L’Internationale étudiante pour l’égalité
sociale condamne et s’oppose à l’arrestation et à la détention d’un étudiant et
d’un employé de l’Université de Nottingham en Angleterre. Rizawaan Sabir, un
étudiant et Hicham Yezza, titulaire d’un doctorat et membre du personnel de
l’université, ont été arrêtés le 14 mai dernier en vertu du Terrorism Act 2000
(Loi antiterroriste). A la suite de cette action, le ministère de l’Intérieur
britannique a ordonné la déportation de Hicham Yezza vers l’Algérie, celle-ci
étant prévue pour le 1er juin.
Sabir est étudiant en sciences politiques à
l’université de Nottingham et prévoit d’achever une maîtrise sur l’intégrisme
islamique et les réseaux internationaux de terrorisme. Au cours de la recherche
effectuée pour sa dissertation, « L’approche américaine d’al-Qaïda en
Irak », il a téléchargé, dans le cadre de sa préparation, un exemplaire d’un
manuel d’entraînement d’al-Qaïda, disponible sur un site internet du
gouvernement américain. Ce document est d’accès libre sur un certain nombre de
sites internet et on peut l’acheter sous forme de livre sur Amazon.com
Comme le document comportait quelque 1500
pages, Sabir, se rendant compte qu’il ne pouvait pas en payer l’impression de
sa poche, l’avait envoyé par courriel à Yezza, lui demandant s’il était en
mesure de l’imprimer pour lui. Quelque temps après, quelqu’un a contacté la
police, indiquant que le manuel avait été vu sur l’ordinateur de Yezza.
La police est venue à l’université, a arrêté Rizawaan
et Yezza et perquisitionné leurs domiciles. Leurs portables et leurs
ordinateurs ont été confisqués, leurs familles et leurs amis interrogés.
On a aussi perquisitionné certains bâtiments
du campus et la police en uniforme a maintenu une présence dans le principal
bâtiment du campus, le Trent Building. On a fouillé aussi des étudiants
arrivant sur le campus le lendemain de l’arrestation. Musab Younis, un
organisateur de la campagne pour la défense de Yezza a dit que, durant
l’enquête, « la police a régulièrement essayé de collecter des
informations sur l’activisme étudiant et sur les campagnes pacifiques. Elle a
posé de nombreuses questions sur le magazine pacifiste étudiant Ceasefire
(Cessez-le-feu) et d’autres activités politiques des étudiants. »
Sabir et Yezza ont tous deux été détenus
pendant six jours avant d’être libérés, le 20 mai, sans qu’aucune charge ne
soit retenue contre eux.
A la suite de sa libération, Sabir a
dit : « J’étais brisé. Je ne dormais pas. Si je fermais les yeux,
j’entendais les bruits de clés et je me levais à nouveau. Lorsque j’ai pris
conscience de la gravité de la chose j’ai cru que j’allais finir à la [prison
de haute sécurité] de Belmarsh avec les aliénés. C’était de la torture
psychologique. Mardi, ils m’ont lu une déclaration me confirmant qu’il
s’agissait d’un document illégal qui ne devait pas être utilisé à des fins de
recherche. A ce jour, personne n’a élucidé cette question. Ils m’ont relâché.
Je tremblais violemment, je suis tombé contre le mur et puis par terre, et j’ai
tout simplement pleuré. »
L’avocat de Sabir, Tayab Ali a dit « Les
deux membres de cette université ont été traités comme s’ils faisaient partie
d’une cellule d’al-Qaïda. Ils ont été détenus pendant 48 heures, on a accordé
un mandat pour une détention prolongée et on a dit que la police avait des
portables et des preuves prises sur les ordinateurs justifiant cette
mesure ».
Il a ajouté, « On aurait pu traiter cela
de façon raisonnable si l’université avait discuté la question avec Rizawaan et
ses professeurs. C’est là l’aspect troublant du prolongement de la détention
[en vertu de la Loi antiterroriste]. Ils peuvent se servir en fait d’arrestation
de pouvoirs énormes avant d’enquêter ».
Une
attaque des droits démocratiques et de la liberté universitaire
Les arrestations de Sabir et de Yezza et la
décision de déporter Yezza représentent une attaque fondamentale des droits
démocratiques. On a arbitrairement nié à Yezza le droit à un procès juste et
le droit à être entendu publiquement pour se défendre.
Après sa libération, Yezza a immédiatement été
arrêté une nouvelle fois, en vertu de la législation sur l’immigration. Après
un examen de son cas, les services d’immigration ont fixé une date pour sa
comparution devant le tribunal d’instance de Nottingham le 16 juillet afin de
déterminer son statut. Il devait comparaître pour non-possession des documents
nécessaires pour demeurer au Royaume-Uni. Mais au lieu de cela, on a dit à son
avocat le 23 mai qu’il serait sommairement déporté. Il est détenu au Colnbrook Removal
Immigration Centre (Centre de déportation des immigrés) près de l’aéroport
d’Heathrow.
On a fait appel contre l’ordre de déportation.
Son avocat, David Smith a dit : « Il nie avec véhémence cette charge.
Il veut que le cas aille devant la cour d’assise pour y être jugé et pour qu’il
puisse établir sa complète innocence. »
Yezza a dit à ceux qui le soutiennent :
« Le ministère de l’Intérieur agit avec la mentalité de la Gestapo. Ils
n’ont aucun respect de la dignité et de la vie humaine. Ils traitent les
ressortissants étrangers comme des produits jetables, leur irresponsabilité et
leur approche cavalière sont celles d’un Etat totalitaire. Je remercie tous de
leur soutien, cela m’a énormément réconforté et rempli de respect. »
Yezza qui est venu en Grande-Bretagne
d’Algérie avait fait une demande pour pouvoir rester au Royaume-Uni où il a
vécu ces 13 dernières années. Jusqu'à son arrestation par la police, les
autorités n’ont jamais essayé de remettre en question son droit de vivre au
Royaume-Uni et d’y travailler. Il était employé comme assistant personnel du
directeur du département des langues et cultures modernes, le professeur Lesley
Milne. Avant cela, il avait obtenu une bourse et passé une licence, une
maîtrise et un doctorat. Yezza est quelqu’un de populaire, qui dispose d’un
large cercle d’amis à l’université et dans le quartier où il vit.
