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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

Les ramifications de la visite d’Ahmadinejad en Irak

Par James Cogan
13 mars 2008

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La visite en Irak, les 2 et 3 mars, du président iranien Mahmoud Ahmadinejad souligne l’impact majeur de l’invasion américaine sur les relations politiques à travers la région. L’occupation américaine du pays a déclenché des processus que l’élite dirigeante américaine n’avait pas prévus et qu’elle ne souhaite pas.

Ahmadinejad est la première tête dirigeante de la République islamique d’Iran à visiter l’Irak depuis le renversement du régime pro-américain du shah Mohammad Reza Pahlavi en 1979. Moins d’un an après la révolution iranienne, le dictateur irakien Saddam Hussein, avec le soutien tacite des Etats-Unis et de leurs alliés régionaux, envahit l’Iran et entreprit une guerre meurtrière qui dura jusqu’en 1988 et fit plus d’un million de morts. Les relations entre ces deux pays furent par la suite essentiellement hostiles et dominées par la méfiance.

Contrastant fortement avec les années d’hostilité, la direction du gouvernement fantoche des Etats-Unis en Irak embrassa Ahmadinejad, lui donna l’accolade et fêta son arrivée. Le président irakien, le leader kurde Jalal Talabani, proposa publiquement qu’Ahmadinejad l’appelle « oncle Jalal », pour symboliser la proximité de la relation entre l’Irak et l’Iran.

Contrairement aux dignitaires américains, qui visitent le pays en secret et qui ne peuvent quitter les enceintes hautement fortifiées, les représentants irakiens ne virent aucun problème à ce qu’Ahmadinejad emprunte la principale route quittant l’aéroport — qui avait été surnommée « l’autoroute de la mort » par des soldats américains — et fasse une visite de nuit au mausolée de deux des 12 imams chiites. On assigna une division complète de 30 000 soldats de l’armée irakienne à sa protection. Un millier des miliciens kurdes peshmergas firent aussi office de gardes du corps.

Le premier ministre irakien Nouri al-Maliki, soutenant Ahmadinejad en se tenant à ses côtés, déclara sans détour : « Le peuple irakien n’aime pas les Etats-Unis. » Le chef iranien fit ensuite une critique acerbe de l’occupation américaine. « La présence d’étrangers dans la région a porté préjudice aux nations de la région », a-t-il déclaré. « Ce n’est rien de moins qu’une humiliation... Le peuple de cette région n’a bénéficié en rien de l’occupation et n’a subi que dégâts, sabotage, destruction, insultes et déchéance... Nous croyons que les forces qui sont venues de l’étranger après avoir parcouru des milliers de kilomètres doivent quitter la région... »

Le président iranien a signé un programme en sept points pour développer les liens économiques entre l’Iran et l’Irak et s’est engagé à verser un milliard de dollars pour aider à la reconstruction des infrastructures irakiennes. L’Iran est déjà la plus grande source d’importations pour l’Irak, les échanges commerciaux entre les deux pays atteignant plus de 8 milliards de dollars par année. Parmi les nouvelles propositions, l’Iran prévoit fournir de l’électricité dont une partie serait générée par la centrale nucléaire, presque complétée, que les Etats-Unis accusent être une façade pour un programme d’armes nucléaires.

Dans les jours qui suivirent l’invasion américaine le 20 mars 2003, la dernière chose que Washington aurait pu prédire est que cinq ans plus tard un président iranien fondamentaliste et opposant de la politique des Etats-Unis serait accueilli à Bagdad, qu’on lui permettrait de condamner la présence américaine et élaborerait un programme afin de lier économiquement l’Irak et Téhéran.

Pour la cabale militariste à Washington, le futur allait être tout autre. Le régime iranien était le deuxième sur la liste de « l’axe du mal » de Bush. Il y a tout lieu de croire qu’alors que les tanks américains avançaient dans Bagdad, la Maison-Blanche anticipait que, au plus tard en 2008, l’Iran aurait aussi été ramené à l’état de pays satellite des Etats-Unis.

Au lieu de cela, l’impérialisme américain a essuyé revers après revers dans sa tentative d’établir sa domination sur les ressources énergétiques du Moyen-Orient et de l’Asie centrale et c’est en Irak où il a le plus échoué. La base arabo-sunnite du régime baasiste de Saddam Hussein a lancé une violente guérilla dans les jours qui ont suivi la chute de Bagdad. En avril 2004, l’occupation américaine a fait face à des soulèvements encore plus menaçants parmi la classe ouvrière chiite et les classes pauvres des villes. Pour empêcher que l’insurrection se poursuive, Washington dépendait du clergé chiite mené par l’Ayatollah Ali al-Sistani, né en Iran, et des partis fondamentalistes chiites possédant des liens religieux et politiques avec l’Iran, particulièrement avec ce qui est maintenant appelé le Conseil suprême islamique irakien.

