Le président Nicolas Sarkozy a annoncé le 4 décembre une série
de mesures économiques d’un montant de 26 milliards d’euros (33 milliards de
dollars américains) participant de l’effort de relancer l’économie française en
2009 face à la récession mondiale. Il a qualifié ces mesures de « plan
massif d’investissement » visant à augmenter la croissance économique de
0,8 pour cent en 2009. Cette démarche va creuser le déficit budgétaire de 15,5
milliards d’euros et l’amener à 4 pour cent du produit intérieur brut (PIB),
soit bien au-dessus des 3 pour cent autorisés par l’Union européenne (UE) pour
contrôler les pressions inflationnistes.
L’idée directrice de son plan, le protectionnisme national,
est en droite ligne avec l’idée générale du plan de l’UE de 200 milliards d’euros
et qui est un patchwork de différentes mesures nationales pour faire face à la
crise. Cela se voit tout particulièrement dans les vifs différends entre la
France et l’Allemagne sur cette question.
Sarkozy a dit clairement et de façon chauvine qu’« il n’y
aura pas d’aide (à l’automobile) sans engagement à ne pas délocaliser,
fabriquer en France les nouveaux moteurs. » Il a de plus averti, faisant
référence aux Etats-Unis, qu’il ne « laisserait pas l’industrie automobile
française désavantagée par rapport à ses concurrents. » Et que si des
concurrents tels l’Allemagne, la Suède et les Etats-Unis continuaient à
subventionner leurs entreprises automobiles nationales, alors une aide directe
irait aux constructeurs français sous forme de prêts garantis.
Pour répondre aux critiques concernant l’augmentation de la
dette publique, Sarkozy a dit, « Nous n’avons pas le choix. Ne rien faire
nous coûterait bien plus cher. » Il y a de cela trois mois, avant
l’explosion de la crise bancaire, Sarkozy et son premier ministre François
Fillon avaient refusé d’aider les consommateurs en difficulté face à la hausse
des prix, en déclarant « L’Etat est au bord de la faillite…Les caisses de
l’Etat sont vides. »
En annonçant ces mesures, Sarkozy a dit que la situation « n’est
pas une crise passagère » et a appelé à transformer le monde
« profondément ».
Ceux qui bénéficieront de cette injection d’argent sont les
patrons qui auront 11,5 milliards d’exemptions de charges sociales, d’impôts sur
les entreprises et de remboursements accélérés de la TVA sur les biens de
consommation. D’un autre côté, Sarkozy a exclu toute réduction de la TVA, à la
manière de la Grande-Bretagne qui l’a réduite de 2,5 pour cent. Il a dit que
cela ne profiterait qu’aux importations étrangères.
Les patrons qui emploient moins de 10 travailleurs et qui
embaucheront un travailleur supplémentaire ne paieront pas de charges sociales
pour ces nouveaux embauchés en 2009. Le secteur public recevra 10,5 milliards
d’euros d’investissements dans des projets d’infrastructure d’hôpitaux et de
maisons de retraite. Quelque 4 milliards de ces investissements viendront dela société des chemins de fer SNCF,la Poste (qui sera bientôt
privatisée) et la compagnie privée de gaz, GDF-Suez. Quatre nouvelles lignes de
trains à grande vitesse TGV seront construites en même temps par la SNCF entre
2010 et 2014. Quatre milliards d’euros iront à l’armée.
Bien que ces mesures accordent d’énormes aides financières aux
patrons pour les aider dans leur trésorerie et le maintien des emplois, elles
ciblent spécifiquement les deux secteurs clés que sont les industries du
bâtiment et de l’automobile qui ont été le plus durement touchées par la
récession qui se développe. La première emploie 1,5 millions de travailleurs et
l’on prévoit 45 000 licenciements pour 2009. Le secteur automobile
français, lui aussi en proie à de graves difficultés, emploie 10 pour cent de
la population active directement ou indirectement. Le chiffre des ventes de
voitures en novembre a diminué de 14 pour cent et il y a un stock d’un million
de voitures invendues.
L’annonce faite de consacrer 1,8 milliard d’euros à la
construction de 70 000 logements HLM(habitation à loyer modéré)neufset à des prêts à taux zéro pour l’achat d’un logement neuf n’apportera
presque rien aux 3,5 millions de mal logés ou de sans domicile fixe. Le
gouvernement a déjà renfloué les promoteurs immobiliers en achetant en octobre
dernier 30 000 maisons invendues.
