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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Les principaux partis de l’opposition du Pakistan forment un gouvernement de coalition

Par K. Ratnayake et Keith Jones
29 février 2008

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Malgré les pressions de l’administration Bush, les deux principaux partis du Pakistan, le Parti du peuple pakistanais (PPP) et la Ligue musulmane-Nawaz (PML-N), se sont entendus jeudi le 21 février pour forger un gouvernement de coalition au niveau national et des coalitions du même genre dans les quatre provinces du pays.

Bien que des observateurs de l’Union européenne aient reconnu que les élections étaient biaisées contre le PPP, le PML-N et les autres partis de l’opposition, le PPP a obtenu environ 33 pour cent des sièges à l’Assemblée nationale et le PML-N environ 25 pour cent. Dans les élections provinciales au Punjab, la province où se concentre la majorité de la population pakistanaise, la position des deux partis d’opposition est effectivement inversée.

Le PPP, le PML-N et un parti de moindre envergure avec lequel ils ont accepté de s'allier, le Parti national awani basé sur l’ethnie pachtoune, sont tous des ennemis avoués du président Pervez Moucharraf qui a pris le pouvoir en 1999 au moyen d’un coup d’État militaire pour devenir un peu plus tard un allié clé des États-Unis dans la « guerre contre le terrorisme ».

Promettant depuis plusieurs années qu’il restaurerait la démocratie, Moucharraf a imposé la loi martiale pendant six semaines à la fin de l’an dernier pour qu’il puisse nommer des juges qui donneraient leur approbation légale à sa réélection anticonstitutionnelle comme président jusqu’en 2012. La loi d’urgence a aussi été utilisée pour imposer une censure serrée à la presse et pour intimider l’opposition dans la période menant aux élections nationales et provinciales.

Les sondages montrent depuis longtemps que la vaste majorité des Pakistanais veulent que Moucharraf démissionne et que le gouvernement américain est détesté à la fois parce qu’il a soutenu la suite de dictatures militaires à Islamabad et parce qu’il a occupé l’Irak et l’Afghanistan. L’assassinat le 27 décembre dernier de la chef et candidate présidentielle du PPP, Benazir Bhutto, a provoqué un soulèvement national au cours duquel furent attaqués des symboles du régime Moucharraf, tels que des installations gouvernementales et des bureaux du parti pro-Moucharraf fondé par l’armée, la ligue musulmane du Pakistan (PML (Q)).

Et pourtant, selon plusieurs reportages, l’administration Bush a été choquée par la débâcle du PML (Q) et des autres partis qui étaient alliés à Moucharraf, comme le MMA, une alliance de partis fondamentalistes islamiques, et le MQM, qui affirme représenter la communauté mohair qui parle l’urdu.

Le quotidien pakistanais The News a rapporté : « Des sources du PPP ont confirmé que les Américains ont fait une grande pression sur la personne qui codirige le PPP pour qu’elle entre en coalition avec les partis comme le PML-Q et le MQM, mais pas avec le PML-N. »

Après la mort de Bhuto, on a vu l’ambassadeur américain au Pakistan demander une rencontre avec le conjoint de Bhutto qui lui a aussi succédé à la tête du PPP, Asif Ali Zardari. Pendant une bonne partie de l’an passé, Bhutto discutait avec Washington au sujet de la possibilité de s’associer avec Moucharraf. Mais une entente à trois n’a jamais pu être conclue à cause de l’opposition de Moucharraf et de ses alliés et de la montée de l’opposition populaire envers le gouvernement contrôlé par l’armée.

La Ligue musulmane-Nawaz, qui comme son nom le laisse entendre a été construite autour de son chef Nawaz Sharif, a été exclue de la tentative par l’administration Bush de donner plus de légitimité populaire au moyen d’une entente avec l’opposition. Sharif, malgré sa politique de droite et ses liens étroits avec la famille royale d’Arabie saoudite, a été rejeté par l’administration Bush à cause de son opposition à Moucharraf (lequel a fait tomber son gouvernement en 1999) et à cause, également, de ses liens avec la droite islamique fondamentaliste.

Jeudi le 21, après qu’il est devenu évident pour tous que Zardari et Sharif étaient près d’établir une alliance défiant les pressions américaines, George Bush a téléphoné à Moucharraf. Aucun détail de leur conversation n’a filtré.

