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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : protestations des lycéens contre les restrictions dans l’éducation

Par Francis Dubois
21 avril 2008

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Des dizaines de milliers de lycéens et d´enseignants ont manifesté jeudi 10 avril pour la cinquième fois en deux semaines contre des mesures prises par le gouvernement conservateur du président Nicolas Sarkozy dans l´éducation et annoncées il y a quelques semaines par le ministre de l´Éducation Xavier Darcos.

Lors de cette cinquième journée de protestation, ce sont environ 30 000 lycéens, enseignants et étudiants venus de toute la région parisienne qui ont manifesté à Paris. Le nombre des manifestants s´est accru en permanence depuis que celles-ci ont commencé. La manifestation de jeudi était deux fois plus grande que celle qui a eu lieu deux jours auparavant.

Il y eut aussi dans les deux dernières semaines des manifestations importantes en province, comme à Lyon, Grenoble et Toulouse et dans des villes de moindre importance comme Blois, Tourcoing et Montpellier. A Toulon selon les chiffres des syndicats 4000 personnes ont défilé le 4 avril et à Grenoble 6000 lycéens et enseignants ont manifesté le 10 avril.

De nombreux lycées et collèges de la région parisienne ont été bloqués ou occupés par les élèves. Des assemblées générales où l´opposition aux nouvelles mesures est débattue par les lycéens, les parents et les enseignants se sont tenues parallèlement aux manifestations. Ce sont surtout les lycées professionnels et les établissements de banlieue qui se sont mobilisés et envoient des élèves aux manifestations, ce qui ne fut pas le cas dans les mouvements précédents. Les deux principaux syndicats de lycéens avaient appelé à une « mobilisation massive » le 10 avril.

Les manifestations furent accompagnées d’une forte présence policière et ont été confrontées à des provocations répétées de la part des forces de l´ordre et du gouvernement. Suivant un modèle bien défini, des groupes de jeunes précédent les manifestations et jettent des projectiles sur la police, à quoi la police répond en chargeant et en arrêtant des manifestants. Ce qui est ensuite utilisé par le gouvernement afin de justifier de nouvelles intimidations et de présenter les manifestations comme « génératrices de violence » et par conséquent illégales. La manifestation de mardi fut dispersée avant qu´elle ait pu atteindre sa destination.

Mardi encore, le ministre de l´Education mit directement sur le même plan l´opposition à ses mesures et un certain nombre d’« incidents » ayant eu lieu dans des lycées, sur lesquels les médias se sont jetés et au cours desquels des enseignants et des proviseurs furent molestés. Il dit sur la station de radio LCI : « … que l'on ait des élèves qui arrivent dans un établissement pour tout casser, qu'ils molestent nos professeurs ou qu'ils volent les portables de leurs camarades ou qu'ils cassent la figure à des proviseurs, tout ça parce qu'à la rentrée prochaine il va y avoir une classe où ils étaient 32 — ils vont être 33 — ou parce qu'il y avait 100 professeurs - ils vont être 98 — je trouve que tout ceci prend des proportions qui ne sont pas raisonnables. »

A plusieurs reprises les forces antiémeutes ont dispersé des rassemblements pacifiques des lycéens devant leurs établissements. Le 4 avril à Creil, dans la banlieue sud-est de Paris, la police a dispersé plus d´une centaine d’étudiants à l´aide de gaz lacrymogènes. Un lycéen fut arrêté et il ne fut libéré qu’après que des parents et des enseignants se soient mobilisés. A Gagny, une banlieue de l’Est parisien l´entrée d´un lycée fut « dégagée » le premier avril par les CRS à l´aide de gaz lacrymogènes et de flash balls, ce qui déclencha une forte protestation de la part de jeunes, de parents et d’enseignants dans toute la région.

La semaine dernière, Darcos essaya de minimiser les protestations disant qu´elles ne représentaient que deux pour cent des lycées en France, mais mardi il déclarait que les protestations « prenaient des proportions hystériques » étant donné ce qui était en jeu. Le gouvernement accusa aussi les enseignants du second degré d’être derrière les protestations et de « se servir » des étudiants pour réaliser leurs propres objectifs. Darcos est cité dans un article du Nouvel Observateur comme ayant dit, dans ce qui se lit comme une menace voilée « qu’il souhait [ait] "dire à certains professeurs extrémistes" de réfléchir "au risque qu'il y a à jeter des élèves dans la rue" ».Darcos a aussi décidé, quelques jours après le début des manifestations, de payer une prime de 750 euros aux chefs d´établissement, ce que d´aucuns ont considéré comme une façon de les soudoyer.

