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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

De graves conflits au sujet du plan de relance économique en Europe

Par Peter Schwarz
6 décembre 2008

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Les débats concernant un paquet commun européen de mesures économiques ont engendré de sérieuses tensions internationales. La chancelière allemande, Angela Merkel (Union chrétienne-démocrate, CDU) est devenue tout spécialement la cible de critiques en raison de son refus de soutenir un large éventail de mesures destinées à stimuler l’économie.

La situation économique se détériore de mois en mois en Europe. Des prévisions communes menées par dix instituts de recherche ont prévu un déclin de 0,4 pour cent du PIB (produit intérieur brut) européen en 2009 et une hausse substantielle du chômage. Les chercheurs n’excluent pas un déclin économique bien pire encore.

La plupart des pays de l’Union européenne (UE) sont déjà en récession. En Allemagne, où le PIB avait connu au cours du premier trimestre de 2008 une croissance annuelle de 5,7 pour cent, le chiffre du deuxième trimestre a accusé une baisse de1,7 pour cent et de 2,1 pour cent au troisième trimestre. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoit au cours de ces deux prochaines années une augmentation du nombre de chômeurs en Allemagne l’ordre de 700 000.

Le gouvernement allemand est entièrement conscient que la situation se détériore. La semaine dernière, lors d’une séance de débat parlementaire sur le budget de 2009 du pays, Merkel a dit aux députés présents que l’Allemagne, l’Europe et les pays industrialisés en général sont confrontés à un « chemin extraordinairement difficile » et a averti que les citoyens devront se préparer à « des temps difficiles ».

Contrairement aux autres gouvernements européens, toutefois, qui ont débloqué de vastes sommes d’argent pour stimuler leur économie, les moyens avancés par le gouvernement allemand ont jusque-là été d’un montant minimal d’à peine 11 milliards d’euros, étalé sur deux ans.

Ce montant correspond à tout juste 3 pour cent des 500 milliards d’euros que le gouvernement a débloqués dernièrement pour renflouer les banques allemandes. En plus d’une exonération limitée dans le temps de la vignette automobile et d’un allègement fiscal applicables aux factures des artisans, les mesures de relance économique du gouvernement prévoient davantage d’argent pour le transport, les communes et l’assainissement des bâtiments.

Il y eut une forte opposition à Berlin contre le plan de relance économique de 200 milliards d’euros présenté mercredi dernier à Bruxelles par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Avant l’annonce de Barroso, le président français, Nicolas Sarkozy, avait tenté de convaincre la chancelière Merkel de contribuer plus fortement au financement du plan de relance de l’économie européenne. L’Allemagne a un déficit budgétaire comparativement faible, bien inférieur à la limite de 3 pour cent du PIB fixée par l’UE. Ceci permettrait une marge de manœuvre pour des dépenses supplémentaires de la part de l’Allemagne, a affirmé Sarkozy.

Merkel a cependant repoussé sèchement la proposition. Selon Le Monde, la chancelière a fait preuve de peu de générosité lors du sommet franco-allemand qui s’est tenu le 24 novembre. A l’issue des pourparlers, Merkel a dit à l’occasion d’une conférence de presse conjointe que chacun des 27 pays membres de l’UE devait apporter une contribution financière en disant que l’Allemagne par exemple a déjà engagé une somme d’argent conséquente.

Le porte-parole du groupe parlementaire CDU-CSU (Union chrétienne-sociale) pour les questions budgétaires, Steffen Kampeter, a été encore plus explicite. Il a appuyé la position du gouvernement allemand en disant : « Nous ne devrions pas utiliser l’argent des contribuables allemands pour rendre heureux tous les autres pays. »

Certes, Merkel a finalement donné le feu vert pour le paquet de relance économique de Barroso mais seulement comme recommandation. L’application et le financement sont du ressort de chaque gouvernement individuel. Elle a rejeté tout virement de fonds supplémentaire à Bruxelles en déclarant au quotidien Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung (FAS), « Nous continuerons de verser nos 20 pour cent au budget européen. Nous ne voulons pas augmenter cette contribution. »

La position de Merkel a fait l’objet de critiques acerbes de la part de la presse britannique, française, italienne et américaine et entre-temps elle est également soumise à des pressions croissantes en Allemagne.

