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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : La LCR et les syndicats trahissent la grève prévue des cheminots

Par Antoine Lerougetel
22 décembre 2008

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L’annulation de la grève des cheminots prévue le mois dernier a été une trahison significative de la part des syndicats, conduits par la CGT (Confédération générale du travail.) Cette grève aurait été la première confrontation nationale de taille, allant au-delà d’une journée de grève, entre les travailleurs et le gouvernement conservateur du président Nicolas Sarkozy depuis le développement de la crise bancaire mondiale.

La réaction à cet événement de la Ligue communiste révolutionnaire d’Olivier Besancenot (LCR), a donc une signification certaine. Etant donné que la LCR est sur le point de se transformer en Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), cette réaction donne une idée du rôle politique que jouera cette nouvelle formation et de sa vraie relation avec les vieilles bureaucraties staliniennes et sociales-démocrates.  

La grève en question devait être une protestation contre les projets du gouvernement d’initier la déréglementation des conditions de travail des conducteurs de fret. Ceci n’est que le précurseur de la destruction des conditions de travail pour l’ensemble de la SNCF (Société nationale des chemins de fer) en préparation de son démantèlement et de sa privatisation. Le 6 novembre dernier, une journée de grève bien suivie des conducteurs de train laissait présager le succès de la grève reconductible qui devait débuter le 23 novembre.

A chaque fois que les tensions sociales deviennent trop importantes, les bureaucraties syndicales font tout pour qu’aucun mouvement des travailleurs n’échappe à leur contrôle. Ils font tout pour isoler les luttes et les limiter à des revendications étroites.

Au lieu de mobiliser l’ensemble des 160 000 employés de la SNCF, seuls les conducteurs ont été appelés à faire grève et uniquement sur la question des conditions de travail des conducteurs de fret. Ensuite, à l’approche de la date de la grève, tous les différents syndicats de cheminots ont renoncé à la grève tandis que les diverses négociations avec la direction donnaient quelques concessions insignifiantes. Le coup de grâce a été donné par la CGT, lorsqu’elle a fait une déclaration le 21 novembre suspendant l’appel à la grève. La CGT est le syndicat majoritaire des cheminots et est proche du Parti communiste.

SUD (Solidarité-Unité-Démocratie) qui se met en avant comme une alternative plus combative à la CGT a été l’unique syndicat à maintenir la grève, mais pour une seule journée. Besancenot est membre du syndicat SUD des travailleurs de la Poste et jouit d’un accès quasi-illimité aux médias. Et pourtant il n’a rien fait pour mobiliser une opposition à la décision de la CGT d’annuler la grève. Au lieu de cela, la LCR a attendu que la grève soit annulée pour dénoncer le fait que la CGT l’avait sabotée. Et là encore, elle s’est contentée d’appeler les travailleurs à faire davantage pression sur les bureaucraties syndicales et à exiger l’unité dans l’action.

L’hebdomadaire de la LCR, Rouge, affirmait le 27 novembre, « Sur le fond, rien ne justifie le retrait de la CGT ; il s’agit d’un sabotage pur et simple. » Mais dans ce même numéro Rouge appelle la base à « imposer » aux syndicats d’organiser « une vraie grève unitaire » et à mettre fin à « l’éparpillement et la fragmentation des luttes et des mobilisations. » Et juste après cet appel à la base, ils lancent aussitôt un appel identique aux forces mêmes qui sont responsables du sabotage, à ce qu’ils appellent « la gauche sociale et politique » ou pour appeler les choses par leur nom, au Parti socialiste (PS), au Parti communiste (PC), aux Verts et aux syndicats. Ces tendances sont expressément invitées à « attiser le mécontentement et faire converger les résistances. »

La pression militante ne peut empêcher les trahisons des syndicats. Les syndicats ne sont pas des organisations ouvrières mais fonctionnent comme des instruments du patronat visant à discipliner les syndiqués.

En France le degré d’intégration des syndicats à l’appareil de direction des grandes entreprises et de l’Etat est extraordinaire. Leur soutien dans la classe ouvrière est minime. L’adhésion à un syndicat ne concerne que 7 pour cent de la main-d'œuvre et celle de la CGT se situe entre 2 et 3 pour cent, et c’est une estimation généreuse.

Néanmoins, les syndicats sont toujours des entités riches et influentes parce que l’organisation d’après la Seconde Guerre mondiale avait donné à la CGT et à d’autres syndicats la responsabilité, partagée avec les employeurs, des administrations gérant les fonds de sécurité sociale pour les retraites, les allocations chômage, l’assurance maladie et autres services. Les syndicats fournissent une couche considérable de bureaucrates ayant des revenus lucratifs et des contacts utiles avec les patrons et les représentants de l’Etat. Même selon les estimations les plus généreuses, la moitié seulement des ressources des syndicats proviennent des cotisations de leurs membres, et cette évaluation ne tient bien sûr pas compte des nombreux avantages, faveurs et autres petits services cachés accordés aux bureaucrates par les grandes entreprises et qui ne sont un secret pour personne. Le quartier général luxueux de la CGT à Montreuil, en région parisienne, témoigne du style de vie et des ressources d’Etat dont jouit la direction du syndicat.

La relation de collaboration entre l’Etat, les patrons et les syndicats ne s’est pas terminée avec la déroute de la gauche plurielle et la victoire de Sarkozy. Ce dernier a clairement démontré depuis son arrivée au pouvoir qu’il considère leur rôle de « partenaires sociaux » comme essentiel pour mettre en place ses contre-réformes. Il rencontre continuellement les syndicats pour développer sa politique et la discuter avec eux.

