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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Grèves pour les hausses de salaire dans le secteur public : les travailleurs ont besoin d’une nouvelle perspective politique

Une déclaration du Parti de l’égalité sociale (Partei für soziale Gleichheit, PSG Allemagne)
18 avril 2008

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Le lundi 31 mars fut annoncée en Allemagne la signature d’un nouvel accord tarifaire concernant plus de deux millions de travailleurs du secteur public et des collectivités locales. Son principal objectif est d’empêcher que la grève pour des salaires plus élevés dans les secteurs public et privé ne se développe en un mouvement plus ample dirigé contre le gouvernement et qui pourrait défier sa politique de redistribution des richesses du bas vers le haut de la société.

Comparé à la perte réelle de salaire que les travailleurs du secteur public ont eu à subir ces dernières années, le nouveau contrat n’est qu’une goutte d’eau dans la mer. Le syndicat Verdi le fête comme un grand succès, mais ce n’est là que de la poudre aux yeux.

L’accord comprend une hausse des salaires de base d’environ 50 euros en plus d’une augmentation de 3,1 pour cent cette année. Selon Verdi, ceci correspond à une augmentation moyenne de salaire de 5,1 pour cent. Verdi a abandonné la revendication initiale d’une augmentation de 200 euros des salaires de base qui aurait considérablement amélioré les petits revenus. L’année prochaine, il y aura un paiement unique de 225 euros en plus d’une hausse de 2,8 pour cent. Toutefois, ceci sera en grande partie compensé par une augmentation du temps de travail dans les communes ouest-allemandes, passant de 38,5 à 39 heures par semaine.

Sur les deux ans à venir, les salaires moyens augmenteront donc d’un peu plus de 5 pour cent. Au mieux, ceci suffira juste à compenser les effets de la hausse rapide de l’inflation, mais ne compensera pas le gel des salaires de ces trois dernières années et demie, sans même parler des conséquences de la politique de coupes sombres appliquée durant la dernière décennie et ayant entrainé la perte d’un tiers des emplois dans le secteur public.

Un coup monté

Les employeurs du secteur public savaient depuis longtemps qu’il ne leur serait pas possible d’éviter de faire des concessions salariales cette année. Compte tenu de taux de croissance en hausse, de rentrées fiscales abondantes, d’excellents résultats des entreprises et de traitements exorbitants des personnels de direction des grands groupes, la colère accumulée des travailleurs du secteur public, qui avaient dû accepter un gel ou une réduction de salaire durant de nombreuses années, était tout simplement trop grande. Verdi, le syndicat qui avait négocié ce gel des salaires, avait perdu des adhérents en masse.

Même certains économistes conservateurs ont mis en garde que le fossé grandissant entre la croissance économique et le pouvoir d’achat mènerait à des problèmes de demande intérieure dans une économie allemande fortement tributaire de l’exportation. Et les salaires extrêmement bas du secteur public signifient que des communes où la vie est chère, par exemple Munich, ont maintenant du mal à trouver des instituteurs, des policiers et des postiers.

Pour les employeurs du secteur public, la première tâche n’était pas d’imposer un renouvellement de contrat sans augmentation de salaire, mais de faire en sorte que la combativité des travailleurs s’essouffle et que l’accord conclu reste relativement modeste ; ce qu’ils ont en grande partie réussi à faire. Le nouvel accord coûtera 9,5 milliards d’euros aux communes, c'est-à-dire moins que les 10 milliards d´euros que le gouvernement fédéral a jetés en pâture aux entreprises l’an dernier en abaissant la taxe professionnelle de 25 à 15 pour cent.

Le Süddeutsche Zeitung a commenté ce que les employeurs ont qualifié de « compromis douloureux » en remarquant que ce sont « des douleurs pour lesquelles ils pourraient être reconnaissants un jour ». L’Etat devrait « littéralement être reconnaissant aux syndicats de les avoir en fin de compte forcés à mieux payer ses salariés » et pour Verdi « la solution représente une victoire dont il avait un besoin urgent. Il peut à présent affirmer avoir obtenu une augmentation de plus de huit pour cent. »

Ce que le Süddeutsche Zeitung ne mentionne pas c’est ce qui, pour le gouvernement fédéral, constitue certainement le résultat le plus important de cet accord : il a épargné à la grande coalition (CDU-SPD) affaiblie par des querelles internes un conflit social de grande envergure et qui aurait coûté bien plus cher que l’accord salarial et auquel elle n’aurait probablement pas survécu. Le gouvernement peut à présent poursuivre tranquillement la voie de la consolidation budgétaire et de la privatisation des entreprises publiques.

Le gouvernement le doit en premier lieu à Verdi qui a fait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter une confrontation ouverte avec lui. Les attentes de ses membres ont obligé Verdi à appeler à la grève dans plusieurs régions. Mais le syndicat a tout fait pour que les grèves individuelles restent isolées les unes des autres de façon à ce qu’un mouvement commun des millions d’employés du secteur public ne se réalise pas. Un tel mouvement aurait facilement pu échapper au contrôle de la direction syndicale et, comme c’était le cas lors de la grève du secteur public de 1974, causer de sérieux problèmes au gouvernement. C’est ce que Verdi a voulu éviter à tout prix.