La contrepartie fut l’acceptation par les Etats-Unis que le gouvernement fantoche serait dominé par l’élite chiite de l’Irak, plutôt que par différents laquais cultivés par la CIA à l’intérieur de la communauté irakienne exilée pendant les années 1990, tels Iyad Allaoui et Ahmad Chalabi. La montée des chiites a mené à l’explosion d’une brutale guerre civile sectaire en 2006 entre les factions rivales sunnites et chiites, dans laquelle des centaines de milliers d’Irakiens ont été tués ou déplacés et pendant laquelle la haine vis-à-vis l’occupation augmenta de façon drastique.

Même après la mort de plus d’un million de personnes et la destruction complète de l’infrastructure sociale du pays, une insurrection contre la présence américaine se poursuit toujours autant dans les zones chiites que sunnites. L’année dernière, l’armée américaine s’est vu contrainte à faire une « escalade » de sa force d’occupation à plus de 160 000 troupes, ce qui représente la moitié des unités de combat disponibles de l’armée américaine et du corps des Marines. La crise à laquelle fait face le Pentagone est exprimée le plus clairement dans le fait qu’elle doit embaucher plus de 100 000 mercenaires sous-traitants pour appuyer ses propres forces.

Pendant que les dépenses américaines dans l’« Opération liberté pour l’Irak » drainent le trésor américain de plus de 5 milliards par mois, peu de progrès ont été faits dans le but d’ouvrir aux grandes entreprises américaines l’exploitation des grandes réserves pétrolières et gazières. De plus, l’instabilité que la guerre a engendrée est un facteur dans la flambée des prix du pétrole à plus 100 dollars le baril et dans les pressions inflationnistes mondiales.

Le régime iranien, au contraire, a bénéficié du bourbier. L’invasion américaine a renversé le principal rival régional de l’Iran — le régime baasiste. La Chine et la Russie, menacées par les tentatives américaines pour s’approprier les ressources énergétiques, ont cherché à resserrer les liens avec Téhéran et ont cherché à limiter l’impact des accusations de l’administration Bush selon lesquelles l’Iran tenterait de construire des armes nucléaires. Au Moyen-Orient, le blocage des efforts pour renverser le régime iranien a mené des États pro-américains comme la Turquie, l’Égypte et l’Arabie Saoudite à se distancer des pressions américaines envers l’Iran. Plutôt, ils ont ouvert des relations diplomatiques et commerciales plus étroites.

Les mêmes calculs sous-tendent l’accueil donné à Ahmadinejad par les factions politiques dominantes et pro-occupation en Irak : l’alliance chiite ainsi que les partis nationalistes kurdes, qui ont établi une région autonome dans les trois provinces du nord du pays. L’impérialisme américain, craignent-elles, sera ultimement contraint par des pressions économiques et politiques à abandonner sa tentative militaire pour dominer le Moyen-Orient. L’Iran, cependant, un pays voisin de 70 millions d’habitants, est une puissance avec laquelle ils devront négocier.

La question évidente qui se pose est celle-ci : faut-il accorder de la crédibilité à l’affirmation selon laquelle la classe capitaliste américaine va accepter d’avoir seulement une influence marginale sur l’exploitation des réserves mondiales principales de pétroles et de gaz naturel ? Toute analyse sérieuse des trente dernières années et particulièrement des années qui ont suivi le 11 septembre 2001 indique que la réponse est clairement « non ». L’impérialisme américain est déterminé à conserver sa position hégémonique dans la région et internationalement. Son instrument pour conserver cette position est la machine de guerre massive qu’il possède et son empressement criminel de bafouer toutes les normes d’après-guerre des relations entre les Etats. Les deux partis de l’élite dirigeante américaine, les démocrates et les républicains, adhèrent à la doctrine de Bush de la « guerre préventive », c’est-à-dire le « droit » des Etats-Unis d’attaquer tous les pays qu’ils jugent être une menace réelle ou potentielle aux intérêts américains.

La demande d’Ahmadinejad pour que les Etats-Unis quittent le Moyen-Orient a été répondue mardi par le numéro deux des forces américaines en Irak, le lieutenant général Ray Odierno. Il a accusé Téhéran de fournir des armes aux insurgés qui attaquent les troupes américaines et a pointé du doigt l’Iran comme étant la plus grande « menace à long terme » pour la stabilité de l’Irak. La logique de ces tensions géopolitiques a plus de chance de mener à la guerre qu’à un retrait des troupes américaines.

(Article original anglais paru le 8 mars 2008)


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