Le discours prononcé par Barack Obama devant
un auditoire comptant quelque 200 000 personnes à Berlin était un message
réactionnaire rappelant l’anti-communisme de la guerre froide et une
tentative de promouvoir le nouveau cadre de l’agression et du militarisme
impérialiste américain, la soi-disant « guerre mondiale contre le
terrorisme. »
Présentant un concentré d’histoire des
relations américano-européennes d’après-guerre, le candidat présidentiel
du Parti démocrate a appelé à une collaboration plus étroite entre les deux
continents dans la lutte contre le « nouveau danger » du terrorisme
international et exigé que les gouvernements européens augmentent les effectifs
des troupes en Afghanistan.
Lors de son appel aux armes dans « la
guerre contre le terrorisme », Obama a suggéré que les populations de
l’Europe, notamment de l’Allemagne, devaient surmonter leur aversion
pour la guerre. Le candidat démocrate, qui est parfaitement conscient de
l’opposition de masse au sein de la population allemande à la présence
militaire allemande en Afghanistan, a déclaré : « Personne ne veut la
guerre. J’admets qu’il y a d’énormes problèmes en
Afghanistan… Les Etats-Unis ne peuvent pas les résoudre à eux seuls. Le
peuple afghan a besoin de nos troupes et des vôtres, de notre soutien et du vôtre
pour vaincre les talibans et Al-Quaïda… »
La première proposition faite par Obama fut un
appel à une action concertée de l’Europe et des Etats-Unis pour que soit envoyé
un « message direct à l’Iran pour qu’il renonce à son ambition
nucléaire. » Faisant allusion à l’opposition initiale émise par
l’Allemagne et la France à l’invasion de l’Irak, il a dit
qu’en « dépit de différends antérieurs » l’Europe devrait
soutenir les efforts des Etats-Unis pour stabiliser le régime fantoche de
Bagdad en « mettant finalement fin à cette guerre »,
c’est-à-dire accepter une présence militaire américaine indéfinie et une
domination américaine du pays.
Dans un passage révélateur, Obama a fait une
prudente allusion au fait que son élection ne signifierait nullement un
relâchement du militarisme américain ou un allègement du fardeau pour
l’Allemagne ou les autres Etats européens. Il a déclaré : « Certes,
il y a eu des différends entre les Etats-Unis et l’Europe. Et il y en
aura d’autres à l’avenir. Mais les fardeaux qu’impose une
citoyenneté mondiale continueront de nous lier. Un changement de direction à
Washington ne lèvera pas ce fardeau. »
Obama a ainsi profité de l’occasion de
son intervention publique durant sa visite à l’étranger pour réitérer une
perspective de guerre interminable et de violence militaire.
Le contenu politique du discours d’Obama
a été judicieusement résumé par le journal républicain de droite National
Review qui a publié vendredi un long éditorial, qualifiant le discours d’« assez
conservateur et plutôt patriotique ». Cet éditorial dit :
« En l’espace de 20 minutes le
sénateur a pris les décisions suivantes :
* Une ferme condamnation de la tyrannie
communiste et une glorification de la résistance américaine victorieuse du
communisme dans la guerre froide ;
* Un appel passionné à la poursuite de
l’Alliance atlantique et à sa transformation en un partenariat mondial en
tant que base unique à la sécurité internationale et la protection du commerce ;
* Une approbation de la guerre contre le
terrorisme incluant l’argument standard du président Bush selon laquelle
il faut « assécher la source d’extrémisme qui l’alimente [le terrorisme] » ;
* Un soutien sans ambiguïté de la mission de
l’OTAN en Afghanistan et une exigence claire que les Européens y envoient
davantage de troupes ;
* Un engagement en faveur du libre-échange, de
l’ouverture des frontières et de la mondialisation ;
* Un soutien à la promotion de la démocratie au
Proche-Orient et ailleurs et qui inclut l’acceptation que la guerre en
Irak a été gagnée par les Etats-Unis, ses alliés de la coalition et
l’actuel gouvernement irakien ;
* Une déclaration franche que l’Iran
« doit » renoncer à ses ambitions nucléaires ;
* Et une évocation patriotique des Etats-Unis
en tant que moyen pour les espoirs de paix et de justice dans le monde
La visite d’Obama a été précédée par une
campagne sans égale des médias allemands qui se sont emballés pour le candidat
à la présidence. Un certain nombre de journaux avaient prédit un énorme taux de
participation et avaient fait des comparaisons avec les rassemblements ayant eu
lieu à Berlin pour John F. Kennedy en 1963 et Ronald Reagan en 1987.
