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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

L’armée britannique est accusée des pires abus en Irak

Par Steve James
12 février 2008

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Des allégations concernant d'horribles actes de torture et meurtres commis par l’armée britannique au sud de l’Irak ont été rendues publiques le 31 janvier dernier.

Se basant sur des déclarations de témoins, des certificats de décès et des preuves vidéos, les avocats Phil Shiner et Martyn Day ont déclaré que 22 personnes ont été tuées dans des prisons britanniques après un affrontement armé près de Majar al Kabir, environ 100 kilomètres au nord-ouest de Basra, le 14 mai 2004. Les avocats ont allégué que neuf autres personnes ont survécu à la torture et aux abus.

Shiner a déclaré à Reuters que « Cet incident, s’il était prouvé, serait le pire abus commis par les troupes britanniques ou américaines en Irak. Si ces allégations horribles étaient prouvées, alors il faudrait les mettre dans leur contexte : ce serait le plus grand abus de l’armée britannique en cent ans. »

Shiner a dit que les allégations étaient les plus horribles que lui ou Day aient jamais entendues. On s’attend à ce que les déclarations complètes des témoins, qui sont toujours sous enquête, soient rendues publiques dans un documentaire de la BBC sur cette affaire.

Jusqu’à la semaine passée, les allégations, et la cause légale s’y rapportant, étaient interdites de publication par la Haute Cour à la demande du gouvernement et du ministère de la Défense.

Selon le Guardian, il s’agit dans cette affaire d’accusations d’abus, de torture, d’exécutions et de mutilations. Sept cadavres montreraient des traces de mutilation et de torture.

Ces allégations ont tout d’abord suivi un affrontement armé qui a eu lieu sur l’autoroute reliant Amara à Basra impliquant les Highlanders d’Argyll et de Sutherland, le régiment Princess of Wales et des insurgés qui s'opposent à l’occupation britannique et américaine.

En juin 2004, un article de Richard Norton Taylor dans le Guardian a affirmé que 28 certificats de décès avaient été dénombrés. Parmi ceux-ci, on trouvait celui d’Ahmad al Helfi, un travailleur de 19 ans, qui selon le certificat de décès, arborait des « marques de coups et de torture sur tout le corps ».

Haider al Lami, âgé de 21 ans, lui aussi un travailleur, portait de traces de « plusieurs blessures par balle sur tout le corps et de mutilation des organes génitaux ».

Hamed al Suadi, 19 ans, a « des blessures par balle au cou et au pied. Il y avait aussi des marques de torture : le bras droit est fracturé et le visage est complètement déformé. »

Ali al Jemindari, 37 ans, a « plusieurs blessures par balle à la tête, au visage et sur le corps, avec des marques de coups au cou. Son bras droit a été brisé au niveau de l’épaule. Il y a une profonde blessure à la joue droite et l’œil droit a été arraché. »

Les certificats de décès ont été rédigés le lendemain de la bataille par le docteur Adel Salid Majid, le directeur de l’hôpital de Majar al Kabir. Le docteur Majid a déclaré au Guardian le 15 mai que « la police nous a demandé d’envoyer des ambulances à la base britannique pour récupérer des corps. Lorsqu’elles sont revenues avec 22 corps, nous avons été surpris de constater que certains d’entre eux avaient été mutilés et torturés. »

L'affrontement armé a suivi la bataille qui avait eu lieu un jour auparavant à Najaf entre la milice chiite de Moqtada al-Sadr et les forces américaines lors de laquelle le temple de l’imam Ali avait été endommagé. Selon un témoin oculaire, le sentiment était à la vengeance dans une mosquée locale. De jeunes hommes ont pris toutes les armes qu’ils ont pu trouvées, se sont rendus à l’autoroute pour y attendre que des forces d’occupation y passent.

Après le combat, lors duquel deux membres des forces britanniques furent blessés légèrement et au moins 22 combattants irakiens tués, les forces britanniques capturèrent les survivants et les ramenèrent à leur base au Camp Abou Naji à Amara.

L’armée britannique avait à ce moment qualifié les allégations de torture d’« absurdes ». Mais cette affaire, en plus des centaines d’accusations reliées à ses activités en Irak, a généré depuis des appels à une enquête publique. Une enquête de la Police militaire royale (RMP) qui a duré un an n’a pas trouvé de preuve de mutilation délibérée.

