Un article de la presse
israélienne mentionnant que le président américain George W. Bush prévoit
déclencher une attaque militaire contre l’Iran avant de se retirer en début
d’année prochaine a été vivement contesté par la Maison-Blanche mardi.
L’article, paru mardi dans
le Jerusalem Post, a fait référence à
un reportage diffusé sur la radio militaire israélienne citant des responsables
israéliens qui avaient rencontré Bush et sa délégation lors de leur visite en
Israël la semaine dernière.
« Un membre important de l’entourage du
président aurait affirmé lors d’une rencontre privée que Bush et le
vice-président Dick Cheney sont d’avis qu’une intervention militaire est
nécessaire », selon les dires d’un responsable israélien cité par
l’article.
L’article a cité de plus le
responsable américain selon qui « l’hésitation du secrétaire à la Défense
Robert Gates et de la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice » avait retardé
la décision d’une intervention militaire contre l’Iran.
La crise récente au Liban
et l’évidente facilité avec laquelle le mouvement Hezbollah, qui est soutenu
par l’Iran, a pris contrôle de Beyrouth ont, selon l’article, ramené à
l’avant-plan la question d’une attaque des Etats-Unis contre la république
islamique.
Selon des officiels
israéliens, Bush aurait dit que « la maladie doit être traitée, et non les
symptômes ».
Le démenti de la
Maison-Blanche, émis quelques heures seulement après la parution de l’article
sur le site internet du Jerusalem Post,
a pris un ton particulièrement acerbe. « Un article paru aujourd’hui dans
le Jerusalem Post sur la position du
président vis-à-vis de l’Iran qui cite diverses sources anonymes ne vaut pas le
papier sur lequel il est écrit », a-t-on déclaré.
Cependant, plus tard dans
la journée de mardi, la porte-parole de Bush, Dana Perino, fut questionnée par
plusieurs journalistes qui doutaient de la validité de ce démenti.
« Est-ce le président et le vice-président croient qu’une attaque est
nécessaire, qu’une personne d’Israël l’ait affirmé ou non? » a demandé un journaliste.
Dana Perino a refusé de
répondre, répétant la position officielle selon laquelle Washington tente de
résoudre son conflit avec l’Iran « diplomatiquement », mais que
toutes les options demeurent « sur la table ».
En fait, l’article du Jerusalem Post est loin d’être le seul
indice que l’administration Bush se prépare à une attaque militaire contre l’Iran.
Les déploiements militaires
américains accrus dans la région constituent une preuve physique suffisante,
alors que la Marine possède à nouveau deux groupes de combat de porte-avions à
distance de frappe de l’Iran, soit le USS Lincoln et le USS Harry S. Truman.
Pendant ce temps, le vaisseau
amiral de la 6e flotte, le USS Mount Whitney, a été déployé le long de la côte
du Liban, dans ce que la marine a décrit comme étant une « mission non
prévue ». Le navire est le vaisseau le plus avancé de la marine pour
commander, contrôler et recueillir du renseignement. Il peut coordonner une
attaque majeure sur une vaste région. Il s’est joint
au USS Cole, un contre-torpilleur, qui était déjà sur place.
A Washington, l’amiral Michael
Mullen, le secrétaire des chefs d’état-major, a paru devant le comité du Sénat
mardi pour réitérer l’accusation non fondée du Pentagone selon laquelle l’Iran
serait responsable des violences en Irak. L’absence de réponse de la part de
l’armée américaine jusqu’ici, a-t-il insisté, « ne signifie pas une
absence de fermeté ou de capacité à nous défendre contre des menaces ».
Dans son discours devant la
Knesset d’Israël la semaine dernière, Bush a placé l’Iran au centre de son
engagement de soutien inconditionnel envers Israël. « L’Amérique se tient
avec vous dans une opposition ferme aux ambitions d’armes nucléaires de
l’Iran », a-t-il dit. « Permettre au plus grand supporteur mondial de
la terreur de posséder l’arme la plus mortelle du monde serait une trahison
impardonnable des générations futures. Pour l’amour de la paix, le monde ne
doit pas laisser l’Iran obtenir une arme nucléaire. »
Après la visite de Bush, un
porte-parole du premier ministre israélien Ehoud Olmert a dit à la presse
qu’Olmert et Bush s’étaient entendus sur la nécessité d’une « action
tangible » dans le but de contrecarrer la supposée tentative de
l’Iran de développer une arme nucléaire.
« Nous sommes sur la même
longueur d'onde. Nous voyons tous les deux la menace… et nous comprenons tous
les deux qu’une action tangible est requise pour empêcher les Iraniens d’aller
de l’avant avec leur arme nucléaire », a dit le porte-parole d’Olmert,
Mark Regev, au quotidien israélien Ha’aretz.
