Des dizaines de milliers de travailleurs ont
participé à la grève générale au Sri Lanka en dépit d’une brutale
campagne d’intimidation menée par le gouvernement. Il est difficile
d’évaluer la participation exacte étant donné que les syndicats, menés
par le Janatha Vimukthi Peramuna (JVP) et l’United National Party (UNP),
ont refusé d’appeler à des réunions de masse, des rassemblements ou des
défilés pour lutter pour leurs revendications.
Alors que les ministres du gouvernement proclamaient
que la grève était un échec complet, le député JVP et dirigeant syndical, K.D.
Lalkantha a déclaré qu’elle était « à 70 pour cent un succès ».
La participation semble avoir été inégale et bien inférieure à celle escomptée
par le JVP et l’UNP. Le débrayage a été fortement suivi par les
travailleurs des plantations, mais la majorité des travailleurs du privé et du
secteur public n’y a pas participé.
La mobilisation relativement faible
n’était due ni au manque d’opposition des travailleurs aux attaques
gouvernementales contre le niveau de vie, ni au fait que les travailleurs
auraient avalé les affirmations du gouvernement qu’il fallait faire des
sacrifices en raison de la reprise de la guerre contre les Tigres de libération
de l’Eelam tamoul (LTTE). Il y a un soutien énorme en faveur d’une
augmentation de salaire de 5000 roupies par mois, pour une indemnité de vie
chère et pour une réduction pour les usagers des prix des bus et des chemins de
fer.
De vastes sections de travailleurs, toutefois,
ne font pas confiance aux dirigeants syndicaux qui ont, à maintes reprises,
cédé devant l’opposition du gouvernement à toute hausse de salaire. En
réaction à l’insistance du président Mahinda Rajapakse que tous les
moyens doivent être consacrés à la guerre, les syndicats ont mis fin à une
série de grèves au cours de ces deux dernières années, y compris celles des
dockers, des travailleurs des plantations, ainsi que celles des enseignants et
des professionnels de santé. Le chauvin JVP, tout spécialement, soutient la
guerre communautaire de Rajapakse.
Le soutien fort apporté par les travailleurs
des plantations prouve le caractère contradictoire de la grève. Le All Ceylon
Estate Workers Union (a Confédération des syndicats) qui est mené par le JVP
n’a presque aucune influence sur ces travailleurs qui parlent surtout le
tamoul et qui sont hostiles à la position de suprématie cinghalaise du JVP et à
son soutien pour la guerre. Et pourtant, 90 pour cent des travailleurs des
districts situés dans la région vallonnée centrale, tels Hatton, Thalawakele,
Nuwara Eliya, Bogawantalawa et Bandaraweka, s’étaient joints au
débrayage.
La grève des travailleurs de plantations ne
représente pas un basculement du soutien en faveur du JVP, mais est une expression
de leur situation économique de plus en plus désespérée dans des conditions où
l’inflation se situe présentement à 30 pour cent. Les travailleurs des
plantations font partie des sections les moins bien payées et les plus
exploitées de la classe ouvrière sri lankaise. En cessant le travail hier, ils
ont défié les directions des principales fédérations syndicales des plantations,
le Ceylon Workers Congress (CWC) et le Upcountry Peoples Front (UPF), qui
avaient lancé des appels à ne pas faire grève. Le CWC et l’UPF qui font
également office de partis politiques sont tous les deux partenaires de la
coalition dirigeante de Rajapakse.
Pour ce qui est des autres sections de
travailleurs qui avaient précédemment fait grève pour une hausse de salaire, la
participation a été faible. En octobre dernier, quelque 300 000
enseignants avaient participé à un mouvement de grève de 24 heures. Hier, moins
de la moitié avait suivi l’arrêt de travail. Une section significative du
personnel non médical des principaux hôpitaux avait rejoint la grève, tout
comme le personnel du service de presse du gouvernement et de la manufacture
gouvernementale. Peu de travailleurs des transports y ont participé. Plusieurs centaines
de travailleurs d’entreprises privées y ont pris part.
