wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Grève des pêcheurs contre la hausse du prix des carburants

Par Alex Lantier
29 mai 2008

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Les marins-pêcheurs ont poursuivi ce week-end leur grève et blocages des ports pour protester contre la hausse du prix des carburants, malgré les tentatives du gouvernement de leur faire reprendre le travail avec des promesses de subventions temporaires du gazole. Les pêcheurs protestent aussi contre l’écart entre le prix élevé du poisson dans les supermarchés et le bas prix qu’ils reçoivent pour leur pêche. Ce mouvement fait partie d’une vague internationale de protestations dans certains secteurs économiques, notamment la pêche, le transport routier et l’agriculture, qui pâtissent sévèrement de la flambée internationale des prix du pétrole, avec la semaine dernière, le baril au prix de 135 dollars.

Les grèves et blocages ont commencé le 10 mai le long de la côte ouest à La Rochelle, Saint-Gilles-Croix-de-Vie et les Sables-d’Olonne. La grève s’est propagée à des ports de la Manche, avec le blocus de Cherbourg, Caen et Dieppe et la grève de Saint-Malo et Boulogne-sur-Mer, puis la côte méditerranéenne. Là, les pêcheurs ont bloqué Fos-sur-Mer (port industriel à proximité de Marseille avec raffinerie de pétrole et dépôt de gaz), Sète (autre port avec raffinerie de pétrole), Frontignan et Grau d’Agde. Pendant un temps, les grévistes ont aussi bloqué le terminal transmanche empêchant les mouvements des ferries vers le Royaume-Uni.

Dans plusieurs ports, les marins et propriétaires de bateaux en grève ont organisé des comités de grève indépendants des organisations locales de pêcheurs, qui sont considérées à juste titre comme les instruments politiques du gouvernement. Yannick Heumery, président du comité officiel de pêcheurs du port de Paimpol a dit au quotidien conservateur Le Figaro : « Il y a une crise de confiance de la base vis-à-vis de ses représentants comme du gouvernement. »

A Cherbourg, les marins-pêcheurs en grève tenaient une banderole sur laquelle on pouvait lire, « Pêcheurs furieux et méchants ! Criée = Congre = 0,19 €/kg, vendu 12,90 en poissonnerie! Mais à qui va l'pognon ? » D’autres dénonçaient le fait d’être payés 3,50 euros le kilo de morue alors qu’ils le voient vendu à 25 euros dans les supermarchés.

Les pêcheurs ont choisi de bloquer en particulier les ports avec raffineries de pétrole à Fos ainsi que l’important port de Dunkerque. Bien que les pêcheurs aient laissé passer certains pétroliers, les réserves commencent à baisser. Le 20 mai, on faisait état de certaines stations-service presque à court d’essence à Montpellier et La Rochelle.

Le gouvernement a organisé une série de négociations avec les comités de pêcheurs dans le but de mettre fin à la grève en accordant quelques concessions temporaires et des subventions sur le gazole. Le 21 mai, le ministre de la Pêche, Michel Barnier a proposé un plan de subvention de 110 millions d’euros et le paiement, sur deux ans au lieu de trois, d’un plan d’aide de 310 millions d’euros annoncé en janvier dernier pour aider les pêcheurs à moderniser les chalutiers afin de réduire la consommation de gazole et leur accorder des taux d’intérêt plus bas pour les emprunts concernant leur entreprise. Le prix du carburant passerait de 70 à 40 centimes d’euros le litre, selon des sources gouvernementales.

Ces mesures risquent cependant d’être bloquées par les représentants de l’Union européenne (UE) à Bruxelles, qui s’y opposeraient au motif qu’elles entravent le libre-échange.

Les marins-pêcheurs ont accueilli ces mesures avec suspicion et une franche opposition. Pascal Guénézan, patron d’un chalutier à La Rochelle a dit au quotidien de centre gauche Le Monde : « On veut nous faire reprendre la mer avec de belles paroles. Nous voulons des actes cette fois et des solutions durables. Notre seuil de rentabilité est à 35 centimes d’euro le litre de gasoil. Il coûte aujourd'hui 72 centimes d'euro. Là on nous propose apparemment le gasoil à 40 centimes, mais c'est jusqu'au 31 décembre. Et après ? On refait grève ? » Et Guénézan a ajouté que ces quinze dernières années, le nombre de bateaux de pêche à La Rochelle était passé de quarante à dix, et que deux d’entre eux allaient bientôt cesser le service.

