Du 13 au 15 janvier, le président français Nicolas Sarkozy,
accompagné de ministres et de grands patrons, a fait une visite de trois jours
en Arabie saoudite, au Qatar puis aux Emirats arabes unis dans le but
d’obtenir des contrats de milliards de dollars pour les entreprises
françaises et de signer des accords pour des bases militaires dans la région du
Golfe.
Sarkozy s’est d’abord rendu en Arabie saoudite. Dans
une interview au quotidien panarabe Al-Hayat publiée le 13 janvier,
Sarkozy a dit que l’objectif de sa visite était de donner « une
nouvelle dimension à notre partenariat stratégique avec l’Arabie saoudite »,
et a ajouté que les entreprises françaises « sont en mesure de répondre
aux attentes de l’Arabie saoudite dans tous les secteurs et en partie
ceux des transports et de l’énergie… ou de la distribution
d’eau ». Il a aussi exprimé son soutien pour une action internationale
musclée du Conseil de sécurité de l’ONU et de l’Union européenne
pour forcer l’Iran à suspendre ses activités nucléaires.
Sarkozy cherche à accroître les échanges commerciaux de la
France avec l’Arabie saoudite qui, ne représentant que 3,9 pour cent du commerce
extérieur de l’Arabie saoudite, sont à la traîne des Etats-Unis, de la
Chine, de l’Allemagne, du Japon, de la Grande-Bretagne et de
l’Italie.
Sarkozy et le roi saoudien Abdullah ont signé quatre accords,
un accord de concertation dans le domaine de l’énergie, pétrole et gaz,
un accord de concertation politique entre les deux ministres des Affaires
étrangères et deux conventions pour le développement de la formation
d’universitaires saoudiens en France et de la formation professionnelle. Entre-temps,
un ensemble de contrats concernant la défense, le transport aérien et
ferroviaire, les centrales électriques et de l’eau d’une valeur de
quelque 40 milliards d’euros a aussi été étudié, bien qu’aucun de
ces contrats n’ait été finalisé.
A la fin de réunion entre hommes d’affaires saoudiens et
français le 14 janvier, Sarkozy a assuré que dans les semaines à venir les
entreprises françaises réexamineraient ces contrats. Il a aussi proposé
d’envoyer dans les prochaines semaines une équipe du Commissariat à
l’énergie atomique pour « travailler sur la question du nucléaire
civil » et un éventuel transfert de technologie.
Le 14 janvier, Sarkozy s’est rendu au Qatar qui possède
la troisième plus importante réserve de gaz naturel du monde après la Russie et
l’Iran et a signé des contrats sur l’énergie électrique et
nucléaire. Une série d’autres contrats d’un potentiel de 6,3
milliards d’euros a aussi été discutée.
Gaz de France (GDF) et Qatar Petroleum International (QPI) ont
signé un accord de partenariat pour le développement de la coopération entre ces
deux groupes au niveau international en matière d’exploration, de
production, de gaz naturel liquéfié (GNL), de conservation du gaz et
d’activités en aval. L’accord montre que GDF espère consolider sa
présence au Qatar et développer sa coopération avec le plus grand exportateur
mondial de gaz naturel liquéfié (GNL.) La fusion prochaine entre GDF et Suez fera
de cette entreprise l’importateur et l’acheteur de GNL le plus important
d’Europe.
Jean-François Cirelli, président directeur général de GDF a
commenté, « Je me réjouis de la signature de cet accord, qui est une étape
majeure dans le renforcement de nos relations avec le Qatar et la création d'un
partenariat de long terme avec Qatar Petroleum. » Il a ajouté, « Acteur
majeur de l'énergie en Europe, présent sur l'ensemble de la chaîne du gaz
naturel liquéfié, Gaz de France souhaite être un partenaire important de Qatar Petroleum
International et développer ensemble des projets de long terme. »
Le département de transmission et de distribution d’Areva,
entreprise française du nucléaire, a signé un contrat d’une valeur de 500
millions d’euros avec Kahramaa, la société générale d’eau et
d’électricité du Qatar, selon un communiqué de Presse d’Areva le 14
janvier. En même temps, Electricité de France (EDF) a aussi signé un protocole
d’accord avec le Qatar pour discuter de coopération dans la production de
l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables (solaire et éolienne.)
