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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Fin de la semaine de 35 heures en France : la victoire était garantie à Sarkozy par les syndicats et les partis "de gauche"

Par Alex Lantier
29 juillet 2008

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La série de lois hostiles à la classe ouvrière, adoptées lors d'une session du Congrès (Sénat et Assemblée nationale réunis) tard le 23 juillet constitue un succès majeur pour la bourgeoisie française et le gouvernement conservateur du Président Nicolas Sarkozy. En dépit d'une large opposition populaire, ils ont fait passer des lois qui marquent un tournant significatif dans les relations de classe en France : allongement de la semaine de travail, réduction des allocations chômage, changement des lois qui régissent les syndicats et les grèves et cadeaux importants faits aux grandes entreprises et à la finance.

L’Assemblée nationale et le Sénat ont ensemble adopté une loi « réformant le temps de travail » et « renouvelant la démocratie sociale, » dont la fonction principale était de démanteler la semaine de 35 heures promulguée en 1998 par le Parti socialiste (PS). D'après un sondage effectué sur les lieux de travail en mai 2008 pour le quotidien financier Les Échos, 79 pour cent des travailleurs sont favorables au maintien des 35 heures. Le gouvernement a donc décidé de maintenir formellement la semaine de travail à 35 heures, mais d’éviscérer la loi en autorisant que des accords sur les heures supplémentaires soient négociés sur chaque lieu de travail, au lieu de négociations par branche professionnelle.

Les employeurs pourront maintenant faire pression sur les travailleurs pour qu'ils acceptent des réductions de salaire et des augmentations des heures supplémentaires au cours de négociations individuelles des contrats. Cette loi ne respecte pas l'esprit du principe des accords collectifs, octroyé après la Première guerre mondiale en 1919, selon lequel les entreprises ne peuvent pas passer d'accords moins favorables aux salariés que les accords de branche ou les accords nationaux.

En dépit de la concession de forme, le ministre du travail Xavier Bertrand a proclamé publiquement, « Nous sortons enfin des 35 heures. »

On peut maintenant contraindre les travailleurs à travailler jusqu’à 48 heures par semaine en toute légalité. Toutes les heures supplémentaires seront payées avec 10 pour cent de majoration, au lieu de 25. C'est une extension d'une mesure régressive de la loi originale promulguée par le PS, qui cherchait à limiter le coût pour les entreprises en les autorisant à payer les quatre premières heures à seulement 10 pour cent de plus. En outre, l'autorisation des inspecteurs du travail ne sera plus requise pour les 405 premières heures supplémentaires travaillées dans l'année.

Certaines des mesures les plus draconiennes de cette loi réduisent les vacances et le temps de repos. La loi supprime le temps de repos accordé automatiquement aux salariés qui travaillent plus que le nombre standard d'heures supplémentaires. Les salariés payés au forfait jours, et non à l'heure, - généralement du personnel qualifié – peuvent se voir demander de travailler jusqu'à 282 jours par an, au lieu de 218 actuellement.

Cette loi s'est appuyée sur la « position commune » établie en avril par les groupements d'employeurs et les deux plus importants syndicats français, la CGT (Confédération générale du travail) et la CFDT (Confédération française démocratique du travail). En conséquence, cette loi comprend des mesures destinées à accroître l'influence des syndicats les plus importants. Sous le régime actuel qui remonte à 1945 et à la libération de l'occupation nazie, les cinq syndicats CGT, CFDT, FO (Force ouvrière), CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens) et CGC (Confédération générale des cadres) –  sont considérés comme représentatifs dans n'importe quelle entreprise et peuvent négocier des accords avec la direction.

La nouvelle loi exigera des syndicats qu'ils obtiennent 10 pour cent des voix dans une entreprise – 8 pour cent au niveau des branches et au niveau national – lors des élections professionnelles pour être considérées comme représentatives. Les accords seront respectés si les syndicats qui les signent ont obtenu collectivement plus de 30 des voix. On s'attend à ce que cela entraîne rapidement des regroupements entre les syndicats plus petits.

L'Assemblée nationale et le Sénat ont également fait passer une loi portant atteinte au droit de grève des instituteurs. S'appuyant elle-même sur des limites imposées, sur ordre de Sarkozy, au droit de grève des transporteurs, l'été dernier, la loi exige des écoles qu'elles restent ouvertes et qu'elles organisent une surveillance des élèves si plus de 25 pour cent des enseignants sont en grève. On ne sait pas comment les écoles trouveront le personnel nécessaire pour ce service, mais la loi sera utilisée pour faire pression sur les écoles afin de limiter les grèves, en les menaçant de pénalités administratives et financières massives.

Le Sénat a validé plusieurs autres lois régressives déjà adoptées par l'Assemblée nationale. La réforme des allocations chômage, - que le gouvernement a également négociée avec les syndicats et les organisations d'employeurs – cherche à faire accepter aux travailleurs des postes de moins en moins bien payés à mesure que leur période de chômage s'allonge, sous peine de perdre leurs allocations.

Elle raye les travailleurs des listes de chômeurs s'ils refusent deux « offres raisonnables d'emploi. » Une offre d'emploi dans un rayon d'une heure de trajet depuis sa résidence est considérée comme raisonnable si elle propose 95 pour cent du salaire précédent, si elle propose 80 pour cent du salaire précédent dans les six premiers mois de chômage, et ensuite si elle propose plus que l'allocation chômage (57,4 pour cent du salaire précédent). 