Comme dans d´autres pays européens, on se sert des études Pisa, réalisées sous l´égide de l´OCDE et qui doivent évaluer l’efficacité des systèmes scolaires de divers pays, afin de justifier l´imposition de changements drastiques dans l´Education.

Les lycéens et les enseignants protestent contre une suite de mesures justifiées par le besoin de « moderniser » un système éducatif obsolète, mais considérées par beaucoup comme une tentative d´imposer des coupes sombres aux dépens des jeunes et des personnels de l´éducation et comme aggravant les problèmes qu´ont déjà les élèves les plus désavantagés à obtenir une qualification.

La mesure sur laquelle les protestations se sont concentrées jusque-là est l´élimination de plus de 11 200 postes d´enseignants (dont 8800 dans le secondaire) prévue pour la rentrée scolaire de 2008. Ces suppressions de postes ont été justifiées par le gouvernement par une réduction du nombre d’élèves du secondaire.

Leo Moreau, le vice-président de l´UNL (Union nationale des lycéens) un des deux syndicats lycéens participant aux protestations déclara : « On supprime des postes dans une proportion bien plus grande que ce que justifierait la baisse démographique. » Il critiqua aussi la suppression de certaines options comme le dessin, la musique et même les langues étrangères, ainsi que l’augmentation du nombre d’élèves dans des classes déjà surchargées.

Cité dans Le Monde du 4 avril Alain Olive, le secrétaire général de l´Unsa (Union nationale des syndicats autonomes) un syndicat enseignant, dit que « Sur la lancée actuelle, d'ici à 2012, ce sont 85 000 postes d'enseignants en moins avec 150 000 élèves en plus dans le système scolaire. »

Le syndicat lycéen FIDL (Fédération indépendante et démocratique lycéenne) déclara : « Ces suppressions affectent principalement les lycées des banlieues qui, précisément, auraient le plus besoin d'effectifs ». La destruction de postes d´enseignants signifie souvent la disparition de classes ou d´options et a souvent pour résultat une surcharge de travail pour les enseignants encore en poste. Ceci est présenté par le gouvernement comme un encouragement à travailler plus et a été fortement opposé par les enseignants.

Il existe aussi des inquiétudes que de nombreuses options jugées non essentielles, comme le dessin, la musique théâtre et d´autres matières similaires seront mises au rebut.

Une autre mesure à laquelle se sont opposés lycéens comme enseignant est la préparation du « bac pro », le baccalauréat professionnel non plus en quatre mais en trois ans et l´élimination du Brevet d´étude professionnel (BEP), une qualification qui peut être obtenue après deux années de préparation du bac pro. Le bac pro fut introduit en 1986 et il est jusqu´à présent préparé en quatre ans au lieu de trois pour le baccalauréat général. Le BEP est aussi une qualification mieux considérée que le CAP (Certificat d´aptitude professionnelle) introduit en 1919. La suppression du BEP signifie que de nombreux jeunes seront découragés et interrompront leur scolarité avant de passer un bac pro, ce qui les laisserait avec une qualification incertaine comme le CAP.

Une troisième mesure à laquelle s´opposent les lycéens est la suppression de la carte scolaire. Celle-ci réglemente la distribution des ressources et des enseignants et la répartition des élèves dans les écoles publiques. Elle fut introduite en 1963 et elle instaurait un certain niveau d´égalité des ressources et des normes éducatives à travers le système scolaire d´Etat. Ces dernières années, elle fut remise en cause par divers gouvernements qui l´ont modifiée en introduisant un système de dérogations. Les familles aisées sont capables de contourner les règles et de scolariser leurs enfants dans les écoles et les lycées qui fonctionnent mieux, hors de la carte scolaire. La candidate du PS à l´élection présidentielle, Ségolène Royal, était, elle aussi, en faveur d´une modification de la carte scolaire dans le but de généraliser cette pratique au détriment de districts les plus pauvres.