Ceux qui avaient participé à la grève ont dû
défier une campagne d’intimidation concertée de la part du gouvernement. Sous
le prétexte de posséder des renseignements quant à une alerte à la bombe, des
policiers et des soldats avaient été affectés à la surveillance de nombreux
bâtiments gouvernementaux, des gares, des arrêts d’autobus et autres
endroits dans Colombo. Mercredi, la police a arrêté des dirigeants syndicaux
régionaux à l’hôpital Angoda qui n’ont été libérés que suite à un
arrêt immédiat de travail des travailleurs. Jeudi, le gouvernement a dépêché
des ministres et des conseillers provinciaux sur les lieux de travail dans le
but d’intimider les travailleurs.
Le porte-parole de la Défense du gouvernement,
Keheliya Rambukwella a déclaré mercredi que les grévistes faisaient le jeu du
LTTE. Si le gouvernement accordait la revendication de 5000 roupies, a-t-elle
dit, « le montant des dépenses de la défense devra être réduit, et
c’est ce que veut le LTTE… Il pourrait donc bien y avoir un lien
entre les deux (les syndicats et le LTTE) ».
Dans un discours prononcé mercredi au
parlement, le ministre de la Santé, Nimal Siripala de Silva, a averti que
« le gouvernement avait le droit d’écraser une action
syndicale ». Il a ajouté : « Des actions syndicales avaient été
écrasées même en Chine, en faisant usage de leur politique d’embauche
pour licencier aussitôt après. » Cette dernière remarque avait été lancée
à l’adresse du JVP qui se réclame du « socialisme » et qui
maintient des liens étroits avec la bureaucratie stalinienne chinoise.
Tout indique que le National Trade Union
Centre (NTUC) qui est contrôlé par le JVP s’adapte déjà à la propagande
pro guerre du gouvernement et projette de mettre fin à l’actuelle grève
pour une hausse des salaires. Le dirigeant du NTUC Lalkantha a dit dimanche au
journal Irida Lakbima que si le gouvernement était prêt à faire quelques
sacrifices pour la guerre alors « nous pouvons demander aux masses
d’accepter l’augmentation de 625 roupies offerte par le
gouvernement et "d’être patientes" ».
S’exprimant mardi lors de
l’émission de télévision « Swarnavahini », Lalkantha a réitéré le
soutien total du JVP à la guerre en disant : « Dès le début de la
guerre nous avons invité la société à se mettre au service de la guerre. Nous
avons même demandé à d’autres syndicats de ne pas lancer d’action
de grève. » Il a promis : « Nous ferons grève sans entraîner le
pays dans l’anarchie. »
Après la grève, le gouvernement n’a pas
cédé d’un pouce aux revendications salariales. Dans un discours prononcé hier
au parlement, le ministre des Médias, Anura Priayadarshana Yapa a mis en garde
que l’UNP et le NTUC auront à subir des « conséquences
désastreuses » s’ils recouraient une nouvelle fois à la grève. Le
JVP et le NTUC ont annoncé qu’ils n’envisageaient pas d’action
de grève en disant que les dirigeants syndicaux auraient des entretiens au
sujet de la campagne.
Depuis le début, le Socialist Equality Party (SEP)
met en garde que sans un programme politique s’opposant à la guerre, la
classe ouvrière est incapable de défendre même les droits les plus
fondamentaux. Nous demandons aux travailleurs qui sont en quête d’un
moyen de lutte pour de meilleures conditions de salaire et de vie d’étudier
sérieusement la déclaration du SEP « Un programme socialiste pour lutter pour
une hausse des salaires et une amélioration des conditions de vie » et qui
appelle à la construction de comités d’action afin d’arracher la
campagne des mains des syndicats et de mettre en avant une perspective révolutionnaire
dans le but de faire avancer la lutte.