En septembre dernier, en tant que président du Conseil de l’Europe, Sarkozy avait rencontré une délégation de la Confédération européenne des syndicats (CES) dirigée par son président Wanja Lundby-Wedin, et son secrétaire général John Monks et comprenant les dirigeants syndicaux français Bernard Thibault de la CGT, François Chérèque de la CFDT (Confédération française démocratique du travail, proche du Parti socialiste), Jean-Claude Mailly de Force ouvrière, Jacque Voisin de la CFTC catholique et Alain Olive de l’UNSA (Union nationale des syndicats autonomes, proche elle aussi du Parti socialiste.)

Une déclaration de la CES faisait remarquer : « Le président a aussi rappelé combien le travail des partenaires sociaux européens est important et comment leur capacité à conclure des accords entre eux pourrait accélérer le processus et augmenter l’acceptabilité des réformes. Il a de ce fait demandé aux délégués de ne pas ménager leurs efforts pour utiliser le dialogue social au niveau européen afin de mettre en avant des propositions et encourager les réformes. » [retraduit de l’anglais.]

La LCR est au courant de la vraie relation entre les syndicats et la bourgeoisie française. Dans sa propre analyse de la trahison de la grève des cheminots, Rouge déclare, « Plusieurs explications peuvent être données à ce retournement : Par exemple, à une semaine des élections prud’homales la CGT n’a pas particulièrement envie de reportages télé montrant des quais bondés et dénonçant des "voyageurs pris en otages par la CGT et SUD Rail". »

Le bulletin de grève de SUD-Rail suggère aussi que la CGT avait préféré « ne pas "irriter" l’usager électeur aux prud’homales ».

Les élections prud’homales déterminent la représentation aux Prud’hommes qui jugent les conflits entre travailleurs individuels et leurs employeurs. Les résultats de ces élections sont une question clé pour la bureaucratie car ils sont utilisés pour calculer le degré de soutien dont jouissent les syndicats rivaux et leur représentation dans des instances de direction et d’Etat souvent hautement lucratives.

Ces élections qui se sont tenues le 3 décembre ont démontré l’aliénation de la vaste majorité des travailleurs par rapport aux syndicats. La participation n’a été que de 25 pour cent, alors que dans les années 1970 elle tournait autour de 65 pour cent. Ce n’est que grâce à cette faible participation que la CGT a pu se réjouir de conserver 33,56 pour cent du vote, tout juste 8 pour cent de la population active, et par là même la part du lion en matière d’avantages de la collaboration de classes.

Le refus de la LCR de tirer des conclusions politiques concernant la transformation des syndicats en un instrument de la direction n’est pas juste un produit de son aveuglement théorique. C’est plutôt que, durant des décennies d’activité politique et sociale, les cadres dirigeants de la LCR se sont intégrés dans l’appareil des syndicats jusqu’à ses plus hauts échelons. Ses membres occupent de nombreux postes au sein des instances locales, régionales et nationales où eux aussi visent des postes dans des commissions paritaires avec les employeurs. Ils font peut-être des propositions plus radicales que certains de leurs collègues, mais ils ne cherchent jamais à mobiliser les travailleurs pour évincer les staliniens et les sociaux-démocrates.

Une réunion de membres de la CGT, sous l’égide du NPA, s’est tenue le samedi 29 novembre, deux jours après l’article de Rouge critiquant leur syndicat pour la « grève sabotée. » Elle a servi à souligner que la LCR a une présence significative dans ce syndicat, avec près de 300 participants. Et pourtant le reportage dans Rouge de cette réunion accorde une place prédominante au discours de Jean-Pierre Delannoy, bureaucrate CGT de l’industrie automobile du Nord Pas de Calais, à la rhétorique de gauche et dont l’unique réponse consiste à « rassembler » tous ceux qui rejettent « la politique confédérale et veulent être utiles à la construction de l’indispensable tous ensemble. »

Dans une interview accordée à Européens solidaires sans frontières, le 20 novembre, Delannoy appelle à un retour au « passé de luttes de la CGT », un passé qui inclut l’étouffement de la grève générale de 1936 contre des concessions éphémères, le sauvetage de De Gaulle face au défi révolutionnaire de la grève générale de mai-juin 1968. Il ne propose aucune perspective politique aux travailleurs sinon celle de faire pression sur le gouvernement : « Lutter pour nos revendications dans le cadre d’une mobilisation générale, puissante et durable, capable d’inverser le rapport de force et de répondre à la souffrance du monde du travail. »

La LCR insiste régulièrement pour dire que le NPA n’entrera dans aucune alliance politique avec « les sociaux libéraux » du Parti socialiste. Néanmoins, dans son travail syndical et dans les instances du gouvernement local, il est en contact permanent avec le PS et le PC, à tous les niveaux et fait systématiquement références à ces derniers comme étant « la gauche » avec laquelle il doit être uni à tout prix.

Aucun parti qui ne défie la domination des bureaucraties syndicales et leur étouffement des luttes des travailleurs ne pourra jamais être autre chose qu’une couverture de gauche pour les trahisons à venir. Il ne s’agit pas de proférer quelques slogans au phrasé revendicatif, mais il s’agit de développer un esprit insurrectionnel animé par une compréhension profonde de la nature de la bureaucratie et de son rôle objectif.

L’unité réelle de la classe ouvrière ne peut se forger que par une lutte politique contre les sociaux-démocrates et les staliniens, et non pas par un amalgame sans principe de tendances soi-disant de gauche sur quelques revendications minimales, et qui vont se démanteler dès que se produira une lutte sérieuse. Ceci requiert la construction d’authentiques organisations de la base et qui s’étendront aux larges couches de travailleurs qui sont à présent ignorées par les syndicats, notamment les jeunes.

(Article original paru le 19 décembre 2008)


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