Le Monde continue : « Même les jeunes matelots, en pointe dans le mouvement de protestation, veulent encore se croire un avenir. "Le métier se casse la gueule mais c'est notre métier", estime Kevin Perrinaud, 17 ans. "Je resterai marin jusqu’à ce qu'il n'y ait plus de bateau." »

Le gouvernement espère acheter la grève en faisant les plus petites concessions possible et s’oppose farouchement à toute aide durable aux pêcheurs sur la question du prix des carburants. Barnier lui-même l’a démontré sans grand tact sur France 2, le 23 mai en réponse à une question sur la garantie des 40 centimes d’euro le litre : « on n'est plus à Moscou du temps d'une économie administrée où on fixe le prix du pétrole par décret. »    

Que Barnier le reconnaisse est d’une très grande signification politique. Les hausses de prix incontrôlées au niveau mondial (pétrole, nourriture, etc.) aggravent fortement les difficultés des travailleurs et minent des secteurs entiers de l’économie, ce qui pose la question du contrôle et de la planification démocratiques de l’économie comme une question pratique urgente. Des politiciens capitalistes expérimentés comme Barnier reconnaissent que cette tendance conduit au socialisme et cherchent à faire reprendre le travail aux grévistes avant que de telles demandes ne commencent à se développer politiquement.

Tout laisse cependant à penser que les protestations vont se poursuivre. Malgré la reprise du travail par les pêcheurs des Sables-d’Olonne ce week-end, clamée par la presse bourgeoise comme le signe que la lutte était « en voie d'apaisement » tel que l’écrit La Tribune, la grève plus large des pêcheurs se poursuit en France et se propage en Europe.

Des grèves et des protestations de pêcheurs sont prévues en Espagne et au Portugal le 30 mai, avec une manifestation à Madrid. Des centaines de pêcheurs belges ont manifesté à Zeebrugge le 23 mai, exigeant la baisse du prix des carburants et ont distribué une tonne de poisson frais à la population, selon la police locale.

Les chauffeurs de poids lourd ont organisé d’importantes opérations escargot sur les principaux axes routiers pour protester contre la hausse des prix du pétrole, tandis que plus de 400 entreprises de transporteurs routiers ont cessé de travailler du fait de la hausse du prix des carburants. D’autres opérations escargot et probablement des blocages de route sont prévus en Belgique ainsi qu’en France, en Bourgogne, dans la région Rhône-Alpes, en Auvergne et en Normandie.

Ce mouvement représente un risque politique sérieux pour le gouvernement du président Nicolas Sarkozy, à présent très impopulaire et politiquement affaibli par les vagues de grèves et de manifestations d’octobre et novembre 2007, et la diminution du pouvoir d’achat des travailleurs malgré ses promesses de campagnes. Durant le mois de mai, Sarkozy a été confronté à deux grèves et manifestations nationales, le 15 mai contre les suppressions de postes dans l’Education nationale et le 22 mai contre la réduction des retraites, qui ont toutes deux rassemblé des centaines de milliers de manifestants ; son projet de réforme des principaux ports de commerce français a provoqué une grève des travailleurs portuaires qui a duré deux semaines en avril dernier.

Le Monde a exprimé les inquiétudes de la bourgeoisie de voir la grève des marins-pêcheurs devenir le point de ralliement auquel se joindraient de plus larges couches de la population en lutte contre le gouvernement. Il écrit : « Le risque dès lors existe que toutes les autres victimes de la hausse du prix du gazole – l'agriculteur, le chauffeur routier et d'une façon plus générale l'automobiliste – se disent qu'après tout, elles aussi font partie de "la France qui souffre". A charge pour l'Etat de soulager leur douleur. Les routiers sont déjà montés au créneau. A qui le tour ? »

(Article original anglais paru le 27 mai 2008)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés