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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : les lycéens maintiennent leur opposition aux réformes de Sarkozy dans l’Education

Par Francis Dubois
1er mai 2008

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Les lycéens français ont poursuivi leurs manifestations de protestation contre les mesures du gouvernement droitier du président français Nicolas Sarkozy la semaine dernière.

Deux manifestations ont eu lieu à Paris les 15 et 17 avril, auxquelles ont participé respectivement 40 000 et 30 000 personnes, venues de toute la région parisienne. Si la majorité des manifestants étaient des lycéens venus d’établissements parisiens et de banlieue, il y avait aussi dans les manifestations de nombreux enseignants et étudiants. Plusieurs syndicats d’enseignants avaient appelé à faire grève ces deux jours-là. Le 15 avril, les instituteurs en grève ont rejoint les écoles du secondaire pour protester contre une réforme de l’école primaire.

Des manifestations plus petites de lycéens ont aussi eu lieu dans d’autres villes de la région Ile-de-France, où de nombreux lycées et collèges ont été bloqués.

La manifestation du 17 avril était la septième en trois semaines. La région parisienne se trouvant à présent en vacances, les protestations ont commencé dans les régions qui n’étaient pas mobilisées parce qu’en vacances et qui ont à présent repris les cours. Cette semaine des manifestations ont eu lieu à Strasbourg, Lille, Toulon, Rouen, Marseille et Tours.

La répression de la part de l’Etat s’est encore accrue depuis que les protestations ont commencé le mois dernier. Les rassemblements devant les écoles se sont vus systématiquement confrontés à des détachements armés de police, les chefs d’établissement appelant systématiquement la police dès que les lycéens se rassemblent devant leur établissement ou le bloquent. Des lycéens ont été arrêtés et envoyés devant les tribunaux au moindre prétexte, certains ont même eu selon un reportage de presse, leur salive prélevée pour le fichier national des empreintes génétiques.

La présence policière autour des manifestations a été massive, les manifestants étant filmés par les forces de l’ordre. Des heurts se sont déroulés entre des groupes de jeunes précédant ou accompagnant les manifestations et la police.

Comme dans les mobilisations précédentes, les manifestants ont exigé que les mesures annoncées par le ministre de l’Education, Xavier Darcos, soient retirées. Celles-ci comprennent la suppression de 11 200 postes d’enseignants, la compression de la préparation du bac professionnel (bac pro, la version professionnelles du baccalauréat général qui boucle les études secondaires et permet l’entrée à l’université) de quatre à trois ans et la suppression du BEP (Brevet d’étude professionnel, une qualification obtenue sur deux ans). 

Les syndicats ont avancé la revendication d’un « collectif budgétaire », une loi qui corrigerait la loi de finances déjà votée au parlement en novembre dernier et qui sert de base aux coupes budgétaires entraînant les suppressions d’emplois annoncées. Une revendication purement symbolique puisque l’UMP (Union pour un mouvement populaire), le parti gouvernemental dispose d’une large majorité au parlement.  

Le gouvernement prépare toute une série d’autres attaques sur le système éducatif existant, dont aucune n’a été sérieusement remise en question par les syndicats. Le « rapport Pochard », rédigé par une commission installée en septembre dernier a proposé rien moins qu’une « réorganisation fondamentale du métier d’enseignant ». Cette commission comprenait des dirigeants du Parti socialiste comme l’ancien premier ministre Michel Rocard et l’ex-ministre de l’Education Jack Lang. Elle a fait une série de propositions pro- marché largement critiquées par la profession.

Les deux syndicats lycéens, l’UNL (Union nationale lycéenne) et la FIDL (Fédération indépendante et démocratique lycéenne), toutes deux dans la mouvance du Parti socialiste, ont eu des rencontres officielles avec Darcos les 11 et 15 avril. Le ministre de l’Education a réitéré sa volonté d’imposer les suppressions d’emplois, laissant entendre qu’il pourrait apporter quelques modifications mineures à ses projets pour ce qui est du baccalauréat professionnel et du BEP.

Les syndicats lycéens se sont emparés de ces commentaires qui n’engageaient Darcos à rien et déclaré que le ministre allait dans leur sens. La secrétaire nationale de la FIDL, Alix Nicolet a dit « on a obtenu un assouplissement [de la position du ministre] » et dans une lettre publiée le 20 avril sur le site internet de l’UNL son secrétaire national, Florian Lecoultre écrivait : « L’UNL prend acte de la volonté ministérielle de consulter les lycéens sur la réforme du Bac pro et la réforme du lycée… Des premiers signes encourageants comme la garantie du maintien du BEP ont été obtenus… »

Peu après la dernière rencontre entre Darcos et les syndicats étudiants, le ministère faisait savoir qu’il n’y avait « pas de remise en cause du principe de la généralisation du bac professionnel en 3 ans » et quant au BEP, il assurait qu’« il n'a jamais été question qu'il soit supprimé ».

Depuis les syndicats n’ont pas cessé de répéter à tout-va qu’ils voulaient être « constructifs » et qu’ils recherchaient le dialogue avec le gouvernement, alors que Darcos restait sur ses positions, espérant qu’avec les vacances de Pâques dans la région parisienne et l’approche du baccalauréat il pourrait imposer sa volonté. L’« appel au dialogue » des syndicats n’exprime ici rien d’autre que leur détermination à empêcher que le gouvernement ne soit mis au défi.

