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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

« La vie humaine est précieuse » dit Bush  ; Moins que l’on pourrait le croire » ajoute l’EPA

Par David Walsh
26 juillet 2008

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Une vie humaine est infiniment précieuse, selon l’administration Bush, à moins que l’on ne se rende compte que garder un individu en vie pourrait réduire les profits.

Associated Press a révélé le 10 juillet que l’Agence de protection de l’environnement (EPA) du gouvernement américain avait réduit la « valeur d’une vie statistique » de 7,8 millions $ cinq ans plus tôt à 6,9 millions $ aujourd’hui. La « valeur d’une vie statistique » fait référence à la supposée valeur dont profite la société à sauver une vie « générique ».

Les agences fédérales, lorsqu’elles considèrent de nouvelles lois, « compare les coûts à la valeur des vies sauvées par la loi proposée », note AP, donc « moins élevée est la valeur d’une vie aux yeux du gouvernement, moins nécessaire est le besoin d’une réglementation ».

L’agence de presse en souligne ensuite les implications : « Prenons par exemple une loi hypothétique qui coûterait 18 milliards $ à faire respecter, mais qui préviendrait la mort de 2500 personnes. A 7,8 millions $ par personne (l’ancienne valeur), la valeur des vies sauvées dépasserait les coûts. Mais à 6,9 milliards $ par personne, la réglementation coûterait plus cher que les vies qu’elle sauverait et pourrait donc ne pas être adoptée. »

Les « bénéfices » discutés ici représentent la survie d’un certain nombre d’êtres humains ; les « coûts » sont la réduction des revenus corporatifs.

La réduction de la valeur d’une vie américaine déterminée par l’EPA aura pour conséquence une diminution des restrictions sur la pollution, plus de dangers pour les consommateurs et d’autres fléaux semblables des grandes compagnies. W. Kip Viscusi de l’université Vanderbilt, un expert en la matière, a affirmé au média : « Personne ne l’avait jamais réduite [la valeur d’une vie statistique]. » Il a déclaré que la plupart des chercheurs croient que la valeur devrait généralement augmenter.

Sans surprise, l’EPA n’a pas annoncé publiquement la nouvelle valeur. Seth Borenstein de AP n’a découvert le changement qu’après avoir étudié les analyses coûts-bénéfices du gouvernement sur une période de plus de douze ans.

S. William Becker, directeur exécutif de la National Association of Clean Air Agencies, a commenté : « Il semble qu’ils aient truqué les comptes en ce qui concerne la valeur d’une vie... Ces décisions sont littéralement une question de vie ou de mort. »

Et Dan Esty, un haut représentant de l’EPA dans l’administration de Gorge H.W. Bush et présentement directeur du Yale Center for Environmental Law and Policy, a déclaré à Associated Press : « On peut difficilement imaginer que le motif est autre que politique. »

L’EPA a procédé aux changements en deux étapes. En 2004, l’agence a réduit la valeur d’une vie humaine de 8 pour cent. « Ensuite », écrit AP, « dans un jugement réglementant la pollution ferroviaire et maritime de l’air rendu en mai, l’agence n’a pas ajouté l’ajustement normal pour l’inflation annuelle. Avec ces deux changements, la valeur d’une vie humaine a chuté de 11 pour cent en dollars d’aujourd’hui.

OMB Watch note aussi que « la Maison-Blanche de Bush, par exemple, est plus qu’enthousiaste de rejeter les réglementations proposées si les coûts monétaires dépassent les bénéfices monétaires », comme elle l’a fait récemment dans une affaire impliquant le recyclage de contenants de pesticides. Dans cette situation, Susan Dudley, à la tête de l’Office of Information and Regulatory Affairs de la Maison-Blanche a écrit  le 3 juillet à l’EPA, admettant « que la gestion illégale et incorrecte de ces contenants de pesticides pouvait être dangereuse. Cependant, il n’est pas certain que la mise sur pied de ce programme de recyclage entraîne une réduction significative de la gestion incorrecte de ces contenants.