Faisant référence aux efforts
diplomatiques destinés à mettre de la pression sur l’Iran, Regev ajouta :
« C’est clairement insuffisant et c’est évident que de nouvelles mesures
devront être prises. »
Même pendant que les Etats-Unis
et Israël accentuaient le roulement de tambour concernant la menace nucléaire
iranienne, Mohamed ElBaradei, le directeur général de l’Agence internationale
de l’énergie atomique (AIEA), s’adressait à une session du Forum économique
mondial en Égypte lundi, déclarant que l’agence d’inspection nucléaire de l’ONU
n’a aucune preuve que l’Iran est en train de construire une bombe.
Bien avant que l’histoire ne
paraisse dans le Jerusalem Post, Ha’aretz a rapporté que « le
programme nucléaire iranien avait été au centre » des pourparlers entre
Bush et Olmert. Des responsables israéliens, a rapporté le journal, ont
présenté à Bush des renseignements qui contredisaient supposément l’Estimation
nationale de renseignements (NIE) produite par des agencesaméricaines d’espionnage l’année dernière et
qui en venaient à la conclusion que l’Iran avait mis un terme à son programme
d’armes nucléaires en 2003.
« Cela sera-t-il suffisant pour
modifier la position de l’administration sur la possibilité d’une attaque
américaine sur les installations nucléaires de l’Iran ? Ce n’est pas
clair », peut-on lire dans le quotidien. Il a ajouté, toutefois, que le
gouvernement israélien insiste que l’Iran approche du « point de
non-retour » et qu’il faut agir immédiatement.
Quant à Bush, dit l’article, alors
qu’« il approche de la fin de son mandat, il pense certainement à
l’héritage de sa présidence, en plus de la guerre en Irak qui a été très
critiquée».
Il est suggéré ici qu’une façon de
faire oublier l’héritage catastrophique incarné dans les guerres continues
contre l’Irak et l’Afghanistan est de lancer une autre agression militaire qui
va jeter sans l’ombre d’un doute toute la région dans le chaos.
Un enregistrement sonore nous a
donné une indication de la façon dont la politique est conçue au sein des plus
hauts échelons de l’administration Bush. Cet enregistrement fait partie du
matériel que le Pentagone a fait parvenir récemment au New York Times en réponse à une requête faite en vertu de la Loi
d’accès à l’information. Cette requête avait été faite pour l’écriture d’un
article exposant les rapports étroits entre le département de la Défense américain
et des officiers à la retraite qui étaient régulièrement invités aux émissions
d’information télévisées et qui étaient en fait des porte-parole de
l’administration Bush sur la question de l’Irak.
L’enregistrement a été fait en
décembre 2006 lors d’une réunion sur l’heure du dîner du secrétaire à la
Défense, Donald Rumsfeld, et d’un groupe de ses « analystes
militaires », que le Pentagone lui-même nomme « multiplicateurs de la
force du message ».
L’atmosphère à cette réunion en
était une de désarroi et même de colère envers les résultats des élections de
mi-mandat en 2006 au cours desquelles une vague de sentiment anti-guerre dans
la population avait donné les deux chambres du Congrès aux démocrates.
On entend le lieutenant-général
Michael Delong, un marine à la retraite, signaler à Rumsfeld qu’avec le nouvel
arrangement politique au gouvernement, « vous n’allez pas y trouver
beaucoup d’oreilles sympathiques tant qu’il n’y en aura pas une [une attaque
terroriste] ».
Rumsfeld acquiesce, répondant
« Nous n’avons pas eu d’attaques au cours des cinq dernières années. La
perception de la menace est si faible dans cette société qu’il n’est pas
surprenant que les comportements reflètent cette conception d’une faible
menace… La solution à ce problème, je
suppose, est une attaque. Et lorsque cela arrivera, alors tout le monde
sera enthousiasmé pour une autre [inaudible] et c’est une honte que nous
n’ayons pas la maturité de reconnaître combien sérieuses sont les menaces… le
nombre de morts, le carnage qui peut être imposé à notre société est si réel et
si présent et si sérieux qu’on pourrait croire que nous pourrions le
comprendre… »
La « solution » au fait
que le peuple américain ne soutient pas la guerre en Irak ni l’éruption
mondiale du militarisme américain au nom de la « guerre au
terrorisme » est, selon Rumsfeld, une autre « attaque »
semblable aux événements du 11 septembre 2001. Clairement, la conception est qu’une
autre ronde de « morts » et de « carnage » pourrait
abasourdir la population et créer les conditions pour que l’administration
puisse imposer sa volonté par des moyens extraordinaires.
Assurément, une façon d’augmenter la
probabilité d’une telle attaque est de lancer une attaque militaire contre
l’Iran.
Les reportages d’Israël et la
mobilisation militaire dans la région soulèvent immédiatement la
question : alors que les élections de 2008 approchent, est-ce que des
éléments de l’administration Bush préparent une « surprise
d’octobre » sous la forme d’une attaque sans provocation contre l’Iran ? »