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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Grande-Bretagne : la désintégration électorale du Parti travailliste se poursuit

Par Chris Marsden et Julie Hyland
13 mai 2008

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La déconfiture subie par le gouvernement Brown lors des élections municipales de la semaine passée et qui est allée de pair avec la défaite de Ken Livingstone au profit de Boris Johnson dans la course à la mairie de Londres, est une étape majeure dans l’écroulement du New Labour.

La part du vote remportée par ce parti est tombée à tout juste 24 pour cent, le niveau le plus bas depuis 40 ans contre 44 pour cent pour les conservateurs et 25 pour cent pour les démocrates libéraux. Mais son éclipse par les tories (conservateurs) n’est qu’une partie du tableau. La participation avait été d’à peine 35 pour cent, confirmant le degré d’aliénation de la population par rapport à tous les principaux partis.

Le Labour a depuis longtemps perdu le soutien dont il jouissait autrefois dans la classe ouvrière. Les élections du 1er mai ont prouvé qu’il a maintenant également perdu une bonne part des électeurs des couches moyennes qu’il avait gagnés aux dépens des conservateurs en 1997.

En Angleterre (seuls votaient l’Angleterre et le Pays de Galles N.d.T.) ces deux phénomènes se sont manifestés ensemble, dans la victoire, pour la première fois en 22 ans, des conservateurs à Bury, dans le nord-ouest et la défaite du Labour à Reading, l’un des quelques bastions lui restant dans le sud-est.

Au Pays de Galles, le tableau est encore plus désastreux. Considéré être de longue date le territoire familier du Labour, le parti a continué d’y subir de fortes pertes et a dû abandonner le contrôle des municipalités de Merthyr Tydfil, Blaeau Gwent, Torfaen, Caerphilly et Newport. Aucun parti ne s’est particulièrement bien tiré d’affaire et surtout pas le partenaire de la coalition du Labour dans l’Assemblée galloise, Plaid Cymru, étant donné que les voix du Labour se sont éparpillées sur l’ensemble du spectre politique aboutissant à la victoire des démocrates libéraux, des tories et de candidats indépendants.

Pourtant, la montée du soutien pour les conservateurs, parmi ceux qui avaient voté, aurait suffi à leur garantir la victoire dans une élection législative. Le score a été comparé à celui réalisé par le gouvernement conservateur de John Major, lors des élections municipales ayant précédé la victoire écrasante du Labour en 1997.

La défaite de Livingstone à Londres a été tout aussi désastreuse pour le gouvernement. Le candidat conservateur, Boris Johnson a une forte présence médiatique s’étant forgé une réputation d’excentrique au parler franc. Il est en fait un personnage ultra-droitier dont les déclarations racistes et anti-islamistes et les dénonciations des habitants de Liverpool ont fait qu’il a dû faire des excuses publiques, rendant certaines sections du parti tory extrêmement nerveuses quant à sa candidature. On lui a dit de se taire durant les dernières semaines et d’adopter un profil bas tout en confiant le contrôle de sa campagne électorale à Lynton Crosby qui avait mené la campagne électorale de l’ancien premier ministre australien, John Howard.

La presse pro-travailliste et l’appareil du parti, aux côtés de Respect Renewal, du Socialist Workers Party et des Verts, avaient tous appelé instamment à soutenir Livingstone. Labour avait promu le soutien de Livingstone dans la City mais avait aussi espéré, avec l’aide des partis de gauche et socialistes de nom, être en mesure de mobiliser du soutien dans les quartiers populaires de Londres, notamment parmi les travailleurs noirs et asiatiques en présentant Livingstone comme un candidat « progressiste ».

Le vote en faveur du Labour avait augmenté faiblement dans ces quartiers, mais pas assez pour contrer les gains réalisés par Johnson dans les villes de la périphérie. Le problème plus fondamental de Livingstone et de ses supporters de gauche fut résumé par le journaliste Andrew Gilligan qui a dirigé l’offensive pro-Johnson dans les pages du journal Evening Standard.

