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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le président français s’en prend à l’opposition populaire

Par Pierre Mabut
12 juillet 2008

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Le président Nicolas Sarkozy s’est trouvé empêtré dans une controverse après avoir fait des remarques quelques minutes avant une intervention télévisée assez longue la veille de la présidence française de l’Union européenne le 30 juin sur la chaîne publique France 3. La vidéo des propos tenus hors antenne par Sarkozy juste avant son interview par des journalistes de la chaîne révèle l’hostilité entre le président et de vastes couches de la population.

Après avoir été accueilli par une foule de manifestants protestant contre son projet de nommer personnellement le président de la télévision publique, Sarkozy a dit « bonjour » à un technicien qui lui accrochait un microphone au revers de la veste et qui n’a pas répondu à son salut. L’indifférence du technicien fit dire au président : « C’est une question d’éducation… Enfin, quand on est invité [à France 3], on a le droit que les gens vous disent bonjour quand même… Ou alors on n’est pas dans le service public, on est chez les manifestants… incroyable… et grave ! »

Se référant aux manifestations qui ont lieu devant l’entrée de France Télévisions, Sarkozy lâcha de façon menaçante « ça va changer, là ». Les syndicalistes impliqués dans l’affaire accuse Sarkozy de vouloir détruire la télévision publique et de revenir à une télévision d’Etat.

Quelques minutes avant que l’interview ne commence, Sarkozy essaya de parler à un journaliste qui avait été « placardisé » deux ans plus tôt. Il lui dit « Ça fait plaisir de voir M. Leclerc [journaliste à France 3] à l’antenne. Tu es resté combien de temps au placard ? » en enchaînant « J’avais protesté quand on l’avait mis au placard ».

Il suggère ensuite à ses interviewers de lui poser une question sur la fusillade de Carcassonne lors de laquelle un soldat a tiré à balles réelles au lieu d’utiliser des cartouches à blanc en faisant 17 blessés lors de cette démonstration militaire ouverte au public. « Vous voulez pas poser une question sur Carcassonne ? » a demandé le président. La question fut dûment ajoutée à la liste.

La vidéo embarrassante apparut sur le site gratuit d’informations Rue89 et gagna d’autres sites internet. Près d’un million de personnes avaient visionné la séquence vidéo en l’espace de quelques heures.

Dans un communiqué publié le 1er juillet, France 3 a dénoncé la divulgation de la vidéo : « La direction générale de France 3 a lancé une enquête interne pour déterminer comment les images ont pu sortir de France Télévisions… et a condamné avec la plus grande fermeté le piratage des images tournées pendant la mise en place de l’édition spéciale du 19/20 [émission d’actualités] qui recevait hier le président de la République. »

Le lendemain, les avocats de France 3 exigeaient le retrait de la vidéo et la destruction du document en question ainsi que la révélation des sources et les conditions dans lesquelles le site s’était procuré la vidéo. Rue89 répondit en disant : « Du jamais vu : un média qui menace un autre média de procès pour révéler ses sources ! Mais généralement, c’est l’Etat qui initie ce genre de démarches qui suscitent la plupart du temps, et à juste titre, des protestations des organisations professionnelles de journalistes. » Rue89 a refusé d’obtempérer.

La menace fut écartée après que le directeur de l’information soit intervenu.

Les tensions entre Sarkozy et les quatre chaînes publiques se sont envenimées après que le président ait critiqué des semaines durant la qualité de leurs programmes, mais surtout après sa décision de changer le statut du groupe audio-visuel. A partir de janvier prochain, la publicité sera supprimée sur les chaînes publiques et leurs pertes de recettes sont censées être compensées par une taxe de 0,8 pour cent sur le chiffre d’affaires des opérateurs mobile et des fournisseurs d’accès à internet. L’arrêt de la publicité sur les chaînes publiques signifiera un supplément de recette pour les chaînes privées. Les services autonomes des chaînes publiques seront centralisés en une seule société.

Ce financement est jugé totalement insuffisant car laissant un trou de 300 millions d’euros par an et le groupe de France Télévisions craint que cela ne débouche dans une « crise financière et sociale majeure ». Le 2 juillet, le PDG de France Télévisions, Patrick de Carolis, a répliqué publiquement aux critiques de Sarkozy. « Lorsqu’on dit qu’il n’y a pas de différence entre la télévision de service public et les télévisions privées, je trouve cela faux, je trouve ça stupide, et je trouve ça profondément injuste. Si à un moment donné, je vois que je n’ai pas la possibilité de faire mon travail… je dirai ‘stop’. »

Mise à part la question du financement, l’annonce faite la semaine précédente par Sakozy selon laquelle la nomination du président de France Télévisions se fera à l’avenir par lui-même et par le premier ministre en n’étant que confirmée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) s’est révélée extrêmement impopulaire. Précédemment cette nomination relevait du CSA. La démarche de Sarkozy est considérée être une tentative de transformer les médias en une composante docile de l’appareil d’Etat, comme c’était le cas sous le général Charles de Gaulle dans les années 1960. Le directeur général et le président des chaînes de télévision et de radio de l’ORTF étaient nommés par décret gouvernemental comme c’est le cas pour la BBC en Grande-Bretagne.

Lors de l’interview télévisée du 30 juin, Sarkozy a justifié sa nouvelle politique en disant : « Comment voulez-vous faire tourner une boutique, 6.000 [membres du personnel] à France 3, 11.000 sur l’ensemble, avec des présidents qui changent tous les trois ans ?... On saura qui est responsable des bons et des mauvais programmes, quand l’équipe fera son travail, elle continuera, quand l’équipe ne fera pas son travail, elle changera. » Il a poursuivi en précisant, « Je ne regarderai pas le service public comme une petite secte, de micro organisations qui descendent de temps en temps dans la rue. »

Selon un sondage effectué après l’interview de Sarkozy, 71 pour cent des personnes interrogées étaient contre la nomination du président de France Télévisions par le président.

Et pourtant, Frédéric Lefebvre, le porte-parole de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) a réclamé des excuses à Patrick de Carolis pour avoir oser s’opposer aux projets du président pour une télévision publique. Il a demandé à ce que « L’équipe de Patrick de Carolis se mette au travail sur le contenu. »

Le ministre de la Culture Christine Albanel s’est montrée tout aussi indignée, « Ce n’est pas normal de prononcer certains adjectifs, comme "stupide" ou autre, ça ce n’est pas possible, vraiment ce n’est pas possible. On ne peut pas dire ça du président de la République, de l’actionnaire qui vient s’exprimer sur France 3. »

Un sondage réalisé pour le quotidien Le Parisien les 2 et 3 juillet a révélé une baisse de la cote de popularité de Sarkozy à son point le plus bas depuis son élection en mai 2007. Seuls 36 pour cent des personnes interrogées soutiennent la politique du président, une chute par rapport aux 39 pour cent de juin. Il y a un an, la cote de confiance était de 65 pour cent.

La confiance des consommateurs est tombée en juin à son niveau le plus bas jamais enregistré en raison de la flambée des prix de l’énergie et de l’alimentation.

(Article original paru le 9 juillet 2008)


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