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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Fin d’une grève de deux semaines dans la grande distribution à Marseille

Par Pierre Mabut
25 février 2008

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Les syndicats ont mis fin à la grève et à l’occupation de l’hypermarché Carrefour Grand Littoral de Marseille par 100 travailleurs, après deux semaines de lutte pour améliorer les conditions de travail et les salaires d’une des catégories de travailleurs les plus exploités de France. Cette grève est l’expression de la détermination de ces travailleurs à bas salaires de défier Carrefour, deuxième plus gros détaillant du monde, ayant des points de vente dans 30 pays et un chiffre d’affaire de 78 milliards d’euros.

Cette grève était aussi une réponse à l’invitation cynique faite aux travailleurs par le président Nicolas Sarkozy de « travailler plus pour gagner plus. » Mais malgré leur détermination, l’accord conclu améliore à peine les conditions de travail de ces travailleurs qui ont du mal au quotidien à s’en sortir avec la hausse des prix des produits alimentaires, de l’énergie et d’autres produits de première nécessité.

Cette grève, la première en son genre, de plus de 100 caissières, employés de rayon et manutentionnaires parmi les 500 que compte ce Carrefour, était la prolongation d’une journée d’action nationale à l’appel des syndicats le 1er février dans le secteur de la grande distribution qui concerne plus de 600 000 travailleurs. Les employés de l’hypermarché Carrefour Grand Littoral avaient pris la décision d’une grève illimitée et revendiquaient des changements quant à leurs conditions de travail inhumaines et leurs salaires.

Avec des salaires de caissières de 700 euros net par mois pour un temps partiel imposé et 950 pour un temps complet, les grévistes exigeaient une prime exceptionnelle de 250 euros et la possibilité pour le personnel à temps partiel de travailler davantage d’heures. Ils demandaient aussi que l’hypermarché ferme à 21h en hiver au lieu de 22h. Ceci aurait au moins réduit les heures de travail irrégulières qui donnent totale flexibilité à la direction pour organiser les équipes comme bon lui semble, minant de ce fait la vie de famille des employés. Ils réclamaient aussi que les tickets-repas passent de 3,05 à 4,50 euros.

Abdellah, membre de la CFDT (Confédération française démocratique du travail) résume ainsi les conditions de travail: « Nos salaires ne nous permettent plus de vivre et  nous ne voulons pas devenir les esclaves du monde moderne. » Suite à une confrontation avec la police sur la question de l’occupation du site Carrefour, sept travailleurs ont été traînés devant les tribunaux, accusés par l’entreprise d’« entrave au travail et à la liberté de circuler. » Le site Carrefour a été fermé au public pendant deux semaines et toutes les livraisons bloquées par les piquets de grève.

Carrefour Grand Littoral, avec un chiffre d’affaires annuel de 140 millions d’euros, avait proposé le 15 février d’accorder la contribution dérisoire de 45 000 euros aux oeuvres sociales du comité d’entreprise. Cela équivaut à une prime exceptionnelle de 80 euros par employé, d’après les syndicats. L’entreprise a dit aussi qu’elle augmenterait la valeur du ticket restaurant si le taux de démarque (perte en terme de vols et de casse dans le magasin) passait de 2,6 à 1,6 pour cent. Les employés ont trouvé insultants les termes utilisés.

Le principal syndicat impliqué dans l’action, la CFDT, a conclu un accord final avec la direction dimanche 17 février avec de très minimes améliorations pour les travailleurs. La CFDT a dit que la grève se terminait « dans de bonnes conditions ». La CGT (Confédération générale du travail) a refusé de signer l’accord, mais a appelé à la reprise du travail pour « éviter la division du personnel », d’après Avelino Carvalho, secrétaire CGT de la région. Le syndicat FO (Force ouvrière) avait déjà rompu les rangs et appelé à reprendre le travail le vendredi 15 février.

