Des émeutes ont éclaté dans tout le pays en
Grèce après que la police abatte un jeune garçon de 15 ans à
Athènes. Elles ont démarré dans la capitale et se sont rapidement
répandues vers la ville de Thessalonique au Nord et même dans les îles de Crète
et de Corfou.
Plus de 1000 personnes ont manifesté dans
la seconde ville de Grèce, Thessalonique. Les manifestants s'en prenaient aux
magasins d'état, aux banques, aux commissariats de police, et à d'autres
bâtiments publics. On a également fait état d'émeutes dans les villes
universitaires de Patras, Komotiní, Héraklion, Ioannina, ainsi que Chania en
Crète.
À Athènes, ces émeutes se sont rapidement
propagées à Monistiraki, l'un des principaux quartiers touristiques, et à
Ermou, une importante rue commerçante.Les bâtiments proches des anciens
monuments de la bibliothèque d'Hadrien étaient en flammes dimanche matin.
Dimanche, il y a eu de nouvelles
manifestations et de nouveaux accrochages avec la police. Celle-ci a utilisé
des gaz lacrymogènes à Thessalonique contre une foule qui scandait, « Meurtriers
en uniformes ».
Selon les pompiers athéniens, au moins 20
magasins ont été incendiés.
« On n’avait jamais vu ça »,
déclarait un officier de police gardant l'anonymat aux journalistes, « C’est
une atmosphère à couper au couteau. »
D'après les autorités grecques, deux officiers
ont été arrêtés et un gradé a été suspendu à la suite du meurtre du garçon.
Celui-ci, Alexandros Grigoropoulos, a été
tué dans le quartier d'Exarchia à Athènes, samedi vers 10 heures du matin. Sa
mort a entraîné des émeutes, les manifestants appelant des renforts par SMS.
La police prétend qu'il faisait partie d'un
groupe de jeunes qui lançaient des pierres sur une de leurs voitures. L'un
des agents de police aurait lancé une grenade incapacitante pendant qu'un autre
serait sorti de la voiture avec son arme et aurait touché le garçon à la
poitrine. Des témoins affirment que l'agent aurait pris le temps de viser. Un
témoin a pu filmer l'événement. Le garçon est décédé avant d'arriver à
l'hôpital. Le dimanche après-midi, plusieurs milliers de personnes ont convergé
vers le commissariat principal d'Athènes. John Gelis, un psychologue de 28 ans,
décrit leur état d'esprit : « Le sentiment qui prédomine est la
colère. Un gamin a été tué sans raison. C'est un signe de l'arrogance de la
police. C'est un acte contre la démocratie. »
Exarchia abrite l'école Polytechnique,
l'université qui fut le centre de l'opposition à la junte militaire qui dirigea
la Grèce jusqu'en 1974. L'armée prit la Polytechnique d'assaut avec des chars
le 17 novembre 1973, tuant 40 étudiants contestataires.
Les esprits étaient déjà échauffés à cause
de cet anniversaire. Des accrochages entre la police et des manifestants
s'étaient déjà produits devant l'ambassade américaine en novembre.
La Polytechnique est installée dans un
quartier pauvre peuplé d'ouvriers et d'étudiants où beaucoup de jeunes se
disent anarchistes. L'incident au cours duquel le garçon a été tué était l'un
des nombreux accrochages qui ont eu lieu ces derniers mois entre les jeunes du
quartier et la police. Les tensions sociales sont montées en flèche à cause de
la fracture croissante entre riches et pauvres dans la société grecque.
Normalement, la police pratique une
politique de la prudence à Exarchia. Selon Bradly Kiesling, un ex-diplomate
américain, « La police reste hors de certaines zones, à moins qu'il y ait
une urgence sérieuse, et les anarchistes ne cassent rien sans une bonne raison,
[mais] si quelqu'un se fait tuer, la doctrine est la vengeance massive. »
Le dernier meurtre [par la police] d'un
mineur en Grèce datait de 1985. Il avait également entraîné de grandes émeutes.
Les derniers incidents constituent les actes de rébellion les plus sérieux
depuis 1999, lorsque des manifestants qui protestaient contre la visite du président
Clinton s'étaient accrochés avec la police. Selon le Financial Times, ces
émeutes sont les pires depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les tensions sociales ont été accentuées
par le programme économique du gouvernement conservateur du parti Nouvelle Démocratie,
dirigé par le premier ministre Costas Karamanlis. Le crédit politique du
gouvernement a été encore entamé par un scandale foncier.
Les conditions de vie de la majorité de la
population sont dominées par une inflation à la hausse et un taux de chômage
élevé. Le gouvernement est sous la pression de Bruxelles qui demande une
réduction du déficit budgétaire (plus élevé que ce qui est autorisé dans la
zone euro). Karamanlis s'est lancé dans un programme d'atteintes aux aides
sociales et à la sécurité de l'emploi. Ses mesures ont déclenché plusieurs
grèves. Le gouvernement a tenté de tourner les tensions sociales en tensions
ethniques en s'en prenant aux réfugiés et aux immigrés.
Pendant que la majeure partie de la
population souffre de la dégradation des conditions de vie, une petite minorité
profite de la spéculation foncière. Les incendies qui se sont produits
récemment sont en rapport avec des promoteurs qui veulent construire des hôtels
et des complexes touristiques dans des zones forestières protégées.
Deux ministres importants ont été contraints
de démissionner pour un scandale concernant un remembrement effectué par un
monastère orthodoxe. Karamanlis, qui n'a que deux siéges de majorité, a refusé
la démission de son ministre de l'Intérieur après le meurtre du jeune homme.
(Article original anglais paru le 8
décembre 2008)