À Bruxelles, le secrétaire d'État adjoint aux affaires de l'Asie du Sud et du Centre, Richard Boucher, a réitéré le soutien des Etats-Unis pour Moucharraf. « Nous espérons collaborer avec le président Moucharraf dans son nouveau rôle », a déclaré Boucher. Ignorant les méthodes dictatoriales à l’aide desquelles Moucharraf s’est fait réélire, Boucher a affirmé, « Il est maintenant président civil. »

Nawaz Sharif et la majorité de la presse pakistanaise ont demandé à Moucharraf qu’il démissionne, mais il s’est engagé à demeurer président. Il a aussi déclaré que toute tentative du parlement de réintégrer les quelque 60 juges de la Cour suprême et supérieure qu’il avait évincés en novembre dernier serait illégale sous son régime de loi martiale.

Cette semaine, dans un geste visant manifestement à mettre de la pression sur Zardari, le gouvernement pakistanais a pressé les tribunaux suisses d’activer les procédures concernant une affaire de corruption vieille de dix ans contre le chef du PPP. Zardari, qui est connu pour avoir soutiré des pots-de-vin dans des contrats gouvernementaux durant le deuxième mandat de sa femme en tant que première ministre, aurait touché 55 millions de dollars en pots-de-vin qui se trouveraient aujourd’hui dans un compte de banque en Suisse.

À leur conférence de presse conjointe, jeudi, Zardari et Sharif ne se sont pas engagés définitivement à s’opposer à Moucharraf en entamant des procédures de destituion pour ses violations répétées de la constitution ou en tentant de réintégrer les juges évincés. Ils ont déclaré que ces questions seraient réglées par le prochain parlement.

Sharif a déclaré qu’« en principe, il n’y a pas de désaccord [entre les deux partis] sur le rétablissement du système judiciaire. Les détails seront fixés par le parlement. » Mais l’on ne sait toujours pas si toutes les décisions rendues par les juges mis en place par Moucharraf, y compris celle qui a jugé constitutionnelle son élection à la présidence en octobre dernier, seront invalidées.

Sharif a clairement affirmé que Moucharraf devait démissionner. Mais les médias ont soulevé le fait que la position de Zardari était beaucoup moins catégorique. Il s’est contenté de dire que « le mandat du peuple est clair ».

Sans aucun doute, la population fait énormément pression sur le nouveau gouvernement pour qu’il s’oppose à Moucharraf. Jeudi et vendredi, des avocats ont organisé des manifestations afin d’exiger la réintégration des juges évincés. Dans plusieurs villes ces manifestations ont été attaquées par les forces de sécurité.

Par respect pour Washington, la direction du PPP n’a jamais rejeté la possibilité de collaborer avec Moucharraf. Mais les leaders du PPP ont admis que la position anti-Moucharraf plus musclée de Sharif avait été un facteur important dans le succès du PML (N) lors de l’élection de lundi dans le Punjab.

Zardari et Sharif ont soutenu qu’ils souhaitaient le rétablissement de la constitution d’avant octobre 1999.

Moucharraf avait réécrit la constitution afin d’augmenter les pouvoirs du président et accorder à l’armée, son principal rempart qui le maintient au pouvoir, un rôle permanent et décisif dans l’élaboration de la politique gouvernementale à travers le Conseil de sécurité nationale (inspiré de la Turquie) qui est contrôlé par l’armée. Le président a ainsi le pouvoir de destituer le premier ministre et de dissoudre le parlement. Il est aussi le commandant en chef des forces armées.

Lorsqu’on lui a demandé si des éléments pro-Moucharraf feraient partie du gouvernement de « consensus national » dirigé par le PPP, Zardari a déclaré, « Il n’existe pas de groupe et de parti politique pro-Moucharraf au pays. »

Mais Sharif, dans le but de renforcer sa position dans les négociations avec le PPP, inciterait des membres élus du PML (Q) à faire défection et à rejoindre son parti. Pour un grand nombre de ces élus, cela constituerait un retour au bercail, car le PML (Q) avait été principalement formé des membres du parti de Sharif qui s’étaient rangés du côté de Moucharraf après son coup d’Etat de 1999.