A la fin de son séjour de trois jours dans le Golfe, Sarkozy s’est
rendu à Abou Dhabi, capitale des Emirats arabes unis, où il a signé un accord
de coopération pour développer l’énergie nucléaire dans les Emirats
arabes unis.
Durant sa visite, les entreprises Total, GDF et Areva ont
signé un accord de partenariat visant à soumettre aux Emirats arabes unis un
projet de centrale nucléaire d’une valeur de quelque 4 milliards
d’euros. Ils projettent de soumettre aux Emirats
Arabes Unis une offre intégrée de production d'électricité nucléaire, avec la
fourniture de deux EPR de 1600 MW ainsi que les produits et services du cycle
du combustible. Ce serait le troisième contrat de la France visant à
fournir la technologie nucléaire à des pays arabes, après les contrats avec
l’Algérie et la Libye.
Dans un entretien à Al Jazeera le 14 janvier au Qatar,
Sarkozy a dit, « Les pays arabes ont le droit de développer
l’énergie nucléaire. » Mais il a dit que ce droit ne devrait pas
être étendu à l’Iran tant que le gouvernement de Téhéran ne prouve pas de
façon définitive qu’il n’a aucune intention d’acquérir l’arme
nucléaire.
Malgré une estimation récente du National Intelligence Estimate
(NIE) américain publié en novembre dernier et qui déclarait que l’Iran
avait cessé tout programme d’armement nucléaire en 2003, Sarkozy
s’est rangé derrière la déclaration de l’administration Bush selon
laquelle l’Iran représente une menace nucléaire qu’il fallait
contrer par des sanctions plus dures, voire même par l’utilisation de la
force militaire.
La dernière annonce importante a été l’accord conclu
entre la France et les Emirats arabes unis pour que la France installe sa toute
première base militaire permanente dans le Golfe à Abou Dhabi. Selon Al Jazeera,
l’accord militaire fait de la France l’un des premiers Etats
occidentaux, mis à part les Etats-Unis, à avoir une base permanente dans la
région du Golfe.
Cette base, à tout juste 240 kilomètres de la côte iranienne,
accueillera approximativement de 400 à 500 soldats de toutes les branches des
forces armées françaises. Ces forces devraient venir d’une base existant
à Djibouti, en Afrique de l’Est. La base d’Abou Dhabi devrait
normalement être opérationnelle en 2009. Ce nouvel avant-poste militaire
français sera à proximité de l’important Détroit d’Hormuz, par
lequel transitent 40 pour cent des réserves mondiales de pétrole.
Ce déploiement révèle un changement notoire par rapport au
profil habituel de l’intervention française à l’étranger. Sur les
plus de 12 000 soldats français déployés de par le monde, plus de la
moitié le sont en Afrique, 2800 à Djibouti, 2600 en Côte d’Ivoire, 1200
au Tchad et des forces moins importantes au Sénégal, Gabon et République centre
africaine. La France compte 1900 soldats en Afghanistan, 2000 au Kosovo et 1700
au Liban.
L’établissement de la base du Golfe persique est ainsi
un changement stratégique important de la politique étrangère de la bourgeoisie
française. Il permet aussi à l’impérialisme français de viser une plus
grande influence au sein de l’Europe et de réduire l’influence de
la Russie, principale source de gaz de l’Europe, et de l’Allemagne
qui a joué un rôle clé dans la négociation des contrats d’oléoducs avec
la Russie.
Le pouvoir accru de la bourgeoisie française sur les marchés
énergétiques internationaux sera utilisé non pas dans l’intérêt des
consommateurs français, qui sont confrontés à une hausse de 4 pour cent en
2008. En effet, Sarkozy s’est donné beaucoup de mal pour souligner aux d’hommes
d’affaires et aux membres de la famille royale rassemblés que son
gouvernement irait plus loin encore pour réduire le niveau de vie des
travailleurs français.
A Abou Dhabi, le 15 janvier, il s’est félicité
d’avoir mobilisé le soutien pour une loi récemment votée, supprimant la
sécurité de l’emploi et augmentant le recours aux contrats de travail à
durée déterminée. Sarkozy a approuvé l’annonce d’un « accord
entre le patronat et les syndicats sur un nouveau contrat de travail ».
« Enfin, la France se met à dialogue. Enfin, on peut se
comprendre », a-t-il dit.