Réagissant aux accusations selon lesquelles il soutenait un réactionnaire, Gilligan a répliqué que « Livingstone est l’allié de certaines des forces les plus réactionnaires qui existent dans la ville. Je pense à Ian Blair [le directeur de la Police métropolitaine], je pense aux promoteurs immobiliers avec lesquels il est de mèche, je pense au monde des affaires de la City. »

Dans les milieux travaillistes, la réaction à l’effondrement électoral du parti s’est cristallisée autour du mécontentement vis-à-vis du premier ministre, Gordon Brown. Celui-ci fut condamné en privé et en public pour la prestation qu’il a fournie depuis sa succession à Tony Blair en juin 2007.

Martin Kettle, un ami personnel de Blair, a écrit dans le journal The Guardian que « la réponse qui coule de source de ces députés [Labour] devrait être, pour reprendre les mots de Cromwell, qu’ils devraient dire [à Brown]: "Pour l’amour du Ciel, va-t-en." » Et il y eut de nombreuses spéculations sur la question de savoir si la direction serait mise au défi et si oui, à quel moment. D’autres, plus loyaux vis-à-vis de Brown, le pressaient de « retrouver le contact » avec l’électorat et les partisans traditionnels du Labour ou de « renouveler » la « coalition » du New Labour, prétendument en combinant l’efficacité économique à la justice sociale.

Tout ce que ceci a réussi à produire fut le spectacle lamentable d’un Brown cherchant à imiter l’ancien président Bill Clinton et racontant aux médias combien il ressentait « la douleur » des gens qui se battaient contre les augmentations de prix et les remboursements de prêts hypothécaires.

En réalité, la prestation du Labour sous la direction de Brown n’a fait qu’approfondir la crise qui avait déjà débuté sous Blair. Lorsque Blair a quitté ses fonctions, il était haï de toutes parts, il menait un gouvernement condamné pour sa participation à la guerre contre l’Irak et Labour était considéré comme un parti corrompu d’ultra-riches. Sa performance électorale précédente, celle de mai 2007, lui avait présagé un score national de 27 pour cent lors des élections législatives, à peine 3 pour cent de plus que la semaine dernière.

Avec la succession de Brown à la direction du parti, une campagne concertée fut menée pour affirmer qu’avec lui, une ère nouvelle avait commencé pour Labour. Le Daily Mirror l’avait décrit comme un homme « en feu » et qui s’était fixé un nouvel « objectif moral » tandis que le Guardian parlait d’une nouvelle « aurore » pour un « nouveau gouvernement ».

Ce qui s’est vraiment passé c’est que Brown a poursuivi l’ordre du jour pro-patronat de Blair, en faisant entrer au gouvernement des personnalités telles que Sir Digby Jones, l’ancien chef de Confederation of British Industry, l’équivalent en Grand-Bretagne du Conseil national du patronat français, et en faisant l’éloge de Margaret Thatcher en tant que « politicienne de conviction ».

La conviction erronée qui règne dans les milieux travaillistes, selon laquelle le nouveau premier ministre restaurerait d’une manière ou d’une autre la popularité du parti trouva son expression finale dans l’humiliant abandon par Brown de son projet d’organiser une élection anticipée dès novembre dernier, lorsqu’il devint évident que la majorité du Labour serait au mieux sévèrement réduite et que celui-ci pourrait même perdre l’élection.

La reculade de Brown eut lieu après l’effondrement de la banque Northern Rock, dans une situation où les épargnants inquiets faisaient la queue devant la banque pour retirer leur argent. A partir de là, la crise économique qui a débuté sur le marché des subprime aux Etats-Unis s’est répandue de par le monde et a eu un impact particulièrement grave en Grande-Bretagne.

