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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

L’UE renforce la « forteresse Europe » contre l’immigration due au changement climatique

Par Ajay Prakash et Antoine Lerougetel
16 mai 2008

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L’Union européenne (UE) a réagi à l’impact catastrophique, actuel et à venir, du changement climatique sur les populations les plus vulnérables du monde et à leur migration inévitable pour leur survie, en intensifiant des contrôles d’ores et déjà draconiens.
En accord avec les gouvernements des pays de transit, l’UE tente d’emprisonner dans des ghettos de pauvreté et de famine les populations touchées. Elle a érigé des barrières militarisées le long de ses frontières et instauré des mesures internes d’Etat policier interdisant le séjour aux travailleurs issus de pays pauvres et qui ont été soumis aux ravages occasionnés par les grandes puissances et leurs grands groupes industriels, ainsi que par les classes dirigeantes nationales.
Le responsable communautaire des Affaires étrangères et social-démocrate espagnol Javier Solana a rapporté en mars 2008 que « le changement climatique et la sécurité internationale » soulèvent des problèmes et la nécessité de sauvegarder les intérêts européens dans les régions en question. Ces remarques ont été provoquées par un rapport du Conseil consultatif allemand sur le changement mondial (WBGU) qui met en garde contre l’impact du « changement climatique comme un des risques de la sécurité. »
Solana affirme que « la meilleure présentation du changement climatique est celle d’un multiplicateur de risques qui exacerbe les tendances, les tensions et l’instabilité. Le défi central est que le changement climatique menace de surcharger les Etats et les régions qui sont déjà fragilisés et qui sont le plus enclins aux conflits. Il est important de reconnaître que les risques ne sont pas seulement de nature humanitaire, mais qu’ils incluent aussi des risques politiques et sécuritaires qui affectent directement les intérêts européens. »
Il poursuit en disant : « Les parties des populations qui souffrent déjà de mauvaises conditions de santé, du chômage et de l’exclusion sociale qui pourraient accroître ou provoquer la migration au sein et entre ces pays… Une telle migration pourrait multiplier les conflits dans les régions de transit et de destination. L’Europe doit s’attendre à une poussée migratoire substantiellement accrue. »
Le 8 avril, Louis Michel, commissaire européen pour le développement et l’aide humanitaire, avait exprimé la même inquiétude quant au « choc alimentaire mondial qui se profile, moins visible que le choc pétrolier, mais avec l’effet potentiel d’un vrai tsunami économique et humanitaire en Afrique. »

Un article publié le 14 janvier dans le New York Times disait : « L’année dernière, presque 31 000 Africains ont essayé, dans 900 bateaux de rejoindre les Iles Canaries, point de transit majeur vers l’Europe. Environ 6000 sont morts ou ont disparu, selon une évaluation citée par les Nations unies. »

Les principales raisons de cet exode, indique l’article, est la pêche à outrance de compagnies européennes dans les eaux côtières d’Afrique occidentale qui ont acheté ces droits aux gouvernements africains et dont la conséquence est la destruction des moyens d’existence des communautés de pêcheurs africains.

Solana a également fait une référence voilée à la dévastation sociale causée par les guerres de conquête néocoloniales perpétrées par les Etats-Unis et leurs partenaires en Irak et en Afghanistan : « L’un des plus significatifs potentiels de conflits liés aux ressources découle de l’intensification de la concurrence pour l’accès aux ressources énergétiques et leur contrôle. Ceci est, en soi, et le sera à l’avenir, une cause d’instabilité. Cependant, vu qu’une grande partie des réserves d’hydrocarbures se trouve dans des régions particulièrement vulnérables face au dérèglement du climat et parce que de nombreux Etats producteurs de pétrole et de gaz sont déjà confrontés à des défis socio-économiques et démographiques significatifs, l’instabilité ira probablement en augmentant. »

Le WBGU souligne que dans ces régions, « les flux migratoires à l’intérieur des frontières nationales continuent de prédominer, bien qu’il y ait eu ces dernières années des migrations internationales, y compris une immigration illégale en Europe du Sud ».

Le « rideau de fer » de la forteresse Europe

L’UE érige un rideau de fer le long de ses frontières. Personne ne peut y accéder sans visa. Les étrangers sont placés sur des listes de surveillance et devront, à partir de 2009, soumettre leurs données biométriques partout en Europe, même s’ils ne viennent que pour un séjour de courte durée.

Un rapport de la BBC révèle que l’« UE dispose de 1792 points officiels de contrôle frontaliers extérieurs, 665 points de contrôle aériens, 871 frontières maritimes et 246 frontières terrestres, 300 millions de passages annuels sont enregistrés à ces points, 160 millions de passages par des citoyens européens, 60 millions par des citoyens non-européens sans visa et 80 millions par des citoyens non-européens disposant d’un visa. L’on estime que 8 millions d’immigrés illégaux séjournent dans l’UW, dont la moitié est entrée légalement et a dépassé la date limite de séjour. »

L’UE a mis sur pied sa propre agence de plus en plus militarisée de contrôle des frontières appelée FRONTEX (Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’UE) et qui dispose cette année d’un budget de 45 millions d’euros. Elle a mis au point un système européen de surveillance des frontières (Eurosur) pour contrôler les mouvements des immigrés au moyen de satellites, de drones aériens et d’équipes d’intervention rapide aux frontières (RABITS).

