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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

Un incident naval souligne les tensions alimentées par la visite de Bush au Moyen-Orient

Par Peter Symonds
11 janvier 2008

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Dimanche dernier, un incident dans le détroit d’Ormuz impliquant des navires de guerre américains et des vedettes iraniennes a été utilisé pour intensifier les tensions dans le Golfe à la veille de la première longue visite de Bush au Moyen-Orient. Le ministère des Affaires étrangères iranien a minimisé la portée de l’incident, le qualifiant d’« incident ordinaire » qui « se produit de temps à autre entre les deux camps », mais le Pentagone et la Maison-Blanche ont réagi tout autrement, affirmant que les actions iraniennes avaient été provocatrices et dangereuses.

Les seuls détails de l’incident ont été fournis par le vice-amiral américain Kevin Cosgriff, commandant de la 5e Flotte américaine basée à Bahreïn, qui a déclaré aux médias que cinq navires iraniens avaient approché à haute vitesse trois navires de guerre américains alors qu’ils traversaient le détroit d’Ormuz à cinq kilomètres des eaux iraniennes. Un message radio avertit que les bâtiments américains étaient sur le point d’exploser alors que deux des navires iraniens s’approchaient à 500 mètres du USS Ingraham et larguèrent des boîtes blanches sur son chemin. Les navires de guerre américains ont à ce moment haussé leur « niveau d’alerte », mais aucun coup ne fut tiré et le Ingraham passa en toute sécurité. L’incident en entier était terminé en moins de 30 minutes.

Par la suite, plusieurs avertissements importants des Etats-Unis ont été émis. Un porte-parole du Pentagone, Bryan Whitman, a décrit les actes, auxquels aurait participé la Garde révolutionnaire iranienne (IRG), comme étant « irréfléchis, téméraires et potentiellement hostiles ». Dans une autre déclaration, le porte-parole de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale, Gordon Johndroe, a déclaré : « Nous invitons les Iraniens à s’abstenir de tels actes provocateurs, susceptibles de dégénérer en un incident dangereux à l’avenir. » Le secrétaire à la Défense des Etats-Unis, Robert Gates, a déclaré que l’incident était « préoccupant » et que « le risque d’escalade est réel ».

On peut fortement douter de toutes ces déclarations. Bien qu’il n’existe pas de rapport indépendant sur ce qui s’est passé, on ne peut certainement pas rejeter la possibilité que l’incident ait été volontairement provoqué par la marine américaine plutôt que par les navires de l’IRG, dans le but d’alimenter les tensions au moment où Bush visite la région. Washington est reconnu pour de telles provocations, y compris dans le but de créer le prétexte pour une guerre. En 1964, par exemple, l’administration Johnson avait concocté le célèbre « incident du golfe du Tonkin » qui avait fourni la justification pour l’intensification de l’intervention militaire américaine au Viêt-Nam.

Considérant la visite de Bush au Moyen-Orient, il est clair que Washington a beaucoup plus à gagner en soulignant la « menace iranienne » que Téhéran de risquer une confrontation militaire potentiellement désastreuse. Le président des Etats-Unis a déclaré à maintes reprises au cours des derniers jours que l’un des objectifs de ce voyage de sept jours était de mettre en garde contre la menace iranienne. La semaine dernière, il déclara à la chaîne Al-Arabiya : « Je vois le régime iranien comme une menace. Ce voyage servira en partie à dire aux gens que oui, nous nous engageons à vous aider [contre l’Iran], si vous voulez notre aide, à améliorer la sécurité. »

Officiellement, le principal objectif de la visite de Bush est de concrétiser la décision prise au sommet d’Annapolis en novembre visant à ratifier un solide traité entre Israël et l’Autorité palestinienne d’ici la fin de l’année. Le président américain devrait passer les trois premiers jours de son voyage en Israël et en Cisjordanie à discuter avec les chefs israéliens et palestiniens. Personne cependant ne s’attend à ce qu’aucun progrès sérieux ne soit réalisé dans ce projet fantaisiste. En effet, tout juste avant l’arrivée de Bush, l’armée israélienne a été impliquée dans des actes de répression, dont une large opération de trois jours dans la ville cisjordanienne de Nablus, sans aucun doute afin d’insister sur les exigences israéliennes que le président palestinien Mahmoud Abbas procède au démantèlement des « organisations terroristes ».