Frank Bsirske, le président de Verdi, a tout fait pour qu’une grève s’achève ou soit interrompue avant que l’autre ne commence. Il a couru d’une commission de négociation à l’autre et resta mobilisé des nuits entières pour étouffer le déclenchement d’une conflagration plus large.

Verdi a débuté le conflit du secteur public par des grèves d’avertissement exceptionnellement vastes sur le plan national. Plusieurs aéroports furent fermés, ce qui a tout de suite sérieusement entravé le trafic aérien. Mais cette entrée en scène tapageuse ne servait à rien d’autre qu’à relâcher la pression. Il était clair de prime abord qu’avec l’ouverture du processus de conciliation, les syndicats mettraient un terme à toutes les grèves. Verdi a alors profité du temps qu’il avait gagné pour, tout en commençant de nouvelles manœuvres, empêcher un vote de ses membres en vue d´une grève prolongée.

Le processus de conciliation avec les employés gouvernementaux et municipaux avait à peine commencé que Verdi lançait une grève dans les transports publics urbains de Berlin (BVG). Bien que celle-ci ait paralysé le système de transport urbain de la capitale durant douze jours, elle resta totalement isolée. Verdi a organisé une grève complètement passive, demandant aux grévistes de rester à la maison et sans appeler à la moindre manifestation ou action de solidarité digne de ce nom. Finalement, le syndicat arrêta la grève, abandonnant les revendications initiales, juste avant que le conflit ne reprenne dans le secteur public au moment où étaient annoncés les résultats de la conciliation.

Ce qui a aussi fortement contribué à l’isolement des travailleurs des transports urbains de Berlin a été la signature, par le syndicat des conducteurs de train GDL (Gewerkschaft Deutscher Lokomotivführer) de la convention collective, et ce à l’initiative du ministre fédéral des Transports, la veille même de la grève des travailleurs du BVG. Ce qui entraina que les transports ferroviaires urbains de la capitale continuèrent de rouler, limitant ainsi considérablement l’efficacité de la grève du BVG. L’année dernière, Verdi avait à plusieurs reprises attaqué la grève des conducteurs de train, soutenant le syndicat jaune Transnet.

Sitôt le nouvel accord des travailleurs gouvernementaux et municipaux signé à Potsdam, Verdi lançait un appel à la grève dans les postes. Et le lendemain était annoncé un vote en vue d´une grève dans la distribution où, durant près de neuf mois, Verdi avait été engagé dans des négociations salariales « presque oubliées ». Et le 10 avril, Verdi envisage d’appeler à un vote des travailleurs du secteur public de Berlin, qui a quitté l’association des employeurs municipaux, et tout cela après que soit terminée la lutte avec les employeurs fédéraux et locaux et avec la direction du BVG !

Le démantèlement du secteur public

La manière de faire de Verdi a de la méthode. Le syndicat est étroitement lié, à tous les niveaux, fédéral, régional et local, avec le gouvernement et les partis gouvernementaux, et partage leur politique. Tout comme eux, il est convaincu que les dépenses publiques doivent être assainies aux dépens des travailleurs et se considère comme partie intégrante du « cartel tarifaire » qui veille à ce que les revendications des travailleurs ne dépassent pas certaines limites.

Les fonctionnaires de Verdi changent souvent d’affectation, passant du syndicat au gouvernement et inversement. Le leader de Verdi, Frank Bsirkse, a été directeur du personnel à la ville de Hanovre où il a assuré la destruction de 1000 emplois sur quelque 16 000 emplois existant, avant de devenir le président du syndicat. On peut trouver dans les administrations publiques et les associations d’employeurs un grand nombre de fonctionnaires qui ont fait carrière dans les syndicats et dont ils sont restés membres.

La proximité de Verdi au gouvernement devint tout particulièrement apparente à l’époque de la coalition gouvernementale entre le Parti social-démocrate (SPD) et les Verts (1998-2005). Sans le soutien actif de Verdi et des autres syndicats, le gouvernement de Gerhard Schröder n’aurait pas été en mesure de faire passer son « Agenda 2010 » de réformes antisociales. A présent, la grande coalition qui poursuit la politique de la terre brûlée de Schröder, jouit du plein soutien de Verdi. Grâce à l’aide de Verdi, les deux gouvernements ont transformé le service public en un secteur à bas salaire et aux conditions de travail déplorables.

Deux tiers des travailleurs employés par des communes gagnent aujourd’hui moins de 2500 euros brut par mois. Le démantèlement de quelque 2,2 millions d’emplois a eu pour conséquence l’intensification du travail et l’exigence permanente d´accroitre la productivité. De nombreuses entreprises communales ont été privatisées. Les bas salaires payés par ces opérateurs privés ou semi-privés servent à présent à imposer des conditions de travail encore plus médiocres dans le secteur public.