Le gouvernement Sarkozy a annoncé qu´il voulait supprimer la carte scolaire qui fait que les enfants sont normalement envoyés dans l´école ou le lycée des districts dans lequel ils vivent. La suppression de ce système est la porte ouverte à une éducation à deux vitesses. Parallèlement à cela, le gouvernement envisage la fermeture des établissements qui « échouent » et de les rouvrir sous d´autres conditions comme cela fut fait par le gouvernement Blair en Grande-Bretagne et qui eut des résultats désastreux.

Sous le mot d´ordre de « rétablir l´autorité du professeur », le gouvernement veut aussi généraliser la pratique introduite il y a quelques années de signaler tout « incident » ayant lieu dans un établissement scolaire à l´autorité judicaire. Cette décision est considérée comme un abandon du principe éducatif et l´adoption de mesures autoritaires et répressives.

Malgré l´expérience de la grève des cheminots contre la destruction des régimes spéciaux et du mouvement étudiant contre la loi Pécresse de privatisation des universités l´automne dernier, la perspective des deux principales organisations lycéennes engagées dans les manifestations et celle des syndicats enseignants est restée la même : faire pression sur le gouvernement pour l´ouverture d´un dialogue et pour une discussion des attaques. Le principal but des manifestations est, pour elles, de garantir que les représentants lycéens soient invités par le gouvernement à des négociations.

Ainsi, après la manifestation de jeudi dernier, le président de l’UNL, Florian Lecoultre, cité dans le Journal du jeudi dit que « Le rapport de forces [était] désormais bien établi », ajoutant que le ministre ne pouvait plus se permettre de ne pas écouter les revendications lycéennes.et que « la mobilisation continuera tant que nous n'aurons pas de réponses ».

La lutte des étudiants en septembre dernier contre la loi d’« autonomie » des universités de la ministre de l´Enseignement supérieur s´est finie dans l´épuisement et la défaite après trois mois de confrontation. L´isolement de cette lutte par les syndicats d´enseignants et d´autres a permis que les étudiants soient battus. C’était une répétition de la trahison des cheminots quelques semaines auparavant. Les leçons de la lutte des étudiants signifient que les lycéens et les enseignants doivent rompre avec l´influence paralysante des syndicats et des partis politiques officiels, prendre eux-mêmes la lutte en main et se tourner vers la classe ouvrière dans son ensemble.

Darcos a expliqué nettement que même s´il dialoguait avec les organisations lycéennes et enseignantes il ne reconsidèrera pas ses mesures. Le premier avril il dit que le gouvernement : « ne reviendra pas sur ces suppressions : elles ont été largement discutées depuis août, et votées par le Parlement en novembre ». Et d´ajouter « Même si je voulais revenir en arrière, je ne peux pas. » La bourgeoisie française réalise ces attaques de grande envergure sur l´Education parce qu´elle fait face à une compétition intense de la part de ses rivaux impérialistes dans les conditions d´une sévère crise économique internationale.

Les syndicats ne s´opposent pas à la discussion d´une « réforme » de l´Education avec le gouvernement. Leur seule condition préalable est d’être consultés. Le retrait des suppressions d´emplois est une monnaie d´échange pour commencer une discussion sur une « réforme plus générale » de l´Education. L’UNL déclare ainsi le 4 avril sur son site internet qu´elle réaffirme sa demande de retrait des suppressions de postes comme condition préalable à une réforme réelle de l´Education. 

Dans la même déclaration appelant à des manifestations les 8 et 10 avril, ce syndicat écrit qu´il souhaite : « une réforme du lycée… mais considère qu’elle ne peut être réalisée sans consultation et sur la base de suppression massive des ressources dans le but de faire des économies de budget sur le dos des lycéens. »

De la même manière la principale revendication de la FIDL après la manifestation du 3 avril a été d’être reçue par le ministre de l´Education. Après avoir appelé à deux nouvelles manifestations les 8 et 10 avril la FIDL dit avec détresse qu’elle réaffirmait « sa volonté d’être reçue par Xavier Darcos, afin qu´il écoute enfin les revendications et les inquiétudes des lycéens ». Le ministre, face à l’ampleur de la mobilisation « doit assumer son rôle et recevoir les organisations représentatives ».

(Article original anglais paru le 12 avril 2008)


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