Ce qui était sous-jacent à la conférence d’Annapolis était d’aller chercher l’appui d’Etats arabes soi-disant modérés, incluant l’Arabie saoudite, la Jordanie et l’Égypte pour les plans du gouvernement américain d’intensifier les hostilités tant économiques que militaires vis-à-vis l’Iran. Pendant la dernière année, Washington a cherché à capitaliser sur les inquiétudes dans les capitales arabes « sunnites » quant à l’influence grandissante de l’Iran « chiite » suite à l’invasion de l’Irak menée par les Etats-Unis en 2003 et le renversement du rival principal de Téhéran, le régime de Saddam Hussein. La campagne américaine a été accompagnée par une augmentation des demandes pour des sanctions des Nations unies et des menaces économiques et militaires contre le régime iranien sur son supposé programme d’armements nucléaires, son soutien à des insurgés anti-américains en Irak et son soutien à des organisations « terroristes » comme le Hezbollah au Liban et le Hamas dans les Territoires palestiniens.

Les plans de la Maison-Blanche ont été significativement minés après le sommet d’Annapolis lorsque 16 agences de renseignements américaines ont publié le rapport de la direction du Renseignement national (NIE) sur l’Iran, qui a été longtemps retardé. Ce rapport conclut que Téhéran a cessé tout programme d’arme nucléaire en 2003. En mettant à nu les prétentions souvent sensationnelles, mais sans fondement de l’administration Bush sur la menace nucléaire iranienne, la NIE mine un prétexte potentiel pour une confrontation contre l’Iran, sur laquelle Israël et d’autres alliés américains ont fondé leurs propres calculs.

Réactions régionales

La visite de Bush au Moyen-Orient est destinée à consolider les alliances américaines dans la région, surtout en ressuscitant la « menace iranienne ». Vendredi dernier, il a dit au journal israélien Yediot Ahronot : « Je me rends au Moyen-Orient en partie pour bien faire comprendre aux nations de cette partie du monde que nous voyons l’Iran comme une menace et que la [NIE] n’amoindrit cette menace d’aucune manière, mais en fait la rend encore plus évidente. »

Ce n’est pas par accident que les commentaires de Bush sont dirigés vers Israël, dont les chefs ont été très critique du NIE. L’establishment politique et militaire israélien, qui voit l’Iran comme son principal rival régional, a régulièrement cherché à obtenir des garanties de l’administration Bush qu’elle « s’occuperait » de Téhéran avant de quitter la Maison-Blanche. Des ministres importants ont mis en garde qu’Israël pourrait prendre des actions militaires de son propre chef pour contrer la « menace » posée par les établissements nucléaires iraniens.

Lorsque Bush atterrira demain, le sujet en haut de la liste, du moins derrière les portes closes, sera l’Iran, plutôt qu’un traité avec l’Autorité palestinienne. Meir Javedanfar, un Iranien expatrié et analyste financier demeurant en Israël, a dit au Washington Post ce lundi : « L’Iran, pour Israël, est le sujet numéro un. La plupart des politiciens d’Israël et la population voient l’Iran comme une menace plus importante que le Hamas. Et le gouvernement israélien sera impatient que Bush leur montre qu’il est toujours déterminé à contrer l’Iran. »

Un commentaire du Jerusalem Post, un journal de droite, rejetait les garanties de Bush samedi selon qui les États-Unis défendront Israël contre toute attaque iranienne. « Le fait que Bush ait voyagé ici pour montrer son soutien et son engagement envers Israël et la région ne doit pas être minimisé. Le geste est important et apprécié, peut-on lire dans le quotidien. Mais, Bush lui-même est un chef qui comprend vraisemblablement que l’essentiel est le fond du problème, et ce dernier est clair : Laissera-t-on l’Iran avoir des armes nucléaires ou non ? »

Le Times britannique a indiqué que des responsables israéliens sur la sécurité avaient l’intention de mettre Bush au courant « de leurs derniers renseignements sur le programme nucléaire iranien et de la façon de le détruire ». Les services de renseignements israéliens, écrit l’article, avaient des preuves « solides comme le roc » selon lesquelles l’Iran avait recommencé son programme d’armes nucléaires. « Ehoud Barak, le ministre de la Défense, voudrait le convaincre [Bush] qu’une attaque militaire israélienne contre les établissement d’enrichissements de l’uranium en Iran serait possible si les efforts diplomatiques ne sont pas en mesure d’arrêter les opérations nucléaires », ajoute-t-il.