Il est significatif qu’Obama ait choisi
de reprendre les mots de Reagan dont l’opinion publique officielle américaine
prétend qu’il a gagné la guerre froide. Répétant la phrase de Reagan
« M. Gorbatchev, faites tomber ce mur », Obama a déclaré :
« Lorsque vous, le peuple allemand, avez abattu ce mur qui divisait
l’Est de l’Ouest, la liberté de la tyrannie ; la peur de
l’espérance, d’autres murs se sont effondrés de par le monde…
et ont ouvert les portes à la démocratie. »
Obama qui n’a jamais caché son
enthousiasme pour le « libre marché » poursuivit en disant : « Les
marchés aussi se sont ouverts. » Il resta toutefois muet quant aux
conséquences sociales dévastatrices de l’introduction des relations
capitalistes en Europe de l’Est qui ont conduit au démembrement intégral
de l’industrie dans l’Est de l’Allemagne ainsi qu’au
chômage de masse, et entraîné dans l’ex-Union soviétique une diminution
de la longévité que seuls des pays ravagés par la guerre avaient connu
jusque-là. Le discours d’Obama était également remarquable pour sa
négligence de la crise sociale à laquelle des millions de personnes sont
confrontées aux Etats-Unis et dans les pays ouest-européens industrialisés,
ainsi que de l’effondrement financier américain qui menace de plonger le
monde dans une nouvelle dépression.
Le discours avait été construit de façon à pouvoir
s’adresser à la fois à plusieurs auditoires. A l’attention des
public allemand et européen, il a émaillé ses remarques d’un vague appel
à l’unité de cultures différentes et aux efforts visant à combattre la
pauvreté dans le tiers-monde et le changement climatique. A l’adresse des
bourgeoisies allemande et européenne, il a offert une relation plus coopératrice
en laissant entendre qu’en échange de leur assistance à sauver les
aventures néo-coloniales américaines en Afghanistan et ailleurs, elles
pourraient s’attendre à bénéficier d’une part plus grande du butin.
A l’adresse de l’élite dirigeante
américaine, Obama a offert des garanties prouvant sa détermination de
poursuivre, en tant que président, les objectifs hégémoniques mondiaux de
l’impérialisme américain tout en affichant une attitude plus
multilatérale et en prônant un renforcement de l’Alliance
transatlantique.
Il y eut beaucoup d’éloges pour le
discours d’Obama de la part de tous les partis de la politique officielle
allemande. Les dirigeants de la CDU (Union chrétienne-démocrate), de la CSU (Union
chrétienne-sociale), du FDP (Parti libéral-démocrate), du SPD (Parti
social-démocrate), des Verts et de La Gauche ont tous exprimé leur
satisfaction.
La bourgeoisie allemande et la bourgeoisie
européenne saluent de manière générale la fin de l’ère Bush et voient
dans une présidence Obama plus de possibilités de poursuivre leurs propres
objectifs. Le journal néerlandais De Volkskrant a écrit au sujet de la
visite d’Obama en Allemagne :
« Au cours de ces dernières années, les
Etats-Unis ont été confrontés aux limites de leur pouvoir en Afghanistan et en Irak
et dans d’autres questions internationales telles que le problème
israélo-palestinien et le conflit à propos de l’enrichissement
d’uranium par l’Iran. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy sont en
train de jouer des rôles de plus en plus dominants dans la diplomatie
internationale. Ce qui est ressorti clairement après le 11 septembre et qui est
devenu d’autant plus évident à présent c’est que, depuis la fin de
la guerre froide, notre monde ne connaît pas de valeurs universelles dont les
Etats-Unis seraient le principal ou le seul représentant… Les Etats-Unis
ont une fois de plus besoin de leurs vieux alliés de l’OTAN. »
(Article original anglais paru le 26 juillet
2008)