Dans son rapport annuel publié début novembre, le Conseil d’analyse économique avait réclamé que des sommes bien plus importantes soient investies dans l’économie. La commission qui est constituée de cinq professeurs d’économie renommés et qui publie un rapport annuel sur l’ensemble des développements économiques a pourtant la réputation de recommander des mesures draconiennes de réduction des coûts.

Dimanche dernier, le magazine Der Spiegel annonçait en gros titre « Angéla manque de courage » en attaquant violemment la chancelière. Le magazine l’accusait de ne pas indiquer d’orientation en de se reposer aveuglément sur son ministre des Finances, Peer Steinbrück (Parti socia-démocrate, SPD). Leur plan de relance économique est un « mélange d’idées craintives, de subventions discutables et de fraude sur les étiquettes », écrit le magazine.

Der Spiegel poursuit en comparant la politique économique de Merkel à celle du chancelier du Reich allemand Heinrich Brüning au début des années 1930 en disant que ce dernier avait tenté de combattre la crise économique à l’époque « avec une austérité implacable aux conséquences dramatiques ».

La principale critique de Der Spiegel est que le cap de Merkel mènera à l’isolement international. Elle et Steinbrück se sont « embarqués sur une voie nationale, de peur de voir l’argent allemand de la crise, gaspillé en Europe ». Au lieu de prendre des initiatives en Europe, elle a laissé au premier ministre britannique, Gordon Brown, et au président français Nicolas Sarkozy le soin de prendre les choses en main. « Merkel a, par ses hésitations, en grande partie isolé l’Allemagne la conséquence est que les Allemands sont en train de perdre de l’influence dans la politique internationale, » s’est plaint Der Spiegel.

Merkel est également confrontée à une opposition au sein de son propre parti. Au sein de l’association des petites entreprises, qui est liée au CDU et à sa sœur bavaroise le CSU, les appels se multiplient en faveur d’une réduction immédiate des impôts afin de renflouer les entreprises moyennes qui ont été touchées par le resserrement du crédit et l’actuel déclin économique. Ce n’est qu’à grand-peine que Merkel est parvenue à éviter une rébellion ouverte au sein du CDU qui se réunit en congrès dimanche soir à Stuttgart.

Au cours du week-end dernier Merkel et Steinbrück ont souligné leur opposition à débourser des moyens financiers additionnels pour réagir contre la situation de crise économique grandissante.

Steinbrück a déclaré à Der Spiegel : « Je ne crois pas que ce soit honnête de donner l’impression que nous pouvons sortir de la crise au moyen du fric de l’Etat. » Il a ajouté, « Je pense qu’il est important de ne pas gaspiller de l’argent de manière insensée. Le simple fait que d’autres renchérissent sur les millions qu’ils proposent tous les jours ne signifie pas que je dois en faire autant. » Il poursuivit en accusant le Conseil d’analyse économique de changer « ces jours-ci plus souvent de position que de chemise ».

Dans le Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung, Merkel s’est exprimée de manière moins agressive mais de façon tout aussi déterminée. Lundi, lors du congrès du CDU elle a souligné : « Nous ne voulons pas participer à un concours de surenchère… un concours dénué de sens et impliquant des milliards. Par les temps qui courent, nous avons une responsabilité envers le contribuable. »

L’unique concession de Merkel est de revoir début janvier les mesures de relance économique qui ont été prises jusque-là et de discuter de nouvelles méthodes.

Réduire l’attitude adoptée par Merkel et Steinbrück à un manque de courage, comme le fait Der Spiegel, c’est se tromper. Les deux politiciens cherchent à défendre le Pacte de stabilité et de croissance qui a constitué la colonne vertébrale de la stratégie allemande en Europe depuis le début des années 1990.

A cette époque, le chancelier Helmut Kohl (CDU) et son ministre des Finances, Theo Waigel, avaient insisté sur des critères financiers rigides pour l’introduction de l’euro comme monnaie standard en Europe. De tels critères limitaient le nouvel endettement d’un pays à 3 pour cent maximum et à un endettement total de 60 pour cent du PIB. Dans le même temps, l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE) devait empêcher que des gouvernements connaissant des difficultés économiques n’exercent des pressions sur la BCE pour qu’elle applique une politique qui pourrait provoquer l’inflation.