Pour la dernière partie de son voyage, Bush sera dans le golfe Persique (au Koweït, à Bahreïn, aux Émirats arabes unis) où il prononcera un discours-programme à Abu Dhabi, et en Arabie saoudite et pour finir, en Égypte, où il rencontrera le président Hosni Moubarak. Tous ces régimes arabes dictatoriaux, qui ont exprimé des craintes au sujet de l’influence iranienne et de l’émergence du « croissant chiite », faisaient partie, dans les plans de Washington, d’une alliance anti-iranienne. Mais dans la foulée du NIE, on arriva à la conclusion que les Etats-Unis allaient devoir reporter tous projets d’attaque militaire contre l’Iran. En s’adressant au Washington Post, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a résumé cette position en affirmant : « Tant qu’ils n’ont pas de programme nucléaire... pourquoi devrions-nous isoler l’Iran ? Pourquoi s’en prendre à l’Iran maintenant ? »

Certains éléments semblent suggérer que des alliés des Etats-Unis ont tenté d’en arriver à leurs propres arrangements avec Téhéran en réalisant rapidement plusieurs avancées diplomatiques. Au début décembre, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a pris la parole devant une rencontre du Conseil de coopération du Golfe, qui fut formé en 1981 durant la guerre Iran-Irak pour contrer Téhéran. Et dans ce qui constitua une autre première pour un président iranien, le roi saoudien Abdoullah a personnellement invité Ahmadinejad à visiter La Mecque à l’occasion du pèlerinage religieux annuel du hajj et s’est par la suite entretenu avec lui. De plus, le mois dernier, le négociateur en chef iranien Ali Larijani a visité l’Égypte, un pays qui a coupé les liens avec l’Iran depuis 28 ans, et a discuté de collaboration dans les programmes nucléaires et de reprise des relations diplomatiques.

Lors d’une conférence de presse tenue la semaine dernière par le Centre d’études stratégiques et internationales (Center for Strategic and International Studies, CSIS) basé aux Etats-Unis, l’analyste Jon Alterman a décrit la logique derrière ces évènements. « Nous aimons nous représenter comme une constante dans le Golfe... [Mais] l’Iran est une constante. L’Iran est quelque chose avec laquelle ils ont eu à négocier non pendant des années ou des décennies, mais pendant des millénaires... Ils sont plus réticents à confronter l’Iran. Ils sont plus intéressés à coopérer avec l’Iran, parce qu’ils sentent que les Etats-Unis pourraient venir et repartir, mais l’Iran, elle, va demeurer. »

À la même conférence, l’analyste de longue date du CSIS Anthony Cordesman a mis en lumière l’influence croissante dans le Golfe des rivaux américains, particulièrement ceux de l’Asie. Après avoir prêté attention aux inquiétudes face à l’Iran et à l’occupation américaine de l’Irak, il explique : « C’est aussi une région qui avait du pétrole au prix de 10,98$ en 1998 et qui a grimpé au-dessus de 100$ le baril cette semaine. C’est une région où l’acheteur principal n’est pas l’Europe ou les Etats-Unis ou l’Occident ; c’est l’Asie. Et l’Asie n’[est] pas seulement l’acheteur principal maintenant ; c’est l’acheteur principal qui va croître de façon régulière en termes de demande, d’influence et d’argent. »

Les remarques de Cordesman montrent quel est l’objectif principal de l’administration Bush, et en fait de l’establishment politique dans son ensemble, qui est d’assurer la domination des Etats-Unis dans cette région cruciale quant au pétrole au détriment de ses principaux rivaux en Europe et en Asie, particulièrement le géant économique naissant, la Chine. Washington n’a rien à offrir économiquement aux régions du Golfe. En réalité, Bush vient pour obtenir de l’aide pour les sociétés américaines écrasées par le rétrécissement du crédit. L’organisme régulant les investissements à Abu Dhabi, nageant dans l’argent provenant de l’augmentation du prix du pétrole, a récemment promis d’octroyer 7,5 milliards de dollars pour soutenir Citigroup Inc qui ne s’est pas relevé de la crise des prêts hypothécaires.

Les Etats-Unis ont des liens étroits de longue date et de très grandes bases militaires dans les Etats du Golfe. Lors d’un voyage de Bush, on s’attend à ce que ce dernier discute de plans pour le resserrement des liens avec les alliés des Américains et pour concrétiser des ententes ayant été conclues l’an passé et portant sur la vente d’armes et se chiffrant dans les 20 milliards. Mais si ces pays, qui ont tous une importante richesse, arrivent à s’entendre avec l’Iran, alors l’offre américaine ne sera pas aussi intéressante et Washington risque de voir son influence diminuer alors que les autres grandes puissances cherchent à obtenir une plus grande part dans la région. L’autre levier que Washington se garde est son armée qui a déjà été envoyée pour envahir et occuper l’Afghanistan et l’Irak.

C’est dans ce contexte qu’a lieu l’incident du détroit d’Ormuz, trois jours seulement avant que Bush n’arrive au Moyen-Orient. Si elle n’a pas organisé la confrontation navale, l’administration Bush l’utilise assurément beaucoup alors qu’elle cherche à exploiter la soi-disant menace iranienne pour réaliser ses propres alliances dans la région. 

(Article original anglais paru le 8 janvier 2007)


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