Selon le Telegraph, le juge Thomas de la Haute Cour britannique avait imposé en décembre dernier un interdit de publication sur les recours légaux qui visaient à forcer le gouvernement à mettre en oeuvre une véritable enquête publique. L’interdit a empêché que soient rapportées les déclarations faites par les familles des victimes et les comptes-rendus des survivants. Il a aussi interdit que soient divulgués les noms des plaignants irakiens et ceux des soldats impliqués dans le massacre faisant face à des accusations au criminel. Thomas avait alors déclaré que la « mauvaise publicité » entourant cette affaire à la Haute Cour serait « hautement indésirable ».

Le 31 janvier cependant, l’interdit de publication fut renversé par le juge Moses à la suite des actions légales entreprises par les familles des victimes, le Guardian, le Times et la BBC. Tel que rapporté par le Guardian, le jugement de Moses statuait que la tentative du ministère de la Défense visant à empêcher les reportages sur les accusations n’avait aucun fondement légal et que leur gestion de l’affaire avait été « totalement stupide ».

Concernant l’interdit de divulgation des noms des soldats, Moses déclara à l’avocat du ministre de la Défense : « Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. Si vous aviez raison, il y aurait alors une loi pour le ministère de la Défense et une autre pour le citoyen ordinaire.

 « Rien n’indique que la publication des noms de ceux qui sont sous enquête puisse mettre leur vie en danger », a ajouté Moses.

Les allégations de Majid al Kabir viennent contredire une fois de plus l’affirmation principale faite dans un article publié récemment par l’armée britannique sur des aspects de son règne de terreur au sud de l’Irak, qui blanchit les mauvais traitements infligés par l’armée comme étant l’oeuvre d’individus isolés et le résultat d’une mauvaise organisation et d’un entraînement insuffisant.

En 2005, le brigadier Sir Robert Aitken fut nommé à la tête d’une commission par le chef d’état-major de l’époque, Sir Mike Jackson, pour enquêter sur les circonstances entourant les allégations de mauvais traitements contre des prisonniers irakiens sous la garde de l’armée britannique et l’absence de poursuites victorieuses là-dessus.

Jackson exigea le rapport après que plusieurs révélations de mauvais traitements et de torture eurent menacé de mettre à nu le caractère systématique de la violence dépravée sans cesse utilisée pour terroriser la population civile du sud de l’Irak. Officiellement, et selon les médias britanniques, l’occupation des zones contrôlées par les Britanniques était en quelque sorte moins brutale que celle du reste de l’Irak par les Etats-Unis.

Le rapport de Aitken, publié en janvier de cette année, s’est concentré sur six dossiers sur lesquels la RMP a enquêté.

Baha Mousa était un travailleur hospitalier de 26 ans, capturé en septembre 2003 lors d’un raid par des soldats du régiment Queen’s Lancashire sur un hôtel de Bassora. Mousa, qui avait été témoin du vol de l’argent de l’hôtel par des soldats, fut arrêté en même temps que six autres travailleurs à l’hôtel. Tous furent cagoulés, attachés, maintenus dans des positions inconfortables et violemment battus durant des jours.

Des photos et des enregistrements montrent que Mousa a souffert 93 blessures, dont quatre côtes cassées, le nez fracturé, les poignets fracassés et des traces d’étranglement autour du cou. Un témoin a affirmé : « J’ai entendu Baha Mousa crier. J’étais toujours cagoulé, mais ses cris semblaient provenir d’une autre pièce. Je l’ai entendu hurler : “Pitié aidez-moi, je saigne, pitié aidez-moi, je vais mourir.” La dernière chose que j’ai entendue de lui fut : “Mon nez est cassé.” Après, ce fut le silence. »

Le meurtre de Mousa a mené à l’unique condamnation pour crime de guerre d’un soldat britannique après que le caporal Donald Payne eut plaidé coupable à des accusations d’actes de cruauté. D’autres individus du même régiment, qui avaient plaidé non coupable, furent relâchés faute de preuves suffisantes. Pendant son procès, Payne déclara qu’il obéissait aux ordres. Son avocat de la défense fit remarquer que c’était « incompréhensible » qu’un haut officier de l’armée qui n’a pas été identifié ne fût pas poursuivi.

