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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : les syndicats collaborent avec les employeurs et le gouvernement pour déréglementer la durée du temps de travail

Par Antoine Lerougetel et Pierre Mabut
20 juin 2008

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La journée d’action et de manifestations appelée pour le 17 juin est une tentative des confédérations syndicales CGT et CFDT de couvrir leur trahison historique de la classe ouvrière, perpétrée le 9 avril, lorsqu’elles ont signé avec les employeurs la « position commune » que le gouvernement a ensuite utilisée comme base pour un projet de loi extrêmement régressif sur la représentativité syndicale et la durée du temps de travail.

La loi propose la possibilité à titre « expérimental » d’une déréglementation du temps de travail, libérant ainsi les employeurs des contraintes légales régissant les conditions de travail à échelle nationale et par branche industrielle. Pour des raisons de rivalités bureaucratiques plutôt que de principes, les six autres organisations syndicales plus petites, impliquées dans les discussions sur ces questions avec les organisations patronales, ont refusé de signer le document.

Gérard Filoche, membre du Parti socialiste, inspecteur du travail et un expert sur les lois du travail évalue ainsi ce projet de loi: « il vise toutes les clauses [du code du travail] concernant les heures supplémentaires, elles devront être renégociées d'ici au 1er janvier 2010 de façon à
supprimer les majorations et les repos compensateurs qui leur sont afférents. …la durée du travail de tout salarié peut être fixée sans accord collectif préalable par une convention individuelle de forfait en heures, sur la semaine ou le mois.»

Il ajoute: « Les employeurs pourront ainsi ne plus payer les majorations des heures
supplémentaires, la durée pourra être supérieure à 1607 h [durée annuelle légale du travail] c'est à dire inclure les ex-heures supplémentaires… Il y aura suppression de la justification économique de l'annualisation, des limites de 10 h et de 48 h…On revient au 19e siècle du point de vue des horaires et des soumissions des salariés à ceux ci. »

Ces changements sont en droite ligne avec des propositions pour une directive sur le temps de travail actuellement débattues dans les instances gouvernantes de l’Union européenne (UE). Un document rédigé à Luxembourg par des représentants des 27 Etats membres de l’UE autoriserait une durée hebdomadaire de travail de 60 heures et plus.

Et maintenant les syndicats organisent des protestations contre ce projet de loi. L’imposture c’est que la CGT (Confédération générale du travail, proche du Parti communiste stalinien) et la CFDT (Confédération française démocratique du travail, proche du Parti socialiste) mobilisent les travailleurs contre une politique qu’elles ont elles-mêmes initiée et qu’elles soutiennent largement.

Dans une interview accordée à Libération le 29 mai, le dirigeant de la CGT, Bernard Thibault a reconnu, « Nous avons accepté, ce qui était de notre part une concession importante, que l’on puisse déroger au principe du contingent d’heures supplémentaires dans le cadre d’un accord d’entreprise majoritaire. Mais à deux conditions : que ce soit à titre expérimental, et que cela s’inscrive dans un accord signé par des syndicats représentant une majorité de salariés.» Dans l’interview, Thibault s’est plaint de ce que le gouvernement « renvoie au niveau de l’entreprise l’essentiel de la législation sur le temps de travail. » Mais c’est précisément cette concession là que fait la partie « expérimentale » de la « position commune.»

C’est ainsi qu’a été abandonné le principe, établi au cours de longues luttes acharnées remontant au 19e siècle, que les garanties à échelle nationale et par branche industrielle contre l’exploitation sans borne des travailleurs doivent être respectées, quelles que soient la relation de force existant sur un lieu de travail ou une entreprise.

L’étroite collaboration entre les syndicats et la classe dirigeante a été soulignée par une réunion de crise conjointe des syndicats, du MEDEF (Mouvement des entreprises de France), et du groupe parlementaire conservateur UMP (Union pour un mouvement populaire), le 10 juin. Les participants à la réunion ont principalement exprimé leur préoccupation que, en avançant à un tel rythme dans la situation française actuelle qui est socialement explosive, le gouvernement était en train de contourner et de discréditer les soutiens syndicaux du régime bourgeois. 