Sarkozy a annoncé qu’un milliard d’euros seraient consacrés au
sauvetage de l’industrie automobile. Peugeot-Citroën et Renault reçoivent 500
millions d’euros chacun pour leurs filiales bancaires afin d’encourager les
ventes, accompagné d’un fond pour la restructuration de l’industrie. Les
propriétaires d’un véhicule de plus de dix ans auront droit à une reprise de
1000 euros pour leur ancienne voiture (prime à la casse) en cas d’achat d’un
véhicule neuf.
Mais ceux qui sont les moins favorisés par ce plan de relance
sont les ménages les plus pauvres. 760 millions d’euros seulement ont été mis
de côté pour accorder une subvention unique de 200 euros aux 3,8 millions de
foyers vivant du RSA (Revenu de solidarité active) d’un montant d’environ 800
euros.
La somme dérisoire de 500 millions d’euros est proposée pour
aider les travailleurs licenciés du fait de la crise, mais à condition qu’ils
acceptent n’importe quel emploi. Sarkozy a dit vouloir
aider les « victimes » du chômage. « L’Etat
s’engagera à prendre en charge leur (victimes d’un licenciement économique)
accompagnement renforcé, leurs formations et leur permettre de garder leur
salaire précédent pendant un an s’ils acceptent un emploi moins payé. … Les
partenaires sociaux devront trouver les solutions les plus judicieuses. Les
entreprises doivent se garder de profiter de la crise pour faire des plans
sociaux par anticipation, alors que leur situation économique ne le justifie
pas. »
Les travailleurs intérimaires, notamment dans le bâtiment et
l’automobile, ont été les premiers à subir les licenciements. 66 000
emplois temporaires au total ont disparu en 2008, soit une réduction de 10 pour
cent, avec pour conséquence le nombre de chômeurs dépassant à nouveau la barre
des deux millions.
Le syndicat CGT (Confédération générale du travail, proche du
Parti communiste) a commenté le discours de Sarkozy : « La seule
certitude qui ressort de ce énième discours présidentiel sur la crise, c’est
que les employeurs viennent une nouvelle fois de passer au guichet. Dans ce
contexte, il est plus urgent que jamais qu’une action unitaire soit décidée
dans les délais les plus rapides pour que les exigences des salariés
s’expriment avec force. » La démagogie et l’hypocrisie de ce commentaire
apparaissent clairement dans le bilan de la CGT par rapport au régime
Sarkozy : collaboration ouverte avec ce régime depuis son accession au
pouvoir et sabotage des actions des travailleurs qui s’opposent à la politique
gouvernementale.
Les dirigeants socialistes comme Martine Aubry, récemment élue
première secrétaire du PS et Ségolène Royal, sa rivale malheureuse à ce poste,
ont en général approuvé les injections de capitaux, mais déclaré que cela ne
suffirait pas à relancer l’économie. Ils ont souligné que très peu était fait
pour le pouvoir d’achat et pour relancer la consommation.
Cet effort pour essayer de paraître solidaire de la masse des
salariés laissés pour compte par le plan de relance de l’économie est peu
convaincant. Les socialistes n’avaient pas voté contre le plan gouvernemental
de sauvetage des banques de 360 milliards d’euros en octobre dernier. La
Commission des finances du PS qui s’était réunie avant le débat parlementaire
sur le plan de sauvetage, avait recommandé unanimement de voter en faveur du
plan gouvernemental. Plus tard dans la journée, la réunion de l’ensemble du
groupe parlementaire PS avait décidé de s’abstenir pour essayer de maintenir un
semblant d’indépendance par rapport à Sarkozy.
Néanmoins, la réaction de Sarkozy à la crise bancaire du mois
dernier a révélé clairement ses priorités. Quelque 360 milliards d’euros ont
été garantis pour renflouer les banques, dont 40 milliards sont rendus
disponibles sans contrepartie. Une des premières mesures économiques de Sarkozy
lors de sa prise de fonction l’année dernière avait été une réduction d’impôt
de 15 milliards d’euros pour les plus riches. Les mesures prises aujourd’hui
n’empêcheront en aucune manière le capitalisme français de plonger dans la
crise.
(Article original anglais paru le 9 décembre 2008)