Brown a reconnu que « ce que les gens redoutent le plus… [c’est que] le prix de l’essence augmente, que le prix des aliments augmente, ils s’inquiètent des factures d’énergie, de leur niveau de vie, il y a de l’incertitude quant à l’économie… La priorité immédiate des gens est comment gérer le budget familial et les problèmes auxquels nous sommes confrontés suite à la régression économique qui a commencé en Amérique. »

Mais, tandis que Brown affirme comprendre le « souci » face à l’insécurité économique, son gouvernement a enregistré un résultat tout particulièrement mauvais lors des élections pour avoir supprimé le seuil d’imposition pour les salariés à faibles revenus. La démarche qui avait été annoncée par Brown alors qu’il était ministre des Finances en 2007 et qui est entrée en vigueur cette année, frappe des millions de gens qui gagnent moins de 15.000 livres sterling par an. Dans le même budget, Brown a réduit l’imposition sur les sociétés de deux pour cent.

Comment, dans ces conditions pourrait-on croire que le soutien du Labour puisse ne pas continuer à dégringoler ?

Depuis son arrivée au pouvoir, New Labour a fonctionné comme le représentant politique de l’oligarchie, supervisant un transfert de richesses de la classe ouvrière vers les super-riches et le monde des affaires de la City qui est sans précédent dans l’histoire. Seul le fait qu’on ait inondé l’économie avec des crédits à bon marché et qu’il y ait eu une hausse des prix de l’immobilier ont en partie contribué à dissimuler ce processus. Maintenant que cette possibilité n’existe plus, l’envergure réelle du déclin du Labour devient visible.

Il y avait eu des appels pour que le premier ministre renonce au nouveau taux d’imposition ou introduise une quelconque compensation. Mais la marge de manœuvre dont disposent les travaillistes est extrêmement limitée. Peter Riddell, écrivant dans le journal Times de Rupert Murdoch, met en garde que « le vrai danger est qu’il sera difficile au gouvernement de résister aux appels en faveur d’un allègement des restrictions budgétaires et de la limitation des hausses de salaire du secteur public pour réagir aux inquiétudes exprimées par les députés travaillistes et les électeurs représentant la classe ouvrière. » Ce qui équivaut à dire à Brown de ne pas le faire.

Brown n’est d’ailleurs confronté à aucune opposition substantielle au sein du Parti travailliste parlementaire, sans parler d’une opposition qui défendrait d’une quelconque manière les intérêts de la classe ouvrière. La rumeur selon laquelle le dirigeant du Groupe de campagne des députés travaillistes, John McDonnell, allait se présenter contre Brown a été rapidement démentie par McDonnell lui-même. De toute manière, McDonnell n’aurait pu compter que sur une poignée de députés et il avait été incapable de mener une campagne en vue de devenir dirigeant du parti l’année dernière. 

Quant au député de Dagenham, Jon Cruddas, qui bénéficie du soutien du groupe Compass [qui a forgé New Labour N.d.T.] et qui est dépeint par les médias comme un travailliste plus traditionnel, il s’est limité à lancer des appels à l’adresse de Brown lui conseillant « de tirer des leçons de l’exemple de Boris Johnson et de David Cameron [le dirigeant conservateur] aussi… Ils semblent être plus doués sur le plan émotionnel que nous. Boris Johnson noue des rapports émotionnels avec les gens. »

Mis à part ceci, l’on parle seulement d’une quarantaine de députés qui envisageraient la possibilité de rendre public leur mécontentement à l’égard de Brown qui est « à l’abri » d’un défi direct au moins pour un an ; le travailliste Frank Field parle d’un sentiment de « désespoir privé » régnant parmi les députés.

Ce qui se développe, ce n’est pas simplement une crise affectant le premier ministre, mais une crise du parti. La popularité du Labour ne peut pas être restituée en changeant les dirigeants. Ce parti est mort sur pied en raison de l’impossibilité de s’assurer un mandat populaire pour une politique défendant les intérêts d’une infime minorité aux dépens de la population laborieuse. Labour n’est pas seulement épuisé et n’a pas seulement besoin d’être revigoré. Du point de vue de la classe ouvrière, c’est une entité hostile qui doit être remplacée par un authentique parti socialiste.

(Article original paru le 7 mai 2008)


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