Les travailleurs se sont vus proposer trois heures de travail supplémentaires par semaine et un ticket restaurant de 3,50 euros à condition que les pertes du magasin passent de 2,6 à 2,4 pour cent. Finalement, l’entreprise a fait passer à 80 000 euros la somme pour les oeuvres sociales du comité d’entreprise. Cette offre finale a été acceptée le 17 février par la CFDT, syndicat majoritaire dans l’hypermarché.

Un accord national concernant plus de 600 000 employés de la grande distribution avait déjà été signé le 13 février par FO, la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens), le syndicat des cadres CFE-CGC et la FCD (Fédération des entreprises du commerce et de la distribution), organisation des employeurs du secteur de la grande distribution. Un communiqué de presse de la FCD expliquait que l’accord comprend le paiement des temps de pause statutaires, qui jusqu’ici étaient illégalement prélevés sur les salaires, « concession » représentant une hausse de 5 pour cent du salaire, et un « salaire [brut] en début de carrière de 1 344 euros par mois » avec paiement des temps de pause. Cela ne représente pas grand-chose pour les 600 000 employés des hypermarchés et des magasins de hard discount, dont respectivement 37 pour cent et 70 pour cent travaillent avec des contrats à temps partiel imposé, ce qui leur accorde un salaire bien au-dessous du salaire minimum légal (SMIC) de 1 280 euros.

Un rapport récent de la DGT (Direction générale du travail) a révélé que sur le million et demi de travailleurs français payés au-dessous du SMIC, la majorité se trouve dans le secteur de la grande distribution et des services. Aline levron, secrétaire nationale CFDT pour la grande distribution, a expliqué dans une interview franche accordée au magazine Marianne le dilemme confrontant les employés de la grande distribution ainsi que l’impuissance des syndicats.

« Marianne : Il a fallu des années pour qu’on en arrive à cette situation. Ne faut-il pas y voir un échec du syndicalisme, incapable de faire valoir les revendications des salaires dans ces secteurs ?

« Aline Levron : Non. Nous avons poussé le dialogue jusqu’au bout. Ce rapport permet de mettre au grand jour des situations que nous avions déjà exposées. Mais jusque-là, les négociations s’étaient toujours faites en interne, secteur par secteur. Aujourd’hui, devant l’échec du dialogue, nous demandons l’Etat d’intervenir. Notre syndicat est résolument pour le dialogue, mais nous demandons au ministre du Travail de prendre ses responsabilités. »

La CFDT a déjà montré qu’elle travaillait en étroite collaboration avec le gouvernement Sarkozy/Fillon lors de sa trahison de la lutte des cheminots pour leur retraite l’année dernière. Elle a montré sa volonté d’accompagner le gouvernement dans son programme de démantèlement de l’Etat providence et des droits des travailleurs afin de renforcer la compétitivité du capitalisme français.

Malgré un discours parfois combatif de la part des dirigeants syndicaux, les employés de Carrefour Grand littoral paient le prix de la complicité des syndicats avec le gouvernement et les employeurs dans la réduction de leurs conditions de vie. Les employés de Carrefour ont été isolés et on les a laissés lutter seuls contre une énorme entreprise multinationale. Pas un seul appel à la solidarité n’a été lancé par les syndicats en soutien aux travailleurs de la région de Marseille ou dans l’industrie de la grande distribution.  

Néanmoins, l’agitation sociale s’intensifie comme on a pu le voir avec les grèves dans 12 restaurants McDonald sur 17 à Marseille les 11 et 13 février, où les employés ont réclamé de meilleures conditions de travail, de salaires et de couverture sociale.

Pendant ce temps, on apprend que les patrons français sont les mieux payés d’Europe. Les PDG de 77 pour cent des géants du CAC 40 ont eu des hausses de salaire de 40 pour cent l’an dernier, ce qui ramène leur revenu moyen à 5,87 millions d’euros. Les patrons d’entreprises faisant un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros et employant au minimum 140 000 personnes ont chacun empoché au moins 6,175 millions d’euros.

(Article original paru le 21 février 2008)


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