Le Sénat a également adopté la longue loi de modernisation de l'économie (LME), qui a été débattue ces deux derniers mois. Elle est passée de 44 à 173 articles, a subi 2500 amendements, et nécessitera la publication de 20 ordonnances et 123 décrets pour entrer en vigueur. Elle permet aux banques commerciales frappées par la crise des crédits hypothécaires américains d'ouvrir des comptes de Livret A – l'un des principaux comptes pour les petits épargnants en France, représentant près de 46 millions de comptes pour une valeur totale de 137 milliards d'euros en décembre 2007.

La LME restreint les lois qui limitaient la capacité des grosses enseignes à faire pression sur leurs fournisseurs pour baisser les prix, une mesure qui devrait leur permettre de vendre moins cher que les petits commerçants et qui devrait entraîner une plus grande concentration dans la grande distribution. Elle réduit aussi les taxes sur les artisans et petits commerçants, pour encourager les salariés et les étudiants à créer leurs propres petits boulots subsidiaires, elle réduit aussi les taxes pour les étrangers à haut revenu travaillant en France (30 pour cent d'exemption sur les revenus taxés au lieu de 20).

La capacité du gouvernement à faire passer des restrictions aussi drastiques constitue un avertissement pour la classe ouvrière et requiert une sérieuse explication politique. Les acquis sociaux obtenus par des générations de travailleurs sont mis en pièces par un président dont les décisions sont largement impopulaires (61 pour cent des personnes interrogées désapprouvaient Sarkozy dans un récent sondage).

Les parlementaires de droite ont été eux-mêmes quelque peu surpris et soulagés de leur victoire. Dans un article du 25 juillet, « Sarkozy : les réformes sur la ligne d'arrivée » Le Figaro écrivait : « Au dîner offert au Petit Palais [à Paris] pour les parlementaires de la majorité, l'atmosphère ressemblait à celle d'une nuit de victoire électorale. ‘ je n'avais pas vu une telle ambiance depuis un moment,’ disait Catherine Pégard, une conseillère du président. »

La victoire du gouvernement est dûe à l'absence de tout mouvement politique capable de mobiliser l'hostilité populaire au programme Sarkozy. Les condamnations de pure forme de la loi, après son adoption, par quelques membres assez mineurs des partis dit de gauche – Alain Vidaliés du Parti socialiste (PS) et Martine Billard des Verts – n'ont fait que rendre plus notable le silence des directions du PS et des Verts.

Leur accord de principe avec les attaques de Sarkozy sur les acquis sociaux est démontré par leurs états de service quand ils étaient au pouvoir pour la dernière fois, sous le Premier ministre Lionel Jospin en 1997-2002. Ils ont mené un programme massif de privatisations, et n'ont fait passer la loi sur les 35 heures qu'en acceptant que le gouvernement finance son coût pour les entreprises en réduisant les allocations chômage.

Les tactiques de manifestations et protestations syndicales n'offrent pas non plus une voie d'avenir pour la classe ouvrière.

Les manifestations d'un jour organisées par les syndicats en mai et juin ont impliqué des centaines de milliers et parfois des millions d'ouvriers et d'étudiants. Cependant, elles souffraient d'un défaut capital – elles restaient dominées politiquement par la bureaucratie syndicale, qui appelait cyniquement à manifester pour détourner l'attention de sa collaboration en sous-main avec Sarkozy. La CGT et la CFDT n'avaient aucune intention de monter une offensive politique qui aurait bloqué des attaques qu'ils avaient eux-mêmes contribué à préparer.

Plus largement, les travailleurs doivent tirer les leçons des vagues de manifestations de 1995, 2003, 2006, 2007 et 2008, qui n'ont fait que poser le décor pour de nouvelles attaques sur leurs conditions de vie. Leur point faible a toujours été leur perspective, dictée par la bureaucratie syndicale, de parvenir finalement à un accord avec le gouvernement, négocié par les syndicats.

Aucun des principaux partis de gauche n'a tenté d'organiser une opposition politique aux gaullistes. Au lieu de cela, ils ont contribué à légitimer leur droit de gouverner. Le deuxième tour des élections présidentielles de 2002 avait mis Jacques Chirac au pouvoir, face au candidat néofasciste Jean-Marie Le Pen, qui avait légèrement devancé le dirigeant PS discrédité Lionel Jospin, au premier tour. À ce moment-là, le PS, les Verts et le Parti communiste avaient tous appelés à voter Chirac. En cela ils avaient été rejoints par la Ligue communiste révolutionnaire petite-bourgeoise.

Le résultat en a été une campagne de régression sociale de six ans, dont la législation actuelle est le couronnement, pour le moment.

Les trahisons des syndicats et des partis de gauche peuvent et doivent entraîner des changements importants dans l'orientation politique de la population française. Pour s'opposer avec succès aux prochaines attaques sur le niveau de vie que Sarkozy et son gouvernement préparent déjà, un parti doit être formé sur la base d'un programme socialiste, d'une opposition sans compromis aux intérêts capitalistes avancés par Sarkozy et ses complices à gauche, et d'une lutte pour la défense internationale du niveau de vie de la classe ouvrière.


Lire aussi :

Amiens, France : Les salaries de Goodyear confrontés à des attaques sur leurs emplois et conditions de travail [24 juillet 2008]

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[17 juin 2008]

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