Le procès était aussi relié à un jugement de 2007 prononcé par les juges siégeant à la Chambre des Lords de la Grande-Bretagne selon lequel le gouvernement contrevenait à la Convention européenne des droits de l’homme et à la Loi sur les droits de l’homme de la Grande-Bretagne pour ne pas avoir mené une enquête indépendante.

Ahmed Jabber Kareem se noya à Basra après qu’il eut été forcé de se jeter dans le canal de Shatt al Arab lorsqu’il fut menacé avec un fusil. Trois soldats furent acquittés du meurtre du jeune homme de 16 ans. Saïd Shabram est mort deux semaines plus tard dans des circonstances similaires. Les chefs d’accusation contre un officier du 32e régiment du génie et deux soldats furent retirés.

Un jeune homme de 18 ans, Nadhem Abdullah, aurait été battu à mort en mai 2003 par sept membres du régiment de parachutistes. Les soldats furent accusés de meurtre, mais ces accusations furent rejetées. Le juge constata que l’enquête n’avait pas été réalisée adéquatement.

Aitken a aussi enquêté sur les résultats des procès contre les soldats accusés de brutalité suite à une émeute à Amara en 2004. Une vidéo montrant des jeunes en train d’être battus par des troupes britanniques fut envoyée à News of the World. Aucune accusation ne fut portée contre eux.

Dans le procès du camp Breadbasket, quatre soldats furent finalement trouvés coupables d’abus après que des images montrant des prisonniers forcés de simuler des comportements sexuels furent découvertes par un travailleur d’un magasin où l’on développe les photos. D’autres images montraient des prisonniers suspendus à un chariot élévateur.

Selon Aitken, et toute la Commission de l’armée qui a donné son sceau d’approbation à l’enquête finale, ces procès étaient regrettables. Il y a bien eu quelques actes de contrition sans valeur. Sir Richard Dannatt, le chef actuel de l’état-major, s’est plaint que « nous ne devons jamais plus permettre à quelques personnes de salir la réputation de la majorité... »

Dans la mesure où les enquêtes reconnaissaient que les abus trouvaient leurs sources plus loin que les comportements individuels de mauvais soldats, ce n’était pas vu comme le résultat direct des opérations d’une guerre illégale d’agression, mais comme la conséquence d’une mauvaise planification, de ressources militaires inadéquates et de confusions dans l’entraînement. Les enquêtes ont aussi servi à renforcer les demandes répétées de l’armée, menées par Dannatt, pour obtenir plus de ressources.

Discutant du petit nombre de procès légaux par rapport aux centaines d’allégations des pires formes d’abus, Aitken a prétendu que les troupes britanniques, après s’être battues dans une guerre de « haute intensité », étaient mal préparées pour des opérations policières dans une situation où « il n’y avait pas de corps policier civil, de système de justice pour s’occuper des délinquants et de prison pour les détenir. » Les archives nationales ont été détruites.

Il a ensuite présenté une série d’excuses pour la confiance avec laquelle les soldats battaient à mort des civils irakiens désarmés. « Mission Command » est le terme de l’armée britannique pour les mesures par lesquelles les officiers locaux ont une certaine marge de manoeuvre pour opérer de façon automome : « Les soldats sont des humains et les humains ont des défauts et, sans supervision, ces défauts peuvent passer inaperçus. »

Concernant les pratiques de recouvrement de visage et l’imposition de positions stressantes, Aitken a prétendu que les soldats semblaient ne pas être au courant de ces « cinq techniques » qui furent bannies en Irlande du Nord par le gouvernement Heath en 1972. Dans tous les cas, soutient Aitken, cela doit seulement s’appliquer aux services du renseignement et en Irlande du Nord et être utilisé seulement pour les détentions.

Commentant sur l’enquête, le père de Baha Mousa a déclaré : « En tant que haut gradé de l’armée irakienne, je suis certain que ces actes terribles n’auraient pu prendre place sans le soutien de hauts responsables de l’armée britannique. »

(Article original anglais paru le 8 février 2008)

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[4 janvier 2008]

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