Le dirigeant de la CFDT François Chérèque a déclaré : « Nous avons le sentiment d’avoir été trompés par le ministre du Travail. Avec le premier ministre, il nous a tendu une sorte de piège, à savoir négocier sur le temps de travail, ce qu’on a fait, et après profiter de cette négociation pour faire autre chose. » Thibault a manifesté son « désaccord sur la méthode et le contenu de la deuxième partie du projet de loi relatif au temps de travail… qui modifie autoritairement plus de 60 articles du code du travail. »

La présidente du MEDEF Laurence Parisot a été la plus virulente dans sa condamnation de l’UMP pour ce projet de loi. « Nous avons été pris en traître, et l’esprit de l’accord n’est pas conforme au projet de loi. Des évolutions significatives en matière de durée du travail ont été actées dans la position commune sur la représentativité syndicale. Il ne faudrait pas aujourd’hui prendre des décisions politiques qui cassent ce nouvel élan, très sain pour la pacification et la construction sociale en France. »

Une certaine nervosité a été exprimée par les personnalités les plus prudentes de l’UMP au pouvoir, conduites par l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, au sujet de cette remise en question manifeste de la durée légale du temps de travail dans le projet de loi.

L’éditorial du Monde du 30 mai a approuvé, dénonçant Sarkozy, « Il semblait avoir construit une véritable relation de confiance avec la CGT et la CFDT. Erreur. …. la CGT et la CFDT sont roulées dans la farine. Pour calmer une UMP impatiente de "démanteler" les 35 heures, M. Sarkozy met en pièces son "contrat" avec la CGT et la CFDT. A l'heure où de délicats chantiers sociaux s'accumulent — retraites, fonction publique, pouvoir d'achat —, c'est plus qu'une erreur. »

L’accord conclu entre les employeurs et la CGT et la CFDT sur la durée du temps de travail est une concession à titre de réciprocité pour la préférence accordée à ces deux syndicats sur la question de la loi de représentativité syndicale. La loi requiert que les syndicats obtiennent au moins 10 pour cent des voix lors d’élections aux instances représentatives pour pouvoir être officiellement reconnues et donc financées, ce qui donne à la CGT et à la CFDT, les deux plus importantes confédérations syndicales, un avantage décisif sur leurs rivaux plus petits. Ce seuil de 10 pour cent garantit à la CGT et la CFDT la part du lion des places de négociateurs et de participants dans les comités d’entreprise ainsi que des postes lucratifs dans les instances où siègent employeurs, syndicats et gouvernement pour réglementer les relations du travail, les retraites, les allocations chômage entre autres.

En accord avec la conception de Sarkozy d’un partenariat étroit avec des syndicats très collaborateurs, ou encore selon les termes des bureaucrates de la CGT, « des syndicats de proposition et non d’opposition », le document appelle à contribuer à reconstruire l’adhésion en déclin des syndicats : « La réservation de certains avantages conventionnels aux adhérents des organisations syndicales de salariés constitue sous des formes différentes, une piste à explorer de nature à développer les adhésions syndicales. »

Cet accord inclut aussi des récompenses aux permanents syndicaux. La sous-section intitulée « Reconnaissance des acteurs » encourage fortement « dans la perspective d’améliorer et de développer le dialogue social, la recherche de dispositions facilitant, pour les salariés exerçant des responsabilités syndicales, leur déroulement de carrière. » Elle ajoute que les entreprises devraient « prendre en compte l’expérience acquise dans l’exercice d’un mandat dans le déroulement de carrière de l’intéressé ». Elle propose même : « pour faciliter les parcours professionnels des salariés ayant eu un engagement syndical de longue durée… une fondation dénommée "Fondation du dialogue social" sera crée … en particulier pour faciliter le retour à une activité professionnelle, prenant en compte l’apport des responsabilités syndicales exercées ».

Les signataires de « la position commune » devait certainement avoir en tête l’avancement de carrière de Jean-François Le Duigou, négociateur de la CGT sur les retraites, architecte de la trahison du mouvement des cheminots et travailleurs des transports parisiens en octobre et novembre derniers pour la défense des régimes spéciaux de retraite. En janvier de cette année, le WSWS écrivait : « Selon des révélations faites par le quotidien de centre gauche Le Monde et le magazine l’Express, Le Duigou reprendra son ancien poste de directeur divisionnaire des impôts. Il percevra aussi un salaire de conservateur des hypothèques. Pour ces deux postes, il recevra un salaire de 9000 euros nets par mois, "l'un des mieux payés de Bercy", selon un commentaire du Monde. »

(Article original anglais paru le 16 juin 2008)

Lire aussi :

France : Le gouvernement prépare de nouvelles attaques sur l’allocation chômage [11 juin 2008]

France : Les travailleurs dans la rue pour dire « NON » à la réforme des retraites [26 mai 2008]

France : Un million de personnes en grève pour la défense de l’Education et des services sociaux [19 mai  2008]


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