Le 26 février, le quotidien Le Monde a publié un
article laissant entendre que Paris envisageait le déploiement supplémentaire
de centaines de soldats en Afghanistan en dehors de la capitale Kaboul.
Selon Le Monde, le gouvernement du président Sarkozy
est à développer une nouvelle politique française pour l’Afghanistan. « Leur destination serait des zones de combat potentiellement intense, de
préférence la région est de l'Afghanistan, face aux régions tribales
pakistanaises, pour y combattre les militants d’Al-Qaïda », a rapporté le
journal. Le porte-parole de Sarkozy, David Martinon, a refusé de confirmer ou
nier le contenu de l’article. Il a déclaré à Reuters que « Le président de
la République n'a pris aucune décision. Nous sommes en discussion avec nos
partenaires, notamment au sein de l'OTAN. »
La décision de Sarkozy de déployer davantage de troupes,
particulièrement dans les zones où les combats anti-occupation sont les plus
intenses, représenterait un changement majeur dans la politique étrangère
française. L’an dernier, durant sa visite d’un jour en Afghanistan le 22
décembre, Sarkozy ne s’était pas engagé à déployer davantage des troupes
françaises, bien qu’il avait insisté sur la présence politique et militaire à
long terme de la France dans la région. La publication de l’article survient
alors que le gouvernement américain intensifie la pression sur ses alliés
européens afin qu’ils envoient davantage de troupes dans les régions très
instables du sud de l’Afghanistan, critiquant ses alliés pour ne pas avoir
suffisamment soutenu la mission afghane.
Depuis le début de l’occupation menée par les Etats-Unis en
2001, les forces américaines et de l’OTAN ont dû faire face à une opposition
populaire grandissante. Le développement de l’insurrection contre les forces
d’occupation s’est particulièrement intensifié dans le sud. Ces forces ont
récemment subi leurs pertes les plus importantes. Jusqu’à présent, les
Etats-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, le Danemark et la
Roumanie ont déployé des troupes dans la région du sud. Ces pays ont demandé à
d’autres alliés européens d’envoyer davantage de soldats dans la région ou de
permettre à leurs forces situées dans les zones relativement moins dangereuses
du nord et de l’ouest de l’Afghanistan d’être redéployées au sud.
Au début de février, le Canada — qui a déployé 2500 soldats
dans la province très instable de Kandahar au sud de l’Afghanistan — a averti l’OTAN que ses soldats quitteraient l’Afghanistan à la fin de
leur mission en février 2009 si les alliés de l’OTAN ne déployaient pas plus de
soldats dans les régions où les combats sont les plus violents. Pendant ce
temps, le premier ministre canadien Stephen Harper contactait Sarkozy pour lui
demander des renforts de soldats et de matériel dans l’éventualité où le Canada
demeurerait en Afghanistan. « Le déploiement supplémentaire de troupes
françaises à l’est de l’Afghanistan permettrait aux soldats américains dans la
région de se rendre dans la province de Kandahar pour combattre aux côtés des
Canadiens », a mentionné Le Monde.
Au début du mois de février, lors d’une réunion des ministres
de la Défense à Vilnius, la capitale de la Lituanie, les Etats-Unis et les autres
troupes au sud de l’Afghanistan ont demandé aux pays de l’OTAN d’envoyer plus
de troupes dans cette région. À la fin du mois de janvier, le secrétaire à la
Défense des Etats-Unis, Robert Gates, a envoyé une lettre aux alliés de l’OTAN,
particulièrement l’Allemagne et la France, qui demandait un engagement plus
large quant au déploiement de troupes et d’équipements militaire dans le sud de
l’Afghanistan.
L’Allemagne, qui a quelque 3200 soldats déployés dans le Nord
de l’Afghanistan, une région relativement paisible, a été hésitante à réaliser
ce déploiement, parce que les deux tiers de la population allemande s’opposent
à la mission militaire allemande en Afghanistan. La France ne s’est pas encore
engagée à déployer plus de troupes, réagissant de la même manière que
l’Allemagne.
La France a environ 1600 troupes en Afghanistan dans le cadre
de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) menée par l’OTAN,
la plupart d’entre elles étant déployées autour de la capitale Kaboul. Tout de
suite après le 11 septembre 2001, la France a offert ses ressources et ses
capacités militaires afin de soutenir la campagne militaire dirigée par les Etats-Unis,
l’Opération liberté immuable. Les avions de combat français ont régulièrement
offert une étroite collaboration aérienne aux troupes terrestres de FIAS.