 « De plus, l’analyse de l’EPA du programme proposé indique que les coûts quantifiés imposés par le programme de recyclage proposé excédera les bénéfices quantifiés par plus de deux ordres de grandeur. » Un nombre X de gens peut tomber malade ou mourir, mais une industrie est épargnée de dérangements et de coûts—un échange raisonnable.

L’Agence de protection de l’environnement, établie en 1970 par l’administration Nixon, n’a jamais été en mesure de remplir son mandat. La grande entreprise américaine dépense de grands montants d’argent, en soudoyant les politiciens des deux principaux partis et en faisant du lobbying, pour bloquer ou vicier les régulations environnementales. De plus, des coupures budgétaires à répétition ont réduit la capacité de l’EPA à enquêter sur les problèmes et le moral est apparemment à son plus bas.

Sous l’administration Bush et son équipe de fanatique du libre marché, l’agence est devenue, dans les mots d’une critique libérale : « un outil de la Maison Blanche qui est désespérément compromis et traversé par les scandales » (www.scienceprogress.org).

En avril, le Syndicat des scientifiques concernés a rapporté les résultats d’une enquête de 1600 scientifiques de l’EPA et a trouvé « une agence sous l’assaut des pressions politiques. » Soixante pour cent des répondants ont dit qu’ils avaient personnellement vécu de l’obstruction politique dans leur travail lors des cinq dernières années. Plus de la moitié ont révélé qu’ils n’avaient pas la permission de partager leurs résultats avec les médias.

Un mois plus tôt, en mars 2008, les syndicats représentants 10 000 employés de l’EPA ont envoyé une lettre à l’administrateur Stephen Johnson, alléguant qu’il use de représailles contre les personnes qui tirent la sonnette d’alarme et les représentants du syndicat, qu’il « abuse de notre bonne nature et de notre confiance » et qu’il ignore les Principes d’intégrité scientifique de l’agence. La lettre faisait suite à la décision de Johnson en décembre 2007 d’empêcher la Californie et seize autres états d’implanter de nouvelles restrictions sur l’émission de gaz à effet de serre par les automobiles et les camions.

Le magazine Nature, aussi en mars, a fait un éditorial qui disait que « L’Agence de protection environnementale des Etats-Unis perd rapidement ce qui lui reste de crédibilité. L’administration Bush a toujours montré plus de zèle à protéger les intérêts des grandes entreprises que l’environnement… Mais, l’actuel administrateur de l’agence, Stephen Johnson, un toxicologue vétéran de l’EPA qui fut promut en haut des échelons en 2005, a gradué avec un insouciant dédain pour la loi, la science et les propres règles de l’agence—ou, semble-t-il, les protestations angoissées de ses propres subordonnés. »

La décision d’abaisser la « valeur de la vie statistique » survient dans ce contexte.

La notion qu’un coût peut être posé sur la valeur de la préservation de la vie humaine est répugnante de bout en bout, quoique appropriée à un système où tout attribut ou activité humains est réduit à des termes quantitatifs, à des dollars et à des cents.

De façon notoire, en 2002 (aussi montré par Borenstein de l’AP), l’EPA en est venue à la conclusion que la valeur des personnes âgées était de 38 pour cent moindre que celle des personnes de moins de 70 ans. Les protestations du public ont fait changer d’avis l’agence.

Un officiel de l’EPA, Al McGartland, a défendu la diminution de valeur de la vie humaine par l’agence en expliquant que ce geste reflétait « les préférences du consommateur ». McGartland a commenté : « C’est notre meilleure estimation de ce que les consommateurs sont prêts à payer pour réduire des risques similaires pour eux-mêmes. » Jack Wells, économiste en chef du département américain du Transport, a dit au Washington Post que c’était une « idée bizarre » que de jauger de la vie en termes de coût, « Mais si vous y pensez, les gens font exactement cela à tout moment… Nous pourrions éliminer beaucoup des morts [sur les autoroutes] en imposant une limite de vitesse de 15 kilomètres/heure. »

Ces arguments sont fallacieux. La vie quotidienne implique certains risques, qu’on ne peut jamais complètement éliminer. Toutefois, il n’y a pas de « consommateurs » qui « préfèreraient » avoir la possibilité d’être malade à cause de la négligence d’une compagnie. Cela est un crime social qui est imposé à la population et qui peut être entièrement éliminé avec les mesures appropriées. Dans le système capitaliste, où l’être humain est subordonné à la recherche du profit, une certaine portion de la population est inévitablement sacrifiée dans des accidents industriels ou parce qu’elle est en contact avec des matériaux toxiques, que l’eau ou l’air est empoisonné, qu’il est impossible de se faire soigner, et le reste.

