déficit pour les deux premiers mois de
2008 s’élève déjà à 22,7 milliards d’euros. Le ministre du Budget,
Eric Woerth a annoncé le 6 avril que de nouvelles économies étaient en
préparation et verraient le jour d’ici la fin de l’été lorsque
s’achèvera la Revue générale des politiques publiques (RGPP.)
A présent la France est à la traîne des autres pays de
l’UE avec un déficit commercial de 40 milliards d’euros (dont une
grande partie avec l’Allemagne) et une croissance économique prévue entre
1,5 et 1,7 au lieu des 2,5 tant vantés et promis par Sarkozy lorsqu’il
avait pris ses fonctions neuf mois auparavant. La crise financière
internationale et l’augmentation de la valeur de l’euro ont mis à
mal les prédictions de Sarkozy. De ce fait, une autre réunion du Comité de
modernisation des politiques publiques est fixée pour le mois de mai afin
d’intensifier les coupes nécessaires dans le budget.
Le premier ministre François Fillon avait clairement fait
savoir il y a quelques mois que la France est « un Etat en situation
de faillite. » Ainsi, ces mesures ne font que souligner les problèmes du
capitalisme français qui tente depuis quelque temps de faire face à la
concurrence mondiale. Et les effets sur la France de la récession mondiale
prévue pour 2008-2009 ne sont même pas pris en compte.
La liste actuelle des coupes (au nombre de 166) n’est
donc qu’un aperçu de ce qui est à venir. Parmi ces mesures, on compte
35 000 postes de fonctionnaires (un fonctionnaire sur deux partant à la
retraite ne sera pas remplacé à partir de 2009) et la moitié des économies que
cela entraînera sera redistribuée aux fonctionnaires en poste.
Les travailleurs relativement bien payés qui vivent en HLM
(habitation à loyer modéré) verront leur plafond de ressources abaissé de 10
pour cent dans le calcul de leur loyer, ce qui conduira à des augmentations de
loyer. Le but est de faire passer de 70 à 60 pour cent le nombre de foyers
occupant ces logements à loyer contrôlé, contraignant ainsi des sections des classes
moyennes inférieures à se loger dans le secteur privé ce qui entraînera leur paupérisation.
Toutes les mesures financières existantes, permettant aux travailleurs de
prendre une retraite anticipée avec l’aide de l’Etat, sont
éliminées.
Une limite stricte sera imposée à tous ceux qui cherchent une
aide financière pour entrer dans le monde du travail au moyen du RSA (Revenu de
solidarité active) introduite par le haut commissaire à la solidarité active,
Martin Hirsch. Jusqu'à présent, ce dernier a été utilisé par le gouvernement
comme couverture humanitaire pour le programme néolibéral de Sarkozy. Hirsch qui
était directeur de l’association caritative Emmaüs avait été recruté au
gouvernement pour devenir celui qui devait contraindre les pauvres à trouver du
travail au lieu de vivre du minimum social de 447 euros par mois. La mise en
place du RSA allait coûter entre 2 et 3 milliards d’euros, mais il semble
à présent que ce projet sera abandonné pour des raisons de
« calibrage » de ce qu’il est financièrement possible de faire.
Hirsch a réagi avec vigueur : « Je suis venu avec un
projet, fruit du travail collectif de syndicalistes de responsable associatifs,
de partenaires sociaux [les employeurs], d’élus de droite comme de
gauche, j’en suis le gardien, la ligne est claire…Si on abandonne
le RSA », alors les autres réformes visant à diminuer la pauvreté
« seront déséquilibrées. » Le premier ministre Fillon a dit que le
projet n’était pas « enterré », mais qu’il était pour le
moment « trop coûteux ».
Une chasse aux sorcières contre les fraudes à la sécurité
sociale, des économies dans les coûts hospitaliers et de soi-disant impôts
censés contribuer à la sauvegarde de l’environnement fait aussi partie de
cet ensemble de mesures d’austérité. « Aucun ministère ne sera
écarté de la nécessité de la réforme », a déclaré Sarkozy. Le ministère de
l’Education a déjà annoncé que 11 200 postes d’enseignants
doivent être supprimés à la rentrée 2008. Sarkozy n’a pas fait référence
à cette question contestée qui a déjà fait descendre dans la rue, en nombres
toujours croissants, des dizaines de milliers de lycéens et d’enseignants
ces dernières semaines.
Le dirigeant du Parti socialiste François Hollande a réagi en
disant que « Nicolas Sarkozy avait été le candidat du pouvoir
d’achat, il sera le président de la rigueur. »
Laurent Fabius, ancien ministre socialiste, a critiqué Sarkozy
pour avoir fait cadeau d’un paquet fiscal de 15 milliards aux riches au
début de l’année. « Le gouvernement creuse un trou de 15 milliards
d’euros par an et, après dit : comment est-ce que je pourrais
combler le trou ? » a dit Fabius. « Il faut revenir sur une
partie importante [du paquet fiscal]. » Fabius a réclamé « des
dispositions pour encourager les PME… des mesures en direction des
petites rémunérations, des petites pensions. » Fabius s’est bien
gardé de mentionner comment son propre budget d’austérité, sous le
président François Mitterrand en 1984, avait attaqué le niveau de vie de la
classe ouvrière.
Les syndicats ont critiqué ces mesures d’austérité tant
pour leurs conséquences sur leurs adhérents que pour le manque de consultation
des syndicats sur leur application. Jean-Christophe Le Duigou du syndicat
contrôlé par les staliniens, la CGT (Confédération générale du travail) a
exprimé le sentiment de tous les dirigeants syndicaux quand il a dit :
« Ni les usagers, ni les citoyens, ni les fonctionnaires, ni les
organisations syndicales n’ont été associés à l’élaboration de ces
réformes….C’est finalement une approche technocratique par le
mauvais bout, on commence par les économies, on discutera peut-être ensuite des
missions publiques. »
Le regret exprimé de n’avoir pas été impliqué dans le
processus de consultation en dit long sur l’assentiment des syndicats quant
à la mise en place de toute la politique de Sarkozy jusqu’à présent. Le
Duigou est l’un des négociateurs syndicaux qui a trahi la lutte des
cheminots sur les régimes spéciaux de retraite en novembre dernier.
Les coupes budgétaires de Sarkozy ne sont en rien
technocratiques. Elles représentent une attaque politique contre les
travailleurs. Le syndicat FSU des fonctionnaires de l’Education a reconnu
que le plan d’austérité « va détériorer encore davantage la vie quotidienne professionnelle et
sociale de toute la population, mais plus particulièrement des plus précarisés
et démunis. »