Zardari et Sharif ont probablement été encore moins clairs sur ce qu’ils comptent faire pour faire face à la crise économique qui dans les derniers mois s’est manifestée par une augmentation inexorable des prix de la farine et de la nourriture et par des pannes d’électricité. Dans les milieux dirigeants, tout le monde sait que le nouveau gouvernement devra prendre des mesures impopulaires, comme hausser drastiquement les prix des produits du pétrole.

Si ni le PPP et ni le PML (N) n’ont parlé en détail de leur politique économique pendant les élections, c’est parce qu’ils sont d’accord avec l’orientation néolibérale du régime de Moucharraf.

Une des choses concrètes sur lesquelles les deux partis se sont mis d’accord est de demander à l’ONU d’enquêter sur l’assassinat de Benazir Bhutto.

Concédant qu’il y a beaucoup de questions litigieuses qui séparent le PPP du PML (N), un conseiller de Zardari a dit que les deux partis reconnaissent que des négociations prolongées seront nécessaires « pour s’occuper des détails pratiques des manières avec lesquelles on peut réconcilier la position de Nawaz Sharif avec la nôtre. »

Les familles de Bhutto et de Sharif ainsi que leurs partis respectifs ont longtemps été des ennemis politiques acharnés. Pendant les années 1990, Sharif, qui commença sa carrière comme protégé du dictateur militaire Zia ul-Haq, a travaillé deux fois en collaboration avec l’armée et la bureaucratie gouvernementale afin de renverser la première ministre Benazir Bhutto.

Bhutto, pour sa part, avait initialement salué le coup d’État de Moucharraf contre Sharif. L’année dernière, elle a conclu une alliance avec Sharif et son PML (N) dans le but d’en arriver à une entente avec le dictateur Moucharraf.

Pendant que les deux partis parlent maintenant de s'allier dans une croisade pour la démocratie, ils défendent tous deux l’ordre social capitaliste extrêmement inégal qui est à la base de la démocratie pakistanaise morte-née. Les Bhutto sont eux-mêmes une des grandes familles de propriétaires fonciers de Sind et Sharif est le descendant de riches industriels.

Lorsqu’ils ont formé le gouvernement dans le passé, le PML (N) tout comme le PPP ont soutenu l’alliance militaire vieille de plusieurs décennies avec Washington et aucun des deux n’a la volonté de remettre en question cette alliance.

Sharif a sans doute gagné des votes en attaquant les Etats-Unis pendant les élections pour leur soutien inébranlable envers Moucharraf. Mais, en novembre dernier, dans une chronique du Washington Post, il proclama que les Etats-Unis était l’« allié naturel » du Pakistan.

Si les Etats-Unis s’agrippent au régime assiégé de Moucharraf, c’est avant tout pour garantir au corps des officiers pakistanais — qui sont anxieux de maintenir leur rôle central au sein du gouvernement du Pakistan ainsi que leurs avoirs — que Washington continue à voir ce corps comme le pivot des relations américano-pakistanaises.

Pour montrer l’importance de l’armée pakistanaise dans les intérêts et les plans géopolitiques de Washington en Asie centrale et au Moyen-Orient, l’administration Bush a divulgué des renseignements dans les derniers jours concernant ses opérations reliées à l’armée et au service de renseignements du Pakistan. Selon des sources du gouvernement américain, l’armée pakistanaise et ses conseillers militaires américains pour les renseignements étaient sur le point de lancer une offensive majeure contre les éléments pro-talibans dans la tribu parlant pachtoune et dans les zones de l’Afghanistan frontalières au Pakistan.

L’article le plus significatif est paru dans le New York Times d’hier qui révélait publiquement pour la première fois que la CIA opère une base quasi-militaire dans le Pakistan. Selon l’article du Times, la CIA aurait récemment obtenu le feu vert du Président pakistanais pour mener des attaques contre des présumés insurgés islamistes au Pakistan : « Entre autres choses, les nouveaux arrangements permettent une augmentation dans le nombre et dans l’étendue des patrouilles et des attaques menées par des avions de surveillance armés lancés à partir d’une base secrète au Pakistan—une stratégie beaucoup plus agressive pour attaquer les talibans et al-Qaïda qu’avant. »

Même si l’article du Times n’en fait pas mention, une telle base de la CIA serait aussi utilisée comme une zone de lancement pour des activités américaines contre le voisin du Pakistan, l’Iran.

(Article original anglais paru le 23 février 2008)


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