Le Pacte de stabilité avait un double but. D’abord il devait garantir la stabilité de l’euro et permettre à l’euro de concurrencer le dollar. Ce qui à son tour renforcerait la domination de l’économie allemande en Europe dans des conditions où la puissante industrie d’exportation allemande profiterait d’une monnaie stable.

Ensuite, les critères financiers rigides du Pacte de stabilité ont fourni la base d’une offensive soutenue dans toute l’Europe pour réduire les salaires, les prestations sociales et autres dépenses publiques. L’Allemagne a spécialement « bien réussi » à cet égard.

Les niveaux des salaires et des prestations sociales ont été radicalement réduits du fait de la politique de l’Agenda [2010] pratiquée par le gouvernement de Gerhard Schröder. Selon une récente étude de l’Organisation internationale du travail (ILO), l’Allemagne se trouve en tête des nations industrialisées pour ce qui est des écarts de salaires. Dans aucun autre pays industrialisé le gouffre entre les hauts et les bas salaires ne s’est creusé de façon aussi significative.

Le gouvernement allemand voit le pacte de stabilité menacé s’il cède à la pression et augmente les dépenses publiques. Selon le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) : « Si la chancelière est trop généreuse, il y a le risque que l’Allemagne puisse violer le Pacte de stabilité en lui portant un coup mortel. Ce faisant, le CDU enterrerait son propre enfant. »

Si, toutefois, l’Allemagne continue de maintenir le Pacte de stabilité, elle menace de s’isoler davantage en Europe, en ralliant ses concurrents contre elle. De plus, la menace de faillite d’une série de pays d’Europe de l’Est qui sont fortement tributaires du soutien européen aurait de sérieuses répercussions sur l’économie allemande qui a de vastes intérêts en Europe de l’Est.

C’est ce dilemme qui explique les échanges virulents au sujet du plan de relance économique européen. L’impact de la crise économique et financière a miné la base de la précédente stratégie européenne de l’Allemagne. Il s’avère qu’il devient de plus en plus difficile de dominer l’Union européenne par des moyens pacifiques. C’est pourquoi les conflits politiques entre les puissances européennes sont en train de s’intensifier.

Au moment où la présidence française de l’UE arrive à son terme, il y a pléthore d’articles de presse se référant à « la méfiance accrue » et aux « conflits sévères » entre Berlin et Paris. En Allemagne, la France est accusée de protectionnisme d’Etat parce qu’elle a recouru à des fonds publics pour investir dans les grands groupes et intervenir dans l’industrie automobile. Le magazine autrichien Profile écrit : « Berlin soupçonne Paris de vouloir protéger ses industries clés, de manipuler le système économique communautaire en conséquence et d’accroître son influence sur la Banque centrale européenne dans le but d’abaisser le taux directeur et de dévaluer l’euro. La situation telle qu’elle est actuellement donne beaucoup plus de fil à retordre à l’industrie française qu’à l’actuel champion de l’exportation qu’est l’Allemagne. »

A Paris en revanche, et selon Der Spiegel, Merkel provoque la colère dans les milieux dirigeants qui la considèrent comme quelqu’un qui bloque obstinément toute initiative.

Dans le passé, les chanceliers allemands étaient prêts à obtenir des compromis politiques par le biais de concessions financières mais le présent gouvernement campe sur ses positions pour défendre ses propres intérêts. Merkel et ses partisans économiques et financiers croient que l’Allemagne est mieux équipée que les autres pays européens pour faire face à la crise.

Dans l’interview qu’elle a accordée au Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung, Merkel a déclaré que « durant ces cinq dernières années, l’économie allemande s’est structurellement bien rétablie et a amélioré sa compétitivité. L’Allemagne est forte et nous avons toutes les chances de bien maîtriser la crise. » L’adjoint auprès de la chancelière, le vice-chancelier Frank Walter Steinmeier (SPD), est même allé jusqu’à dire au Bundestag (parlement) lors du débat budgétaire que la crise était « une occasion de réorganisation. »

Le seul point commun de la politique proposée par Paris et par Berlin est leur détermination à rejeter le fardeau de la crise économique sur le dos de la population laborieuse. A cette fin, ils ne veulent, sous aucun prétexte, réduire les impôts ou les conséquences de la crise sur la population, au moyen de mesures telles des subventions directes et une baisse des prix.

(Article original paru le 3 décembre 2008)


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