Durant ses études, il a été membre du comité
exécutif du syndicat étudiant et membre du sénat de l’université. Il a été
président de l’Arabic Society et rédacteur en chef du magazine Voice, un
journal pour les étudiants étrangers. Il était aussi rédacteur en chef de Ceasefire,
la revue politique du Mouvement étudiant de la paix à Nottingham.
La campagne pour s’opposer à la déportation de
Hicham Yezza a obtenu un soutien important. Des centaines d’étudiants et de
membres du personnel de l’université de Nottingham ont manifesté le 28 mai sous
une pluie battante. Une protestation silencieuse a eu lieu en opposition à
l’attaque de la liberté universitaire qui est au centre de cette affaire.
Le député travailliste Alan Simpson a écrit
une lettre au ministre d’Etat, Liam Byrne déclarant « Je ne vois aucune
raison pour une déportation d’urgence de M. Hicham Yezza sinon celle de cacher
l’embarras de la police et des services de renseignements. Le faire sortir à
toute vitesse du pays ne fera que provoquer de vastes protestations contre une
déportation arbitraire et l’absence de droit à être proprement entendu. Une
audition de M. Hicham Yezza était prévue pour le 16 juillet 2008. Il n’y a
aucune raison pour que vous précipitiez les choses et je vous demande avec
insistance de revenir au calendrier initial grâce auquel il peut être entendu
et représenté correctement. »
Un site internet présente des motions modèles
et une pétition qui peuvent être envoyés à Jackie Smith, la ministre de
l’Intérieur : http://freehichamyezza.wordpress.com/
L’université de Nottingham n’a fait aucune
déclaration pour s’opposer aux arrestations et à la décision ultérieure de
déporter Yezza. Un porte-parole de l’université a initialement défendu la
manière d’agir de l’université et déclaré que le matériel en question n’était
pas « légitime ». Il a dit qu’il était de son devoir d’informer la
police à propos de « matériel de cette nature ». C’est seulement plus
tard, après que l’affaire a acquis une plus grande notoriété que l’université a
déclaré qu’il s’agissait là de matériel de recherche valide.
Mais même alors une déclaration de
l’université cherchait à condamner Sabir pour avoir envoyé le document à Yezza,
affirmant que « si vous êtes un universitaire ou un étudiant inscrit à
l’université, alors vous pouvez avoir librement accès à tout matériel requis
par votre travail universitaire. Mais il est présumé que vous agirez avec
discernement dans le cadre actuel de la loi au Royaume-Uni et que vous ne
l’enverrez pas à Pierre et à Paul. »
Ni Sabir ni Yezza, qui fait partie du
personnel de l’université, n’ont rien fait d’illégal.
Un certain nombre d’universitaires de
Nottingham, parmi lesquels Alf Gunwald Nilsen, Bettina Renz et Vanesa Pupavac
de la School of Politics and International Relations, ont condamné les
arrestations et les déclarations faites dans l’hebdomadaire Times Higher
Education Supplement par l’administrateur de l’université, Paul Greatrix.
Greatrix a déclaré le 22 mai que les
arrestations s’étaient produites en réponse à une « enquête
discrète » et « menée avec doigté » par la police du
Nottinghamshire et le contre-terrorisme des West Midlands. Il a ajouté
« les membres de l’université peuvent être rassurés sur le fait que nous
prenons très au sérieux notre responsabilité d’assurer que les étudiants et le
personnel soient libres d’étudier et de travailler dans un contexte sûr,
sécurisé et tolérant. Il y a de nombreuses manières d’œuvrer à la création de
telles conditions et à la garantie que chacun jouisse de la liberté de parole
dans le cadre de la loi. L’université est une arène ouverte au libre débat et à
la dissension ».
Dans leur lettre de protestation, les
universitaires ont écrit « l’université a en fait déclaré qu’elle
considérait le document en question comme illégitime et c’est seulement plus
tard qu’elle s’est rétractée et a remplacé cette déclaration par une autre
selon laquelle il était approprié que les membres de l’université soient en
possession de matériel de ce type… Nous trouvons surprenant qu’une université
manifeste un tel mépris pour le droit des citoyens engagés, à s’éduquer sur des
questions d’intérêt public. »
Contrairement à l’affirmation de Greatrix
selon laquelle c’est l’engagement de l’université que de préserver la liberté
de parole, les universitaires ont écrit qu’« en fait, l’université a été
extrêmement réticente à entrer dans un dialogue quelconque avec les étudiants
et le personnel qui s’inquiètent de l’état de la liberté universitaire et des
libertés civiles ».
« Pour nous il est donc clair que
l’université de Nottingham ne sera pas une "arène ouverte au libre débat
et à la dissension" tant que des excuses ne seront pas faites à Rizawaan
Sabir et Hicham Yezza et tant que l’université ne garantira pas la liberté
universitaire, les libertés civiles et les droits de l’Homme de son personnel
et de ses étudiants. »
L’IEES/ISSE soutient sans réserve ces
déclarations. Nous appelons tous les étudiants et les travailleurs, au niveau
national et international, à exiger la libération immédiate de Hicham Yezza.