Il y a trois ans, Verdi a signé une convention collective pour le secteur public prévoyant des réductions drastiques de salaires et des acquis sociaux tout en introduisant des bas salaires unitaires. Nombreux étaient les travailleurs qui ont dû renoncer à 12 pour cent de leur salaire. Dans le même temps, les primes de Noël étaient réduites et les primes de vacances étaient supprimées. Les salariés nouvellement embauchés reçoivent maintenant moins des deux tiers du salaire de ceux qui sont déjà en poste.

Les milliards d’euros économisés sont immédiatement allés au patronat et aux riches par le biais de réduction d’impôts.

En 2000, le gouvernement SPD/Verts a adopté la réforme fiscale la plus vaste que l’Allemagne ait connue depuis 1949 suite à quoi de nombreuses entreprises et millionnaires furent exemptés d’impôts. Les richesses accumulées par les PDG prirent des formes grotesques. Le PDG de Porsche, Wiedeking a engrangé 54 millions d’euros l’année dernière, celui de la Deutsche Bank Ackermann, 14 millions d’euros, le président de la Deutsche Bahn, Mehdorn, 3,2 millions d’euros. Les revenus des PDG des sociétés classées à l’indice DAX de la bourse de Francfort ont augmenté de 62 pour cent depuis 2002. Compte tenu de l’inflation, les revenus des couches inférieures de la société ont eux baissé de 13 pour cent depuis 1992.

Ceci n’a pas empêché la grande coalition de faire passer en 2007 une nouvelle réforme de la taxe professionnelle. Elle réduisait la taxe professionnelle des sociétés de capitaux de 25 à 15 pour cent et les impôts sur les bénéfices et les dividendes de 44 à 26 pour cent.

Tâches politiques

La dévastation sociale se poursuivra également à l’avenir. Les effets de la crise financière internationale accéléreront encore les attaques contre la classe ouvrière. Cette crise a montré clairement quel degré de décomposition le système capitaliste a déjà atteint dans son ensemble. Les milliards perdus dans les spéculations financières sont récupérés sur le dos de la population. Une oligarchie financière corrompue pille la société, refusant de payer des impôts et vivant dans un luxe sans bornes tout en prêchant le renoncement à l’adresse des autres. Et tous les partis traditionnels et les syndicats sont prostrés à leurs pieds.

Ce n’est pas seulement le cas des chrétiens-démocrates (CDU) et du SPD qui forment le gouvernement fédéral et des Verts qui deviennent de plus en plus ouvertement un parti néolibéral, mais aussi du Parti de la Gauche d’Oskar Lafontaine. Nulle part ailleurs l’intégration de Verdi au gouvernement est aussi étroite que dans la ville-Etat de Berlin où le SPD et le Parti de la Gauche constituent le gouvernement. Nulle part ailleurs la politique de la terre brûlée n’a été appliquée dans le secteur public de façon aussi rigoureuse qu’à Berlin où les salaires ont été considérablement baissés en consultation avec Verdi.

Il est aujourd’hui impossible de défendre les salaires, les emplois et les droits démocratiques sans rompre avec ces organisations.

Pour ce qui est des grèves actuelles et de la conduite des négociations collectives, il faut en arracher la direction des mains de Verdi. L’accord conclu à Potsdam doit être rejeté. Il ne doit pas y avoir de négociations secrètes derrière le dos des grévistes. A cette fin, des comités d’action devraient être mis en place organisant la coopération avec les travailleurs du secteur privé, les étudiants et d´autres parties de la population. De tels comités d’action devraient renouer avec la tradition des conseils ouvriers qui ont existé au début du siècle dernier et qui ont joué un rôle très important à l’époque. Les comités d’action doivent organiser et développer la solidarité existant au sein de vastes couches de la population.

Pour cela une nouvelle perspective politique est nécessaire. La pratique de la coalition « rouge-rouge » (Parti de la gauche et SPD) à Berlin démasque le mensonge du Parti de la gauche selon lequel il est possible de contrôler le capitalisme sans mettre en cause le pouvoir que les grands groupes et les banques exercent sur les moyens de production. Le déclin du secteur public ne peut être entravé que si les intérêts des travailleurs sont placés au-dessus des intérêts de profits de la grande entreprise et des banques. Ceci requiert une transformation socialiste de la société. Les grands groupes et les banques doivent être transformés en établissements publics et placés sous le contrôle démocratique de la population dans son ensemble.

Une perspective socialiste doit partir du caractère international de la production moderne et des intérêts communs des travailleurs dans le monde. Le Parti de l’égalité sociale construit ce nouveau parti qui lutte pour une perspective socialiste internationale. En tant que section allemande de la Quatrième Internationale, le PSG travaille en étroite collaboration avec ses partis frères dans d’autres pays où les travailleurs et leurs familles sont confrontés aux mêmes problèmes et mènent des luttes identiques.

Nous vous invitons à contacter le World Socialist Web Site et à discuter de ces questions avec vos collègues.

(Article original paru le 5 avril 2008)


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