L’EPA fait des analyses du risque depuis le milieu des années 1970. Lisa Heinzerling, professeur de droit à Georgetown University, explique que « le rapporte coût-bénéfice n’a jamais été non biaisé. De faibles valeurs pour la vie humaine, des coûts évalués à une valeur monstrueusement élevée, la négligence de facteurs dont il ne faut pas tenir compte, un préjugé favorable pour la déréglementation, tout ceci est là depuis le début… [L]es biais de l’analyse coûts-bénéfices ne sont pas un effet pervers. Ils sont la manifestation d’une philosophie incrustrée qui est profondément hostiles aux « arguments » des environnementalistes.

Le Washington Post a présenté un exemple de la façon de penser des officiels du gouvernement sur cette question : « Ils pourraient savoir, par exemple, qu’une nouvelle mesure diminuant la pollution sauvera 50 vies par année, même s’ils ne savant pas qui seront ces 50 personnes. L’EPA décidera si les vies sauvées valent le coût du sauvetage et il aide à établir la valeur en dollars de chacune des vies sauvées. »

Il faut se rappeler que l’on parle ici de l’administration — qui lorsqu’elle tente de détourner l’attention de ses crimes et d’obtenir un appui populaire, fait appel à la religion et aux « valeurs » — qui proclame comme sa première priorité est la « vie humaine individuelle ». Le régime Bush a tout fait en son pouvoir pour que l’accès à l’avortement soit aussi difficile que possible et pour décourager l’usage des moyens contraceptifs.

Bush, suivant en cela Ronald Reagan et son père, a proclamé chaque année que le troisième dimanche de janvier était « Jour national du caractère sacré de la vie humaine » dans le but de souligner l’anniversaire de la décision de la Cour suprême nommée Roe vs Wade qui a légalisé les avortements aux Etats-Unis.

Lors du « Jour national du caractère sacré de la vie humaine » de 2008, Bush a déclaré « Nous reconnaissons que chaque vie a une dignité inhérente et une valeur inestimable. Nous réaffirmons notre détermination inlassable à défendre les membres les plus faibles et les plus vulnérables de notre société. »

Le défenseur des plus faibles et des plus vulnérables a présidé à plus de 152 exécutions au Texas, se moquant publiquement des appels à la clémence d’une condamnée et a commencé une guerre et une occupation illégales qui a résulté en la mort d’un million d’Irakiens.

Bush a souvent fait du caractère sacré de la vie un thème de la « lutte mondiale contre le terrorisme ».

Par exemple,

« Nous valorisons la vie ; les terroristes la détruisent sans vergogne. » (novembre 2001)

« La ligne de division dans notre monde ne se trouve pas les nations, pas plus que les religions et les cultures. La ligne de division sépare deux visions du la justice et de la valeur de la vie. » (mars 2004)

« Je crois que c’est une force que nous valorisions chaque vie, que chaque personne est précieuse. » (avril 2006)

Peut-être que quelques ajustements pourraient être faits à l’avenir aux commentaires de Bush pour qu’ils soient plus en ligne avec les actions de EPA. Quelque chose comme : « Nous valorisons chaque vie humaine, en autant que sa préservation n’interfère avec les opérations des industries pétrochimiques et plastiques, des centrales électriques, de l’industrie automobile ou des industries de pâtes et papiers ou plus généralement qu’elle empêche le système de la libre entreprise d’être bien rodée. »

 (Article original anglais paru le 23 juillet 2008)


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