La France a participé à l’entraînement opérationnel de l’Armée
nationale afghane. Dans l’est de l’Afghanistan, la France a déployé quatre
équipes d’instructeurs spéciaux de l’armée française (Équipes de liaisons de
soutien opérationnel, OMLT), chacune composées de 50 soldats intégrés dans des
unités de l’armée afghane. La France a aussi envoyé plus d’avions de combat à
Kandahar dans le sud de l’Afghanistan. Le mois dernier, deux avions jets Rafale
à usages multiples sont retournés à la base aérienne de Kandahar afin de soutenir
les troupes du FIAS contre les insurgés.
Lors de la réunion des ministres de la Défense de l’OTAN, le
ministre de la Défense Hervé Morin a confirmé que Paris envisage de
s’engager davantage en Afghanistan. Il a refusé de donner les détails, mais a
laissé entendre que le Président Sarkozy pourrait annoncer un changement dans
la politique française dans le cadre d’un sommet de l’OTAN à Bucarest en
Roumanie.
Le secrétaire général de l’OTAN Jaap de Hoop Scheffer a
rencontré pour la première fois Sarkozy à Paris, le 1er février.
Scheffer a déclaré à la conférence de presse : « Je ne peux pas dire
que [Sarkozy] m’a donné des garanties précises, mais j’ai l’impression qu’après
les négociations… et les indications que j’ai reçues laissent entendre que la
France pourrait bien prendre plus de responsabilités en Afghanistan, mais, bien
sûr, c’est la décision du gouvernement français. »
La France sera à la tête de la présidence en alternance de
l’Union européenne en juillet. Les Etats-Unis ont recommandé avec insistance à
la France d’utiliser sa présidence pour accroître les armées de l’Europe en
augmentant les dépenses militaires et l’investissement dans le matériel et les
troupes afin que les alliés européens des Etats-Unis puissent jouer un plus
grand rôle militaire dans l’occupation de l’Afghanistan et l’Irak.
L’impérialisme français a des intérêts considérables dans
l’Asie du Sud-Ouest. Ses firmes d’énergies jouent un rôle majeur concernant la
politique régionale des pipelines, et ses corporations ont des contrats
lucratifs dans la défense et les infrastructures. Bien que dans une certaine
mesure, elle soit en compétition avec les États-Unis, une défaite des
États-Unis en Irak et en Afghanistan déclencherait des forces sociales qui
menaceraient ses propres intérêts dans la région.
Depuis l’élection de mai, Sarkozy a pris une attitude plus
pro-américaine sur toute une série de questions internationales. Il a promis
son appui à l’occupation dirigée par les États-Unis en Afghanistan et en Irak
et sur la « guerre au terrorisme ». Il a adopté la ligne dure contre
le programme nucléaire iranien. Lors de sa visite aux États-Unis en novembre
dernier, Sarkozy a promis que la France « demeurerait engagée en Afghanistan
le temps que ça prendra, parce que le futur de nos valeurs et de celles de
l’alliance Atlantique sont en jeu dans ce pays ».
Dans une entrevue accordée au New
York Timesen septembre 2007, Sarkozy avait dit que
la France était prête à se joindre à la structure de commandement militaire de
l’OTAN — de laquelle elle était absente depuis la décision du président Charles
de Gaulle en 1966 de quitter l’OTAN dans le cadre de son plan de développement
d’une politique de défense indépendante de la France. La décision de Sarkozy a
été chaudement accueillie par les États-Unis.
Sarkozy s’est rangé derrière les prétentions de
l’Administration Bush que l’Iran représente une menace nucléaire qui doit être
contrée par des sanctions plus énergiques et par l’utilisation possible de la
force militaire. Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères de la
France, s’est prononcé l’automne dernier en faveur d’une attaque militaire
contre l’Iran « si les négociations échouaient ».
Plus tôt cette année, la France annonçait l’établissement
de sa toute première base militaire permanente près des côtes de l’Iran, qui
devrait être établie en 2009 dans la région du golfe Persique. Les militaires
français viennent tout juste de terminer un exercice militaire conjoint de deux
semaines, nommé Bouclier du Golfe 01, avec les troupes des Émirats arabes unis
(EAU), et du Qatar. Les exercices se sont déroulés sur le territoire des
Émirats arabes unis et dans les eaux internationales près du détroit d’Hormuz,
à travers lequel navigue plus du tiers du pétrole mondial. Les exercices ont impliqué
1500 soldats français, 2500 des Émirats Arabes Unis et 1300 du Qatar, opérant
sur terre, sur mer et dans les airs. Près d’une demi-douzaine de navires de
guerre, 40 avions et des douzaines de véhicules blindés étaient impliqués dans
l’exercice.
La base donnera à la France sa première présence permanente
dans cette région dans une autre action provocatrice contre Téhéran. L’Iran a
qualifié l’établissement de la base française de geste non amical. « Nous
croyons qu’une telle présence n’est pas porteuse de paix et de sécurité dans la
région, » a déclaré Mohammad Ali Hossein, le porte-parole du ministre des Affaires
étrangères iranien.