Le site No-Racism.net précise : « FRONTEX représente un régime sécuritaire militarisé au sein duquel la police, le contrôle aux frontières, les services de l’immigration, l’armée et les services secrets forment un complexe de répression presque standard, qui divise le monde suivant un ordre hiérarchique entre les riches et les pauvres, entre l’Europe (de l’ouest) et les autres, entre ceux qui ont des droits, ceux qui en ont moins et ceux qui n’en ont pas du tout. »

FRONTEX opère aussi à partir des pays africains dans le but d’empêcher des départs illégaux, en cela l’agence se concentre surtout sur les Iles Canaries et les trajets en Méditerranée et en Mer Noire. La « Forteresse Europe… est une réalité », a remarqué Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International, au cours d’une conférence de presse donnée à Bruxelles après ses entretiens, le 15 avril, avec des fonctionnaires de l’UE. « L’accès à l’Europe est très difficile et la frontière initiale de l’Union européenne est poussée de plus en plus loin, » a-t-elle dit en signalant les opérations de sauvetage d’immigrés en Méditerranée, les patrouilles au Sénégal et la collaboration grandissante de l’UE avec les pays de transit.

Le ministre français de l’Immigration, Brice Hortefeux, s’est rendu dans les pays de l’UE pour appeler au soutien d’un « pacte européen de l’immigration » avec 20 pays africains d’ici la fin de 2009. « Nous avons déjà signé des accords avec le Sénégal, le Gabon, le Bénin et la République du Congo et nous avons amorcé des discussions avec le Mali, la Tunisie, le Maroc. L’Egypte et le Tchad viennent de nous faire savoir qu’ils étaient demandeurs. »

En avançant l’exemple du Bénin, Hortefeux a dit qu’il proposait au gouvernement de ce pays le minable pot-de-vin de 150 cartes « compétences et talents » par an permettant à certains étudiants de poursuivre leurs études en France, plus 3 millions d’euros pour aider « au développement du système de santé » du pays.

Un accord identique sur la « gestion concertée des flux migratoires et le codéveloppement » avec le Gabon a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 10 avril dernier. Il avait déjà été signé à Libreville le 5 juillet 2007.

Hortefeux a également déclaré : « A l’évidence, des pays comme la Libye, mais aussi le Maroc, vont demander à l’Europe d’assumer une partie du coût de la protection de leurs frontières. Je mesure l’effort déjà consenti par les Marocains, qui mobilisent ainsi quelque 12 000 hommes pour éviter que des flux massifs de clandestins se dirigent vers les Canaries. »

Répression intérieure de l’immigration au sein de l’UE

Le 25 avril, le parlement européen et ses Etats membres se sont mis d’accord sur une « directive européenne sur le retour » qui règlemente la déportation d’immigrés sans papiers, y compris de demandeurs d’asile déboutés. Une période maximale de détention de six mois a été établie et un rapatriement au pays d’origine prévoyant une interdiction de réadmission à l’UE de cinq ans. Il est envisagé d’incarcérer des immigrés pendant une période pouvant aller jusqu’à 18 mois en cas de retard de la part de leur pays d’origine dans l’obtention des documents nécessaires. La « directive européenne de détention » sera soumise au vote au parlement européen le 4 juin.

A partir de juillet 2008, la vie de plus de 10 millions d’immigrés sans papiers sera affectée par cette nouvelle politique de l’immigration. Ils pourront être détenus sans chef d’accusation. Leur unique crime étant de ne pas avoir de visa ou de permis de séjour valide.

A présent, les conditions de détention varient dans l’UE : La France prévoit une période de détention de 30 jours, la Grande-Bretagne et certains autres pays ont des périodes de détention illimitées.

L’International Herald Tribune rapporte qu’« il y aurait maintenant 224 camps de détention pour les migrants dans toute l’Union européenne. Ils peuvent accueillir au total plus de 30 000 personnes, demandeurs d’asile et immigrés sans permis de séjour en attente d’expulsion, et qui se trouvent souvent en détention administrative pendant des périodes pouvant aller jusqu’à 18 mois. Dans beaucoup de pays communautaires, il n’y a aucune limite à la durée de détention. »

Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a identifié la Grèce comme étant le pays où « les conditions d’accueil… ne sont pas conformes aux standards européens et internationaux ».

Aucune des grandes puissances n’est capable ou prête à faire des efforts communs en vue de résoudre les problèmes environnementaux et climatiques et les conséquences sociales qu’ils entraînent. C’est une tâche impossible sous le capitalisme. Les grandes puissances ne peuvent ou ne veulent pas renoncer à la concurrence féroce qu’elles mènent pour la conquête de marchés et de matières premières. Et donc, le flot d’êtres humains en quête d’un minimum de sécurité économique continuera et la solution de l’UE à la crise sera davantage de répression et davantage encore de pouvoirs policiers.

(Article original anglais paru le 7 mai 2008)


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