Darcos sait bien que les syndicats ne représentent pas une opposition, mais qu’il peut s’appuyer sur eux en tant qu’alliés politiques. Peu de temps après la manifestation du 16 avril, il déclarait dans une interview provocante que l’enseignement de certaines matières devait être considéré du point de vue des coûts et il a même annoncé la suppression possible de 3000 postes d’enseignants sur cette base. Il a pris l’exemple de l’enseignement de langues étrangères « rares » qui ne pouvait être maintenu, parce que soi-disant trop peu de gens en faisait usage. L’éducation devait être jugée selon le « service rendu ». Le Monde le cite ainsi dans son édition en ligne du 18 avril : « Il n'est pas possible de se désintéresser de ce que coûte l'éducation à la nation et de ce qu'elle obtient en contrepartie des dépenses auxquelles elle consent. »

A l’Assemblée nationale, répondant au député du Parti socialiste Régis Juanico qui demandait un « moratorium » sur les suppressions de postes, Darcos déclarait avec arrogance : « Vous dites moratoire, je dis réforme. Vous dites suspension, je dis audace. Vous dites attendons, je dis changeons », ajoutant : « le progrès n'a pas besoin d'un moratoire ».

Ces manifestations ont lieu dans des conditions où le gouvernement Sarkozy a été déstabilisé et où sa crise est évidente. Un an après avoir gagné l’élection présidentielle, de récents sondages montrent que deux tiers de la population française juge sa présidence de façon négative.

Nombre de ceux qui participent aux manifestations considèrent que les actuelles attaques ne sont que le prélude à d’autres attaques qui seront lancées dans les semaines et les mois à venir. Une enseignante d’anglais dans un lycée parisien, citée par le Nouvel Observateur du 18 avril dit : « la suppression de postes annonce le projet de réforme des lycées. Il devrait être présenté en mai. Ce sera les conclusions du rapport Pochard. A mon avis, on ne va pas laisser passer ça »

De nombreux lycéens et enseignants sont mobilisés non pas juste contre les coupes budgétaires dans l’Education mais aussi contre ce qu’ils considèrent être le prélude à une privatisation de l’éducation. Une forte proportion d’enseignants et de lycéens s’opposent ouvertement à ce que les écoles fonctionnent comme des entreprises, cela se résume dans l’opposition à ce que d’aucuns appellent « l’approche comptable » du gouvernement. Ou encore comme l’exprime un slogan rencontré dans les manifestations « touche pas à mon école ».

Les principaux syndicats, qui ont tous une section éducation, ont appelé à soutenir les manifestations. Mais les bureaucraties syndicales ont consciencieusement évité d’associer d’autres catégories de salariés aux protestations, bien que ces mesures touchent directement la population travailleuse et que ce soient les enfants de la classe ouvrière qui font les frais de ces attaques. 

Comme lors d’autres mouvements dans l’Education, le principal travail des syndicats et des partis politiques qui leurs sont associés est d’empêcher que le gouvernement ne se voie mis réellement au défi et de faire en sorte que ces mouvements n’aient qu’une perspective syndicale étroite, celle du « faire pression ». Les bureaucraties syndicales veulent être associées aux réformes, et non s’y opposer. Cet ordre du jour pro-capitaliste des syndicats a déjà conduit à de sérieuses défaites dans un passé récent.

En 2003, une grève massive de huit semaines contre la réforme des retraites dans l’éducation, la décentralisation de l’éducation et la suppression de personnel de soutien s’est terminée par une défaite, les enseignants grévistes subissant des retenues de salaire pour avoir fait grève. En 2005, une lutte des lycéens contre une loi favorable au patronat, la loi Fillon (d’après le nom de l’actuel premier ministre et ministre de l’Education d’alors, François Fillon) se solda finalement par son passage sous forme de décrets, quelques-uns des aspects les plus contestés ayant été retirés.

En 2006, il y eut une fois encore une mobilisation massive des lycéens et des étudiants contre le CPE (Contrat premier embauche), mais après une retraite tactique de la part du gouvernement, la Loi sur l’égalité des chances, dont le CPE n’était qu’une partie, fut maintenue. En 2007 enfin, il y eut la longue lutte des étudiants contre la loi Pécresse sur l’« autonomie » des universités qui se termina elle aussi par une victoire du gouvernement.

Ces mouvements furent à chaque fois rendus impuissants par une perspective syndicale des plus réduites, s’appuyant sur un programme pro-entreprise tacite et en opposition à tout défi lancé à l’élite au pouvoir et qui fut, sur cette base, encouragé par les soi-disant « gauche » et « extrême gauche ». Le gouvernement qui avait dirigé l’offensive resta à chaque fois en place, capable de préparer l’attaque suivante ou bien une transition en bon ordre vers un autre gouvernement, plus à droite encore.

Ce qui fait défaut, c’est un mouvement politique de l’ensemble de la classe ouvrière contre le gouvernement Sarkozy sur la base d’un programme socialiste. Pour la réussite d’un tel mouvement, une rupture politique est nécessaire d’avec les syndicats et les partis de la « gauche » et de l’« extrême-gauche » officielles. Les lycéens et les enseignants devraient rejeter des organisations qui partagent le programme politique de fond de ce gouvernement conservateur et devraient prendre eux-mêmes la lutte en main.  

(Article original anglais paru le 26 avril 2008)


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